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>> leurs meubles soient obligés au loyer, à proportion >> de la partie qu'ils occupent. »

L'opinion de Basnage et de Barthole nous semble préférable. Elle ne s'écarte pas du texte comme celle de Pothier. L'art. 162 de la coutume de Paris décide, en effet, que a s'il y a des sous-locatifs, peuvent être pris >> leurs biens pour lcdit loyer et charges du bail; et néan» moins leur seront rendus, en payant le loyer pour leur > occupation.»

Code Napoléon. Le propriétaire peut, comme dans le droit romain et dans l'ancienne jurisprudence française, exercer son privilége sur les meubles du sous-locataire; celui-ci, d'après l'art. 1753, n'est tenu envers lui que jusqu'à concurrence du prix de sous-location. L'art. 820 du Code de procédure reproduit la même décision dans des termes à peu près semblables: «Peuvent les effets » des sous-locataires garnissant les lieux par eux occu» pés, être saisis-gagés pour les loyers dus par le loca» taire de qui ils tiennent; mais ils obtiendront main» levée en justifiant qu'ils ont payé sans fraude.» Cette disposition n'est que la reproduction presque littérale de l'art. 162 de la coutume de Paris, aussi croyons-nous pouvoir décider que les meubles du sous-locataire n'étant frappés du privilége que jusqu'à concurrence du prix de location, doivent rester libres s'il est logé gratuitement.

Permettre que le mobilier soit grevé proportionnellement à l'importance du logement qu'il occupe, serait s'écarter tout à la fois du Code Napoléon et du Code de procédure, et risquer de donner lieu à des expertises, à des procès souvent longs et coûteux. Ce n'est pas toujours chose facile, que d'estimer la valeur propor

tionnelle des lieux occupés par le sous-locataire. La première interprétation est donc plus conforme aux textes et répond mieux aux exigences de la pratique (1).

Afin de prévenir les fraudes qui pourraient être pratiquées entre le locataire principal et les sous-locataires, la loi considère comme non-avenus, à l'égard du bailleur, les paiements faits par anticipation. Elle permet cependant d'opposer au propriétaire les payements faits d'avance, soit d'après une clause du bail, soit d'après l'usage des lieux. Ajoutons que le bailleur a contre les sous-locataires une action directe qu'il exerce en son propre nom (art. 1753, C. Nap., et 820, Proc. civ.). De là pour lui deux avantages importants: 1° il n'est pas obligé de souffrir le concours des autres créanciers du preneur primitif; 2° au lieu de recourir à la saisie-arrêt, il peut prendre la voie plus expéditive de la saisie-gagerie.

3o Meubles des tiers.

Ancien droit français. Une innovation fort importante fut admise en droit coutumier, dans l'intérêt des locataires d'immeubles. Le droit du bailleur qui, sous l'empire des lois romaines, ne portait que sur les meubles appartenant au locataire, put s'exercer, suivant l'usage constant des coutumes, sur les meubles appartenant à des tiers. La raison donnée par Pothier de cette extension consiste à dire que celui qui remet des meubles à un locataire, à titre de prêt, de dépôt, ou pour tout autre

(1) En ce sens, Cass. rej., 2 avril 1808, relat. aux sous-locataires ; Toulouse, 5 février 1845, relat. aux sous-fermiers; J. du P., 1845, I, 624.

motif est censé, consentir qu'ils soient obligés au loyer, parce qu'il sait ou doit savoir que tout ce qui occupe une maison répond de toutes les obligations du bail. Toutefois, s'il se trouve dans la maison des meubles loués ou prêtés au locataire, à condition qu'ils ne répondent pas des loyers, ils seront encore grevés du privilége du bailleur, si c'est à son insu que cette condition a été mise au prêt des meubles. Il est vrai qu'on ne peut plus faire reposer cette décision sur une convention tacite de gage, puisqu'il existe une déclaration contraire; Pothier (1) la fonde sur une obligation ayant pour objet des dommages-intérêts. On doit, en effet, indemniser le bailleur du tort que lui a causé le propriétaire de meubles en l'induisant en erreur, et on ne peut le faire mieux qu'en lui permettant de se venger sur les meubles prêtés à son insu.

Par exception, on refuse au locateur tout droit sur les meubles des tiers, 1° s'il a eu connaissance de leur droit, 2o s'il n'y a absolument rien à reprocher au propriétaire de meubles, c'est-à-dire quand il s'agit de choses volées ou provenues d'un dépôt nécessaire (2).

Code Napoleon. En principe on ne peut acquérir de droit que sur les biens de la personne avec laquelle on contracte, néanmoins tous les meubles qui garnissent la maison louée sont compris dans le privilége, qu'ils appartiennent ou non au locataire, pourvu, d'ailleurs, que le locateur ignore, dans ce dernier cas, que les meubles qui se trouvent dans sa maison appartiennent à

(1) Louage, no 242.

(2) Pothier, Louage, no 247.

des tiers. Il a, en effet, une sorte de possession de gage qui lui permet de repousser toute revendication par la maxime: En fait de meubles, la possession vaut titre (2279). Le locateur, qui les a vus dans sa maison, a dû croire qu'ils appartenaient au preneur. Il a compté sur eux: il ne faut pas qu'il soit trompé dans son attente; autrement il souffrirait de la faute d'autrui. La mise en possession du bailleur, jointe à sa bonne foi, procure au possesseur, par une sorte de prescription instantanée, le droit réel quel qu'il soit, qu'il a voulu et qu'il a cru acquérir.

Le propriétaire peut excercer son privilége sur les meubles remis au locataire à titre de dépôt ou de louage, s'il ignore cette circonstance, ou si, la connaissant, il a pu raisonnablement croire que le propriétaire des meubles avait consenti à les soumettre à son privilége. C'est en ce sens qu'a statué la Cour de Bordeaux, par arrêt du 16 mars 1849 (1). Un industriel avait loué un bâtiment dans lequel le locataire avait établi une fonderie. Celui-ci se voyant obligé de céder son bail, vendit son matériel à un tiers, et l'acheteur des ustensiles en loua l'usage au nouveau locataire de la maison. Plus tard, le proprié– taire des bâtiments ne pouvant obtenir le payement de plusieurs termes de loyers, fit procéder à la saisie-gagerie des objets garnissant les lieux loués, et en particulier des ustensiles qui, sans avoir été déplacés, étaient devenus la propriété d'un tiers. Cette saisie fut validée par un jugement du tribunal civil de Bordeaux. La Cour, s'appuyant sur des motifs qui nous paraissent plausibles,

(1) Dev., 49, 2, 328.

crut.devoir confirmer cette décision; elle jugea que le propriétaire des meubles étant intéressé à l'exécution du bail souscrit, on devait présumer qu'il n'avait pas entendu s'opposer au maintien du privilége. Une notification au bailleur de sa qualité de propriétaire lui aurait permis de faire tomber cette présomption; il n'a pas eu recours à ce moyen; la Cour a donc sagement interprété sa volonté en donnant au procès cette solution. C'est ainsi qu'aux termes de l'art. 1813, le cheptel confié par un tiers au fermier est obligé au payement des fermages losrque le propriétaire du cheptel n'a pas eu le soin d'avertir, par une notification préalable, le propriétaire de la ferme que les animaux livrés à son fermier ne lui appartenaient pas.

Pour que les meubles ne soient pas soumis au privilége du bailleur, il n'est pas toujours nécessaire qu'avant ou au moment de leur introduction dans les lieux loués, il lui ait été notifié qu'ils n'appartenaient pas au locataire, il suffit qu'il ait acquis cette connaissance par toute autre voie, et qu'il résulte, soit de la notoriété publique, soit d'un usage constant, que ce mobilier n'appartenait pas au preneur. Cette règle est applicable notamment entre le propriétaire d'une salle de spectacle, et le tiers qui a fourni et loué au locataire le matériel du théâtre consistant en costumes et décors. La Cour suprême (1) a consacré cette décision dans une hypothèse où la location du matériel était de notoriété publique. De plus il était certain que le propriétaire de la salle n'avait pas compté sur le mobilier pour assurer le payement des loyers, car

(1) Cass., 31 décembre 1833; Dev., 34, 1, 852.

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