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n'ait reçu, ni à titre de louage, ni à titre de précaire, la chose qu'il avait transmise au créancier. Ces sortes de convention étaient d'un usage très fréquent, elles intervenaient à la suite de la fiducia pour remettre le débiteur en possession. Celui-ci n'en restait pas moins à la discrétion du créancier qui pouvait reprendre la chose au moyen de l'interdit de precario, mais il n'éprouvait plus la gêne inhérente à la perte de possession.

2o Pignus. Pour éviter de si graves inconvénients, le droit civil avait eu recours à une autre combinaison, dans laquelle le débiteur ne transférait à son créancier que la possession de la chose remise en garantie, la propriété restant apud debitorem: c'est le gage proprement dit, le pignus. L'un recourt à l'action en revendication pour conserver sa propriété; à l'action pigneratitia directa, pour obtenir la restitution et des dommagesintérêts, s'il y a lieu. L'autre trouve dans l'action pigneratitia contraria un moyen de se faire mettre en possession, et de rentrer dans les déboursés que peut lui avoir occasionnés la conservation ou l'amélioration de la chose, les interdits lui permettant de conserver la possession jusqu'au payement. Le créancier reçoit de plus le pouvoir d'aliéner la chose, pour le cas où il ne serait pas payé à l'échéance. Il paraît bien résulter d'un passage de Gaïus que, dans le principe, ce pouvoir devait lui être donné expressément Voluntate debitoris intelligitur pignus alienari, qui olim pactus est ut liceret creditori pignus vendere, si pecunia non solvatur (1). Javolenus (2) n'est

(1) Gaïus, Inst., 2, 64. (2) L. 73, D., 47, 2.

pas moins explicite, lorsqu'il nous dit que l'aliénation du gage faite par le créancier, sans la permission du débiteur, constituait un furtum. Plus tard, le pouvoir d'aliéner la chose devint de la nature du pignus, il fut sousentendu dans le contrat; mais le créancier non payé ne pouvait user de cette faculté qu'après avoir fait au débiteur trois dénonciations préalables (1). Enfin, les trois dénonciations ne furent plus exigées que dans le cas où, eu engageant sa chose, le débiteur aurait exprimé que le créancier ne pourrait pas la vendre cette convention ne distraheretur n'était donc pas absolument nulle; elle n'avait pas non plus pour effet d'enlever au créancier le jus distrahendi, que l'on considérait comme étant de l'essence du contrat de gage (2). Si le créancier avait à l'échéance le pouvoir d'aliéner, c'était une simple faculté dont il pouvait ne pas user; il ne saurait y avoir une obligation. Mais le débiteur lui-même peut toujours vendre, s'il le veut, et le prix de vente étant insuffisant pour désintéresser le créancier, le gage s'évanouira (3).

D'après les caractères du pignus, tels que nous venons de les indiquer, il est facile de comprendre combien cette institution était encore imparfaite. Si le débiteur n'est pas exposé, comme dans la fiducie, à perdre les choses affectées au payement, il lui faut néanmoins se priver de la possession d'objets qui peuvent lui être trèsutiles, et même souvent indispensables. Il est vrai qu'on sut obvier à cet inconvénient par le moyen déjà em

(1) Sent., Pauli, 2, 5, 1.

(2) Ulpien, L. 4, D., 13, 7.

(3) Pomp. L. 6, pr., D., de pign. act.

ployé dans la fiducie, le precarium; mais c'était un remède bien insuffisant le débiteur ne recevait ainsi qu'une possession révocable ad nutum creditoris; rien n'indiquait plus aux tiers que la chose était engagée, et les soupçons que ceux-ci pouvaient concevoir ne nuisaient peut-être pas moins au débiteur que la perte de possession.

La nécessité de livrer au créancier l'objet de son gage présente un autre inconvénient : elle épuise hors de toute mesure le crédit du débiteur, puisqu'une même chose, quelle que soit sa valeur, ne peut jamais servir de gage qu'à une seule personne. De plus, le débiteur ne pouvait engager que les biens dont il pouvait conférer la possession, ce qui excluait les biens futurs et les

créances.

Enfin le pignus n'offre pas au créancier une garantie assez efficace : la possession du gage qui forme sa sûreté, et qu'il est toujours si facile de perdre, n'est protégée par aucune action réelle. Ainsi le contrat de gage était préférable pour le débiteur, mais le contrat de fiducie offrait au créancier une sécurité plus complète; c'est ce qui explique la persistance de cette institution jusqu'au temps de Gaïus et de Paul.

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3° Hypothèque. Le droit civil n'accordait au bailleur aucun privilége sur les effets du colon, et on n'aurait pu les affecter au payement des fermages qu'au moyen d'un gage qui lui aurait enlevé ses instruments de travail et d'exploitation. Celui-ci ne pouvait consentir à ce que ces choses fussent l'objet d'un contrat de fiducie ou de gage proprement dit; privé de leur possession, il ne saurait ni profiter des droits, ni s'acquitter des de

voirs qui résultent, à son profit comme à sa charge, du bail qu'il a contracté. D'un autre côté, comme les meubles et les instruments de travail sont presque toujours l'unique avoir du colon, le propriétaire de la ferme ne peut se faire donner une garantie sur d'autres biens. Le préteur Servius concilia ces exigences opposées en décidant que, dans ce cas particulier, les parties pourraient, par une simple convention (pacto) et sans tradition, constituer un gage au profit du bailleur sur les effets du fermier. Ce gage purement conventionnel fut même rendu plus efficace que ne l'était auparavant le gage réel; car le préteur créa une action in rem, au moyen de laquelle le bailleur peut revendiquer contre tout détenteur les objets affectés à la créance (actio serviana). Les préteurs subséquents, élargissant considérablement la voie qui avait été ouverte dans un cas particulier par l'action servienne, en généralisèrent l'application. Ce qui n'avait été dans le principe qu'une exception devint une règle générale dans le droit prétorien. Tout créancier put désormais, par une simple convention et sans qu'il fût besoin d'aucune tradition, obtenir sur les biens de son débiteur le même droit réel que si on les lui avait remis en gage, et il eut, pour la faire respecter, une action réelle, l'action quasi-servienne, contre le tiers détenteur des choses engagées.

Il peut paraître exorbitant dans les idées romaines de faire découler une action réelle uniquement d'un pacte; ce résultat fut probablement aidé par l'usage assez fréquent de rétrocéder au débiteur, en vertu d'un preca- » rium, la possession des objets qu'il engageait. On s'accoutuma à ne plus distinguer s'il y avait eu perte, puis

reprise de la possession, ou si le débiteur avait toujours continué à posséder. Le créancier obtint d'une manière uniforme la reconnaissance d'un jus in re, grâce à une convention et alors même qu'il eût négligé de se faire transférer la possession, puisqu'elle n'était pas conservée ordinairement par celui qui avait le droit d'exiger une tradition. En pratique, la circonstance d'une tradition devint indifférente au point de vue du droit à l'action réelle.

Nous avons maintenant à rechercher avec soin quels bailleurs ont droit à l'hypothèque, à quelles conditions ils l'obtiennent, et sur quels biens ils peuvent l'exercer.

A l'origine, l'hypothèque n'existait qu'au profit du bailleur d'un fonds rural; elle ne résultait que d'une convention expresse, el ne grevait que les choses affectées par le colon au payement des fermages: Serviana autem experitur quis de rebus coloni, quæ pignoris jure pro mercedibus fundi tenentur (1). De bonne heure, les propriétaires de fermes prirent l'habitude de se faire donner en gage non-seulement les objets apportés sur le fonds pour le garnir et l'exploiter, mais encore les fruits et les récoltes de l'immeuble. Cette clause était si habituelle qu'on finit par la sous-entendre. Le bailleur eut ainsi, pour les obligations résultant du contrat de louage, en l'absence même de toute convention, une hypothèque tacite sur les produits du fonds affermé (2).

Toutefois dans la loi 61, 8, 47, 2, il est fait mention d'un engagement exprès des fruits pour le fermage, locari tibi fundum, et (ut adsolet) convenit, uti fructus ob

(1) Inst., II, 6, 7.

(2) L. 7 pr., D., 20, 2; L.L. 24, 1, et 53, 19, 2.

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