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mercedem pignori mihi essent; mais cela peut s'expliquer en observant que cette convention expresse était très-ordinaire dans les anciens temps (comme la loi citée l'indique), jusqu'à ce qu'enfin on admit que cet engagement se sous-entendrait de lui-même (1).

L'hypothèque tacite du bailleur d'un rusticum prædium ne s'étend nullement aux choses apportées par le colon dans le fonds loué, comme plusieurs auteurs ont voulu l'induire de la loi 5, C., 4, 65, contre la disposition formelle de la loi 4, pr., 20, 2. Il est en effet facile de reconnaître, après un examen atteutif, que la loi 5 suppose une hypothèque conventionnelle. Quant au motif pour lequel l'hypothèque tacite fut restreinte aux produits de l'immeuble, il est aisé de le comprendre. Le bailleur d'un bien rural ayant déjà hypothèque tacite sur les récoltes n'avait plus en général grand intérêt à se faire engager les meubles ou les instruments aratoires du fermier; aussi l'engagement de ces choses devint-il un fait exceptionnel, et le défaut de convention expresse fit naturellement présumer que le propriétaire de la ferme n'avait pas compté sur ces objets pour sa garantie.

Les lois romaines accordaient également au bailleur de fonds urbains une hypothèque tacite sur les meubles que le locataire y avait fait porter ou conduire, pour le payement des loyers et autres obligations résultant du bail (2). L'affectation tacite des invecta ou illata s'expliquait par la présomption que telle était la volonté des parties conformément à l'usage général (3). Sans cela le

(1) Arg. L. 4 pr., D., 2, 14.

(2) L. 4 pr., D., 20, 2.

(3) L. 14 pr., D., 2, 14.

locator d'un prædium urbanum eût été dépourvu de toute garantie.

Cette hypothèque tacite du bailleur sur les choses apportées par le locataire n'eut lieu à l'origine qu'à Rome et dans ses environs; mais elle fut dans la suite appliquée à l'autre capitale et à son territoire, et Justinien l'étendit à toutes les provinces: Tali enim justá præsumptione etiam nostros provinciales perpotiri desideramus (1).

La différence notable qui, ainsi que nous venons de le voir, sépare le bailleur d'un fonds rural et d'un fonds urbain, démontre assez combien il importe de se fixer sur le sens et la portée de ces deux expressions. Par fonds urbains, on entend, nous dit la loi 198 de Verb. signif., liv. L, titre 16, au Digeste: non-seulement tous les édifices de ville, mais encore les maisons ou les étables situées dans les bourgs et villages, ainsi que les villas d'agrément, parce que ce n'est pas le lieu qui rend l'édifice urbanum, mais la qualité de cet édifice. Les jardins attenant aux bâtiments doivent être également rangés sous la même dénomination. Mais il en serait autrement si ces jardins étaient plantés en vignes ou en oliviers, parce qu'ils seraient plutôt considérés comme productifs que comme jardins d'agrément. Quant aux fonds ruraux, ce sont évidemment tous les terrains non bâtis, dans quelque endroit qu'ils soient situés.

Cette définition ne doit pas toutefois être prise à la lettre c'est ainsi que dans la loi 4, 1, C., 20, 2, nous voyons Neratius se demander dans quelle classe de fonds

(1) L. 7, C., 8, 15.

il faut ranger les étables qui ne sont point contiguës aux bâtiments. La raison de douter vient probablement de ce que, d'une part, ces étables, en vertu du principe: Urbanum prædium non locus facit, sed materia, peuvent être considérées comme des fonds urbains; et de ce que, d'autre part, elles peuvent sembler participer de la nature du fonds rural dont elles sont l'accessoire, au même titre que les jardins attenant aux maisons sont comptés au nombre des fonds urbains. En présence de ces considérations opposées, le jurisconsulte décide que ces étables ne sont pas des fonds urbains, et que cependant, en ce qui concerne l'hypothèque tacite, elles doivent être regardées comme telles.

L'hypothèque assure au bailleur l'exécution de toutes les obligations qui résultent à son profit du contrat de louage: les meubles apportés par le locataire sont affectés à la garantie du propriétaire, non-seulement pour les loyers, mais encore pour l'indemnité des détériorations que le preneur aurait causées par sa faute (1).

CHAPITRE II.

DÉTERMINATION DES CHOSES AUXQUELLES S'APPLIQUE L'HYPOTHÈQUE TACITE.

Le bailleur d'un bien rural a de plein droit hypothèque

(1) L. 2, D., 20, 2.

sur les récoltes (1), et le bailleur d'une maison ou d'un appartement exerce son hypothèque tacite sur les meubles que le locataire y avait fait porter ou conduire, pour le payement des loyers ou autres obligations résultant du bail (2). Il n'y a pas à distinguer du reste, comme le font observer Neratius et Ulpien, si c'est un magasin ou un simple emplacement qui a fait l'objet du louage (3).

Les choses apportées dans le fonds pour y rester : quæ, ut ubi sint, illata fuerint, sont toutefois les seules qui soient soumises à l'hypothèque. La Loi 32, 20, 1, au Digeste, nous en fournit un exemple. Un débiteur est convenu que tout ce qui serait introduit, amené, apporté dans le fonds donné en gage, et tout ce qui y naîtrait ou y aurait été fabriqué, serait engagé. Une partie de ses terres étant sans fermier, le débiteur en a remis la culture à l'esclave chargé de la gestion de ses affaires et lui a en même temps assigné les esclaves nécessaires aux travaux. On demande si Stichus, directeur de l'exploitation, ainsi que les autres esclaves employés à la culture et les vicaires de Stichus, sont hypothéqués au créancier. Le jurisconsulte a répondu qu'il n'y a d'obligés que ceux-là seulement que le maître a introduits dans le fonds pour les y fixer à perpétuité, et non ceux qu'il voulait y employer pour un temps: eos duntaxat qui hoc animo a domino inducti essent, ut ibi perpetuò essent, non temporis causâ accommodarentur.

(1) L. 7, D., 20, 2. (2) L. 4, D., h. t.

(3) L. 7, 1, h. t.

Pour être conséquent avec ce principe, il faudrait décider contrairement à la loi 3, h. t., que le bailleur d'une boutique n'aura pas d'hypothèque tacite sur toutes les marchandises qui y seront apportées; car elles ne doivent pas y rester. Bien que le texte de la loi 3 soit trèsformel, je ne pense pas qu'il faille prendre cette décision entièrement à la lettre : car si par le fait seul de leur apport les marchandises sont frappées d'hypothèque, et qu'elles continuent d'en être grevées après leur aliénation et leur sortie des lieux, le commerce du locataire se trouve paralysé et devient impossible. Ce résultat nous paraît tout à la fois choquant et contraire à l'intention des parties. Nous ne voulons pas dire par là qu'on doive refuser tout droit au bailleur sur les marchandises; et nous serions tenté d'appliquer, par analalogie de motifs, la décision de Scévola contenue dans la loi 34, D. 20, 1. Voici l'hypothèse prévue. Un débiteur a donné sa boutique en gage à son créancier, on demande si par là il a fait un acte sans résultat, ou si sous cette dénomination il est censé avoir obligé les marchandises qui s'y trouvent. Dans le cas où il les aurait vendues successivement, puis en aurait acheté d'autres et serait décédé, le créancier pourra-t-il réclamer par l'action hypothécaire tout ce qui se trouve dans le magasin, bien que les marchandises ne soient plus les mêmes et qu'on en ait introduit d'autres? Le jurisconsulte répond que ce qui garnissait les lieux au moment de la mort du débiteur, paraît être hypothéqué au créancier. Ea quæ mortis tempore debitoris in taberna inventa sunt, pignoris obligata esse videntur. Nous déciderions de même que droit du bailleur de la boutique est limité aux marchan

le

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