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dises qui s'y trouvent, au moment où il exerce son droit hypothécaire.

Il importe peu, en général, qué les choses apportées dans les lieux soient affectées à la garantie du propriétaire en vertu d'une convention expresse ou par le tacite consentement des parties. Son droit n'en est ni plus ni moins étendu. Il y a cependant une différence que signalent les lois 6 et 9, 20, 2, au Digeste. Elle consiste en ce que nous ne pouvons pas affranchir les esclaves engagés par suite d'une clause formelle, tandis que nous affranchissons valablement ceux qui sont engagés par le fait même de leur habitation dans la maison louée. Leur libération doit cependant avoir lieu avant que les effets soient saisis pour le loyer, car nous ne pouvons donner la liberté aux esclaves retenus à titres de gage. Nerva, il est vrai, prétendit qu'on pouvait la leur donner par la fenêtre, mais cette décision lui attira les rires et les moqueries de tout le monde.

Il n'y a que celui à qui la chose appartient qui puisse la donner en gage, et la constitution d'une hypothèque sur la chose d'autrui dont on n'a pas la disposition, ne peut valoir que si le propriétaire y consent ou la ratifie (1). Mais le mot appartenir est susceptible d'une grande extension ; car il comprend tout ce qui est dans notre domaine, et ce que nous possédons seulement à un titre quelconque. Le mot s'applique même aux choses sur lesquelles, sans avoir encore aucun droit de cette nature, nous pouvons espérer d'en avoir un jour (2). Ces idées

(1) L. 20, pr., D., 13, 7; L. 16, 1, D., 20, 1.

(2) L. 181, D., 50, 16.

trouvent leur application dans la loi 18, 20, 1, au Digeste. Le texte suppose que j'ai reçu une chose en gage de celui qui pouvait employer l'action Publicienne, et il décide que le préteur me protégera par l'action Servienne, de même qu'il protège mon débiteur par l'action Publicienne.

Ces principes, qui s'appliquent incontestablement à l'hypothèque conventionnelle du bailleur de fonds rural sur les choses apportées par le fermier, doivent s'appliquer à l'hypothèque tacite du bailleur de fonds urbain. Les choses apportées par le locataire ne sont donc grevées de l'hypothèque que si elles lui appartiennent, ou si le véritable propriétaire de ces objets consent à ce qu'ils soient affectés au payement des loyers. La loi 5, 2. 20, 2. au Digeste, nous fournit la confirmation de cette doctrine. Une personne bypothèque une chose qui ne lui appartient pas, et le propriétaire de cette chose se porte son fidéjusseur. Par ce cautionnement, dit Marcien, le propriétaire autorise en quelque sorte l'engagement de sa chose. Mais si l'hypothèque avait suivi la fidéjussion, la chose ne serait pas engagée.

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Lorsqu'il y a sous-location d'un prædium urbanum, le droit du bailleur porte non-seulement sur les meubles du locataire principal, mais encore sur ceux du souslocataire, jusqu'à concurrence du montant des obligations que celui-ci a contractées en cette qualité: In eam duntaxat summam invecta mea et illata tenebuntur in quam coenaculum conduxi. Une convention tacite est censée intervenue à cet égard entre le sous-locataire et le propriétaire lui-même, en sorte que celui-ci profite plutôt du pacte qu'il a fait que du pacte fait fait par

le

locataire principal (1). Si le sous-locataire avait obtenu une habitation gratuite, les effets qu'il aurait apportés ne seraient point hypothéqués au maître de la maison: cette personne n'étant tenue d'aucune obligation, n'avait pas de sûretés à donner au bailleur (2).

Si le fonds affermé est un prædium rusticum, les fruits sont la garantie du bailleur, qu'ils aient été recueillis par le locataire principal ou par ses sous-locataires; car le fermier n'a pu, en sous--baillant, priver le propriétaire de son gage. Quant aux choses apportées sur le fonds, elles ne seront pas engagées (3). Cette différence peut facilement s'expliquer. Les fruits sont affectés au payement des fermages en vertu du consentement tacite des parties. Pour les res invectæ fundo, il faut une convention expresse et dont on ne peut présumer l'existence. Il nous reste à préciser l'époque à partir de laquelle l'hypothèque frappe les fructus ou les invecta et illata.

Les fruits ne deviennent la propriété du fermier que du jour de leur perception; jusque-là, ils font partie intégrante du fonds: etenim fructus, quamdiu solo cohæreant, fundi esse (4). L'hypothèque ne les frappe que du jour où ils sont perçus. De même elle ne commence à grever les choses apportées dans les lieux qu'à partir de cet apport. La loi 11, 2, 20, 4, au Digeste, va nous en donner la preuve. Un fermier est convenu que les choses qui seraient amenées ou apportées dans le fonds, ou qui y naîtraient, seraient affectées à la garantie du proprié

(1) L. 11, 5, D., 13, 7.

(2) L. 5, pr., D., 20, 2.

(3) L. 24, 1, D., 19, 2.

-

(4) L. 61, 8, D., 47, 2. Inst., liv. 11, 1, § 36.

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taire. Avant d'apporter sur les lieux un certain objet, il l'hypothèque à une autre personne; Gaïus décide que la préférence appartiendra à celui qui a reçu une hypothèque spéciale et non conditionnelle. La raison en est les meubles du fermier ne sont point engagés en vertu de la première convention, mais par le fait de leur introduction dans le fonds. Or, cette introduction a eu lieu postérieurement à la constitution de l'hypothèque spéciale.

que

La loi 9, pr., 20, 4, au Digeste, prévoit une hypothèse analogue. Une personne prend à bail une maison de bains à partir des calendes prochaines, et convient que l'esclave Eros sera engagé au locateur jusqu'au payement des loyers. Le même débiteur, avant les calendes de juillet, donne en gage ce même Eros à un autre créancier pour l'argent qu'il lui avait emprunté. Consulté sur la question de savoir si le préteur doit protéger le locateur contre la demande que ce créancier fait de l'esclave Eros, le jurisconsulte répond que le préteur doit lui accorder sa protection. En effet, bien que l'esclave ait été engagé dans un temps où rien n'était encore dû pour la location, cependant, comme dès ce moment l'esclave Eros, était dans une position telle, que le droit de gage auquel il avait été affecté ne pouvait être résolu sans le consentement du locateur, ce dernier doit être considéré comme préférable.

Nos deux lois semblent, au premier abord, renfermer des décisions qu'il serait impossible de concilier. La contradiction n'est cependant qu'apparente et ne résiste pas à un examen plus attentif des textes. Dans la loi 11, § 2, les parties sont convenues que le bailleur aurait hypothèque sur les choses apportées par le fermier; mais au

moment de la convention son gage n'existe pas, son existence, comme son étendue, est subordonnée à l'apport du colon. Celui-ci peut, sans manquer aux engagements qu'il a pris, disposer de sa chose comme bon lui semble. N'est-il pas en effet resté libre de ne rien apporter ou de n'apporter que des choses sans valeur? Il a donc pu avec la même liberté n'introduire dans la ferme que des objets déjà grevés d'hypothèque. Le bailleur ne saurait se plaindre de ce droit qui prime le sien. N'a-t-il pas en effet consenti à restreindre son gage aux choses qui seraient apportées sur le fonds, avec la qualité bonne ou mauvaise qui les affecterait à cette époque ? Dans la loi 9 pr., l'espèce est bien différente. Eros a été, dès le principe, individuellement désigné comme devant garantir le payement des loyers; c'est sur cet esclave que le bailleur a dû compter pour assurer l'exécution des obligations que le preneur contracte envers lui; ce serait donc le tromper dans une attente légitime que de permettre au locataire de grever après coup cet esclave d'un droit préférable au sien.

Faisons observer, en terminant, que le gage subsiste en cas de tacite reconduction. Le preneur qui, à l'expiration de son bail, a continué de jouir en vertu de la même location, n'est pas seulement réputé avoir fait un nouveau bail, mais encore avoir donné les mêmes garanties. Cette solution n'est cependant vraie qu'autant que ce n'est pas un étranger qui a fourni les gages; car il faudrait un nouveau consentement de la part de celui qui les aurait fournis (4).

(1) L. 13, 11, D., 19, 2.

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