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faire reconnaître ce droit et d'obtenir la possession de la chose engagée (1) : hæc enim, etsi in rem actio est, nudam tamen possessionem avocat. De plus, dans le cas où la valeur du gage est inférieure au montant de la créance, le défendeur peut être tenu à la restitution des fruits perçus depuis le moment de la litis contestatio. Quant aux fruits antérieurs, le juge ne peut en prononcer la restitution, à moins qu'ils n'existent encore et que la chose ne suffise pas (2).

Le défendeur est, en règle générale, le possesseur du gage soit le débiteur lui-même, soit une personne ayant hypothéqué sa chose pour la sûreté de la dette d'autrui, soit un créancier postérieur, soit un tiers.

Pour réussir dans sa demande, le bailleur a plusieurs choses à prouver. Il doit établir, d'une part, son droit de créance (3) et le fait de la constitution d'hypothèque (4): ante omnia probandum est quod inter agentem et debitorem convenit, ut pignori hypothecæve sit; d'autre part, la circonstance que le défendeur se trouve en possession de la chose engagée, ou a renoncé de mauvaise foi à cette possession (5). Il doit prouver en outre, quand il agit contre un autre créancier gagiste, son droit de préférence (6). Ce dernier pourrait en effet lui opposer l'exception: si non convenit ut mihi res sit obligata; le bailleur ne réussira qu'à la condition de triompher dans sa

(1) L. 16, 5, D., 20, 1; L. 66, pr., D., 21, 2.

(2) L. 16, 4, D., 20, 1.

(3) L. 10, C., 4, 24.

(4) L. 23, D., 22, 3.

(5) L. 16, 3, D. 20, 1.

(6) L. 12 et L. 14, D., 20, 4.

réplique si non mihi antè pignori hypothecæve nomine sit res obligata.

Agit-il contre un tiers détenteur, il lui faudra démontrer que le débiteur ou celui qui a constitué l'hypothèque avait, au moment de la convention d'hypothèque, un droit suffisant pour engager la chose (1).

S'il est vrai que le défendeur à l'action Servienne peut, par une exception tirée de la constitution du droit de gage faite à son profil, rejeter sur son adversaire la preuve de la priorité du droit qu'il invoque, il arrivera cependant la plupart du temps que les choses ne se passeront pas ainsi. Le défendeur invoquera dès l'abord la priorité de sa garantie réelle : si non mihi antè pignori hypothecave nomine sit res obligata, et se verra dans la nécessité de prouver son droit de préférence. Cette exception ne sert pas seulement de défense au créancier dont le droit est préférable à celui du demandeur en raison de sa date; l'ayant cause du premier, un acheteur par exemple, pourrait aussi l'invoquer (2),

C'est seulement contre le fermier ou son héritier que l'action personnelle pour le payement de la dette se trouve réunie à l'action réelle; mais le défendeur à l'action Servienne, quel qu'il soit, débiteur ou simple tiers détenteur, peut, en payant la dette, éviter de restituer le gage et ses accessoires (3).

Si le défendeur n'exécute pas l'arbitrium du juge, qui intervient à ce sujet dans cette arbitraria ac

(1) L. 23, D., 22, 3; L. 3, pr., D., 20, 1.

(2) L. 12, pr., et § 7, D., 20, 4.

(3) L. 16, 3, D., 20, 1; L. 2 et L. 12, § 1, D., 20, 6.

tio (1), s'il se refuse à faire tradition du gage, ou à donner tout autre mode de satisfaction, le juge le condamne à une somme déterminée d'après l'intérêt du demandeur.

La condamnation prononcée contre le débiteur ne peut dépasser le montant de la dette et des intérêts. Est-ce un tiers détenteur qui l'a encourue, elle peut s'élever bien au delà; mais alors le créancier est tenu de restituer à celui qui a constitué l'hypothèque ce qu'il a reçu en sus du montant de sa créance (2).

Dans le droit antéjustinien, il était loisible au créancier gagiste, et par cela même au bailleur, d'agir contre le débiteur par une action personnelle, ou contre le tiers détenteur du gage par l'action hypothécaire (3). Mais Justinien a introduit en faveur de ce dernier le bénéfice de discussion préalable (beneficium excussionis personale), c'est-à-dire qu'il a ordonné que le débiteur ou son héritier, ou sa caution, serait poursuivi avant le tiers détenteur (4).

Dans le cas où un créancier a pour la même dette une hypothèque générale et une hypothèque spéciale, le possesseur des choses soumises à l'hypothèque générale peut régulièrement exiger que le créancier s'en prenne d'abord aux choses affectées d'une hypothèque spéciale (beneficium excussionis rcale) (5).

Une Constitution de Théodose le Jeune soumit l'exercice de l'action hypothécaire contre le tiers détenteur à

(1) Inst., 31, 4, 6.

(2) L. 6, § 3 et 6; L. 21, 3, D., 20, 1.

(3) L. 14 et L. 24, C., 8, 14; L. 14, C., 4, 10.

(4) Nov. 4, ch. 2.

(5) L. 2, C., 8, 14; L. 5, C., 8, 28.

une prescription de trente ans, mais cette action resta imprescriptible contre le débiteur lui-même ou son héritier jusqu'à Justin, qui la soumit, pour ce cas, à la prescription de quarante ans. Il en résulte maintenant cette singularité que l'action hypothécaire dure encore dix ans après que l'action personnelle contre le débiteur ou son héritier a été éteinte par la prescription ordinaire de trente ans (1).

Nous avons déjà indiqué l'extension que prit l'action Servienne qui, après avoir avoir été créée pour une hypothèse spéciale, finit par s'appliquer à tous les cas où des sûretés réelles étaient promises aux créanciers. Dans cette application nouvelle, l'action reçut une dénomination différente: on l'appela quasi-servienne ou hypothécaire. Mais ce changement de nom n'exerça sur sa nature, son caractère et son but, aucune influence; elle demeura soumise aux mêmes principes. Aussi les règles que nous avons exposées à propos de l'action hypothécaire sont-elles applicables à l'action servienne.

III.

DE L'INTERDIT SALVIEN.

A côté de l'action Servienne existe, au profit du bailleur, une voie possessoire connue sous le nom d'interdit Salvien. L'application de cet interdit adipiscendæ possessionis (2) se restreint aux objets engagés par le colon

(1) L. 7, 1, C., 7, 39. (2) Gaïus, IV, 147.

Inst., liv. iv, 15, 3; L. 2, 3, D., 43, 1.

pour le payement des fermages: De rebus coloni quas is pro mercedibus fundi pignori futuras pepigisset (1). Les documents que nous possédons sur cette matière sont fort incomplets. Le titre de Salviano interdicto, au Digeste, ne contient que deux lois, et le titre du Code portant la même rubrique ne renferme qu'une constitution relative à l'interdit Salvien. Cette insuffisance des sources donne lieu à beaucoup de difficultés, et il y a peu de sujets dans la législation romaine, sur lesquels de plus vives et de plus nombreuses controverses se soient de tout temps élevées.

Et d'abord à quel préteur attribuer la création de l'interdit Salvien? Selon Cujas, l'interdit émanerait de Salius Julianus, célèbre jurisconsulte contemporain d'Adrien. Cette opinion qui a pour elle l'autorité d'un grand nom n'est plus guère admise aujourd'hui. La question n'est pas encore élucidée de nos jours et l'époque à laquelle vivait ce préteur Salvius nous est inconnue.

Nous pensons, avec M. de Savigny, que l'interdit Salvien est antérieur à l'action Servienne, dont la date est également incertaine. Lorsqu'à l'origine la fiducia et le pignus étaient les seules voies ouvertes au bailleur pour assurer le recouvrement de sa créance, le colon se trouvait dans l'impossibilité d'engager les objets dont il avait besoin pour exploiter le fonds. Aussi le préteur, désirant remédier à cet inconvénient, se contente-t-il d'une simple convention, indépendamment d'une tradition. Le bailleur pouvait, du reste, recourir à l'interdit pour se mettre en possession de ces objets s'il n'était pas payė

(1) Inst., liv. Iv, 15, 3.

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