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verses en bois, placées à la distance de 1 mètre et demi, mais un peu plus rapprochées dans les courbes. Les joints se font au moyen de coins doubles, chassés dans les ouvertures mėnagées entre les saillies des chairs et les massifs réservés aux deux bouts de chaque rail. Les traverses sont surmontées d'une côte ou nervure supportant le rail central. Par l'ensemble de cette disposition, dans laquelle le poids principal du convoi, celui de la locomotive, agit au milieu de la longueur de la traverse, la pression semble devoir se répartir également sur toute la surface de la voie. Ces rails sont en fonte. Leur poids total, joint à celui des chairs, est de 18 kilogrammes par mètre de chemin. D'après les calculs de l'inventeur, les frais d'établissement, malgré l'élargissement de la voie et l'adjonction d'un troisième rail, ne seraient guère plus considérables que dans le système actuel. Les avantages d'économie porteraient donc uniquement dans la réduction des grands travaux d'art et de

terrassement.

Des voitures et wagons. Quant aux voitures et wagons, l'inventeur a voulu remédier aux inconvénients du parallélisme et du rapprochement des essieux, à ceux de la fixité des roues et du mouvement de lacet, conséquence presque inévitable de la disposition actuelle. Voyons quelle est, dans son système, la disposition de cette partie essentielle de l'ensemble des chemins de fer.

Dans l'examen du système de M. Arnoux, nous avons vu (pag. 176) que la rigidité de tout l'ensemble est maintenue comme dans le système ordinaire, à l'exception des essieux, qui, étant articulés, convergent selon que le rend nécessaire le rayon des courbes sur lesquelles on se meut. M. de Jouffroy, au lieu des essieux, a imaginé d'articuler les wagons eux-mêmes. A cet effet chacun d'eux se divise en deux parties, qui se réunissent sur un gond vertical, et dont chacune est traversée par l'essieu, autour duquel tournent les roues. Chaque demi-wagon est donc dans une parfaite indėpendance, relativement à ceux qui l'accompagnent: deux articulations, espèces de charnières inflexibles dans le sens vertical et mobiles dans le sens horizontal, servent de lien entre eux. Par ce moyen d'articulation, chaque paire de roues, tournant sur les fusées comme les roues ordinaires, conserve, lors du passage des courbes, une entière liberté d'action.

Dans le système ordinaire, les wagons sont exposés au renversement, soit dans le cas du bris d'un essieu, soit par l'effet de la force centrifuge lors du parcours trop rapide de courbes à petit rayon. Ici ce grave inconvénient a pu être évité par l'abaissement du centre de gravité des voitures, lequel

se trouve à peu près à la hauteur des essieux et à quelques centimètres seulement au-dessus de la voie. D'un autre côté, cette disposition a permis d'augmenter le diamètre des roues, partant la vitesse, et cela sans dépenser plus de vapeur; et de plus, par suite de l'élargissement de la voie, de placer ces roues extérieurement aux voitures, ce qui augmente considérablement les conditions de stabilité de tout l'ensemble.

Des appareils de sûreté. D'après l'inventeur, ces appareils donneraient les moyens,

1o D'enrayer totalement ou partiellement des convois,

2o Et de pouvoir détacher instantanément l'une de l'autre, en cas d'accident, chacune des voitures composant le convoi. Le système d'enrayage consiste dans la manière dont les voitures sont liées les unes aux autres à l'extrémité d'arrière de chacune, le bâtis, dans son milieu et à la hauteur du plan de l'essieu, est traversé par une tige de fer, rentrant dans l'intérieur de quelques centimètres, et portant un double écrou, destiné à servir de point d'appui au tirage; à l'avant, cette tige porte une moitié de charnière, qui, au moyen d'une cheville, facile à enlever à l'aide d'une bascule, s'articule avec la tige de la voiture qui précède. Ces tiges sont traversées, 1o par un double ressort chargé de les maintenir tendues dans le sens du tirage, de manière que l'écrou intérieur s'appuie contre le bâtis, et 2o par un levier qui met en jeu deux tiges correspondantes aux freins des roues.

Par suite de cette disposition, toutes les roues, en cas de choc ou d'arrêt subit du convoi, sont spontanément serrées par les freins, lesquels enveloppent près de la moitié de leur circonférence. Dans le système actuel au contraire, les freins n'agissent qu'à la main, et ne frottent que sur une très-petite partie de la circonférence des roues.

La locomotive peut être arrêtée presque instantanément et le tender enrayé, à l'aide d'un frein qui, comme on va le voir, agit par un grand bras de levier sur la roue motrice. Quant aux wagons, ils peuvent être enrayés par le machiniste au moyen d'un lourd sabot pressé contre le rail central.

De la locomotive. Nous voici arrivé à la partie la plus intéressante du système que nous avons à examiner. Cette partic est aussi la plus importante de l'ensemble, et c'est pour elle principalement qu'ont été opérées les modifications apportées dans le système de la voie l'adjonction du rail central et le striage transversal de sa surface.

La locomotive, comme les voitures et les wagons, se divise en deux parties distinctes: celle de l'avant, de laquelle dépend

tout le mouvement du convoi, et celle de l'arrière, portant avec la chaudière une partie des générateurs de la force motrice.

La première partie, qui est un véritable tricycle (V. la fig. 48); se compose de la roue motrice R, qui marche sur le rail strié du milieu M, et d'une série de pignons P, et de chaînes sans fin rr; elle est supportée par deux petites roues RR'. En avant de la roue motrice est un axe d'em brayage A, qui reçoit son mouvement des bielles et des tiges de piston T; ces pistons sont placés à l'arrière de cette roue, dans les cylindres V, qui, à travers une boîte mobile située et fixée dans le prolongement de l'axe central d'articulation, reçoivent la vapeur de la chaudière C.

Cette chaudière compose la seconde partie de la locomotive. Cette partie est articulée avec la première de la même manière que les demi-wagons le sont entre eux. De longues tiges placées à la disposition du mécanicien permettent à ce dernier d'opérer toutes les transformations de vitesse, de mouvement et de puissance qui sont propres au système de communiquer, par exemple, le mouvement à l'un ou à l'autre des deux pignons Pou de le suspendre complétement.

Fig. 48. Plan de la locomotive articulée du système Jouffroy.

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On comprendra l'avantage de cette innovation, si l'on considère que chacun des pignons de l'axe A correspond, au moyen des chaînes sans fin r, à un autre pignon fixé sur l'axe de la roue motrice et dont le diamètre est inversement plus petit ou plus grand. Par ce moyen on peut, sans ralentir la vitesse des pistons, diminuer ou augmenter à volonté la vitesse de la roue motrice. En effet, si le piston agit sur le pignon du plus grand diamètre correspondant à celui du plus petit diamètre fixé à l'axe de la roue motrice, la vitesse de cette roue se trouve augmentée, puisque, pour un tour de piguon directeur, le pignon dirigé peut en faire deux ou trois, suivant le rapport des diamètres. C'est ce qui arrivera dans toutes les parties de niveau. Mais, lorsqu'on aura une rampe à franchir, on embrayera le petit pignon, et pour un même nombre de coups de piston la roue motrice fera un moins grand nombre de tours. Dans ce cas, la vitesse est moindre, mais la puissance de locomotion est considérablement augmentée.

La grande roue motrice est composée de deux couronnes, dont la circonférence embrasse une jante intérieure en bois dur disposé de bout, c'est-à-dire dont la fibre est placée dans la direction des rayons de la roue. Sa circonférence se termine, en dehors de la jante, par deux rebords de 10 centimètres de saillie qui embrassent le rail central et servent de guides à la

roue.

Tel est dans ce système l'ensemble du mécanisme de la machine locomotive. La question de l'adhérence de la roue sur le rail, question qui plusieurs fois a été soulevée, paraît résolue si l'on considère que le rail est strié transversalement, et que l'adhérence du bois sur la fonte du rail est incomparablement plus grande que celle qui, dans le système actuel, se développe par le simple contact du fer sur le fer. Toutefois, comme la force qui doit être produite est considérable, nous croyons que l'augmentation plus ou moins directe du poids de la grande roue motrice ne pourrait qu'amener sous ce rapport d'utiles résultats. Une objection, mieux fondée selon nous, a été soulevée relativement à l'augmentation de résistance déterminée par le striage du rail central et par l'établissement des deux rails à ornières, dispositions qui ont été employées dans l'enfance des chemins de fer et abandonnées depuis que l'expérience en a démontré les nombreux inconvénients.

Telle est l'idée générale du nouveau système de chemins de fer de M. le marquis de Jouffroy. Le peu d'espace dont il nous était permis de disposer nous a interdit l'analyse des détails, qui, nous devons le reconnaître, sont ingénieux et des mieux

entendus. Mais la question est de savoir si, dans l'application, ce système conservera la supériorité qui lui a été assignée par les expériences réalisées jusqu'ici. Cetie question fait l'objet de doutes très-sérieux. Quoi qu'il en soit, le public se verra bientôt admis à décider lui-même de ce point important. Avec cette noble confiance en son œuvre qui jamais n'abandonne l'inventeur, M. de Jouffroy prépare à grands frais une expérimentation complète, avec une locomotive et des voitures de grandeur ordinaire. Si cette application détruit tous les doutes qui ont été élevés à son sujet,; si seulement elle confirme les espérances que l'expérimentation réduite a fait concevoir, il n'y aura pas à hésiter sur la substitution de ce système, essentiellement français, à celui qui est employé aujourd'hui.

II. DU SYSTÈME DE CIRCULATION DES VOITURES A VAPEUR SUR LES ROUTES ORDINAIRES.

Les nombreuses tentatives qui ont été faites pour appliquer la force de la vapeur à la locomotion sur les routes ordinaires ont échoué pour la plupart, faute de s'être attachés à déterminer d'avance les résultats économiques de cette application. Nous examinerons quels sont ces résultats avant de décider jusqu'à quel point il serait possible de généraliser ce mode de transport. Jetons auparavant un coup d'oeil rapide sur son degré d'utilité, et sur l'historique des premières applications qui en ont été faites.

Une difficulté insurmontable pour ce genre de circulation, et qui paraît suffisante pour rendre impossible sa substitution complète aux voies de fer actuelles, c'est l'irrégularité de la surface que présentent les routes ordinaires, lesquelles auraient besoin avant tout d'être grandement améliorées pour que la locomotive, en les parcourant, ne risquát pas de se détraquer par les chocs et les soubresauts. Si en effet les moteurs animés, tels que le cheval, peuvent se plier à une grande variété de résistance, tout au contraire les mécanismes sortis de la main de l'homme présentent généralement une rigidité peu compatible avec des chocs qui viennent rompre un mouvement continu. Le parfait entretien des routes et aussi la bonne exécution de leur tracé sont donc, pour ce genre de communication, des conditions inhérentes à son application pratique.

La substitution de la force de la vapeur à celle des chevaux sur les routes de terre favorablement situées pour ce nouveau service peut procurer deux avantages importants d'abord la

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