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dans des lieux où elles doivent être mises en vente. En cas de sous-location, le propriétaire ne peut opposer au sous-fermier son privilége sur les fruits, que jusqu'à concurrence de ce que celui-ci doit au fermier principal. En effet, d'après l'art. 820 du Code de procédure, lorsque les fruits des terres sous-louées sont saisis-gagés pour les fermages dus par le fermier principal, le souslocataire obtient main-levée en justifiant qu'il a payé sans fraude et sans anticipation.

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OBLIGATIONS GARANTIES PAR LE PRIVILÉGE.

Ancien droit français. - Suivant plusieurs actes de notoriété du Châtelet de Paris, on fait une distinction entre les baux passés par devant notaire et les baux faits sous signature privée ou verbalement. Lorsque le bail est notarié, le propriétaire est préféré aux créanciers de son locataire, pour toutes les obligations résultant de ce bail et, par conséquent, pour tous les termes échus et à échoir. Mais lorsqu'il n'est fait que verbalement ou sous signature privée, le propriétaire n'est privilégié que pour « trois termes échus et pour le courant, »

Les garanties du bailleur n'eurent pas la même extension dans toutes les provinces, et les usages variaient beaucoup relativement à la quotité des loyers garantis par le privilége. A Orléans, on ne faisait aucune différence sur ce point entre les baux passés par devant notaire et les baux faits sous signature privée (1).

Les autres créances résultant du bail étaient également garanties par le privilége, et le seigneur de métairie était préféré pour les avances faites à son fermier dans le but d'exploiter la ferme. Il y avait toutefois une distinction à établir. Si ces avances avaient été faites en exécution d'une clause insérée dans le contrat, l'obligation de les rembourser faisant partie du bail même, il est certain que le seigneur de métairie devait être privilégié.

Il y a plus de difficultés, selon Pothier (2), si les avances n'ont été faites que postérieurement; car la créance naît d'un contrat de prêt séparé et distinct du bail, et qui n'en fait point partie. Néanmoins l'usage étendit à cette créance le droit des seigneurs, surtout lorsque les avances avaient été faites « en grains ou autres espèces, » et dans le but de faire valoir la métairie.

Code Napoléon. - Le privilége s'exerce pour les réparations locatives et pour tout ce qui concerne l'exécution du bail. Il garantit donc les dommages-intérêts résultant des dégradations commises par le fermier ou locataire, les usurpations que ceux-ci auraient laissé commettre, et les avances que le bailleur a faites au fer

(1) Pothier, Louage, n° 253. (2) Pothier, Louage, no 254,

mier en exécution d'une clause insérée dans le contrat. Quant aux créances dont la naissance remonte à une époque postérieure au bail, il nous semble qu'on peut, comme dans l'ancien droit, les considérer comme garanties par le privilége du bailleur. Ces avances ne sont point, en effet, un prêt ordinaire : le propriétaire ne les a faites que pour faciliter au fermier ou métayer le moyen de cultiver le fonds; sans elles, dans beaucoup de cas, la culture serait abandonnée, par suite de l'indigence des cultivateurs. Le propriétaire ne les eût probablement pas consenties au même individu, si celui-ci n'eût pas été son fermier : c'est donc en vue de la culture, de l'exécution du bail par conséquent, que la dette du locataire a pris naissance, et l'art. 2102 doit ici recevoir son application. Ajoutons que cette extension du privilége est aussi très-conforme à l'esprit de la loi lorsqu'elle favorise le contrat de louage en augmentant le crédit du fermier sans diminuer les garanties du propriétaire (1).

II

ÉTENDUE DU PRIVILÉGE.

Deux situations différentes peuvent se présenter.

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1r. Hypothèse.

Les meubles du locataire sont saisis à la requête du bailleur, et les autres créan-ciers ne se présentent pas pour concourir avec lui. Il ne

(1) MM. Valette, no 60; Aubry et Rau, t. II, p. 108; Duranton, t. XIX, n° 97; Angers, 27 août 1821; Req., 3 janvier 1837 et 24 août 1842; Limoges, 26 août 1848.

saurait alors être question de privilége, car l'idée de privilége implique avec elle le concours de divers créanciers venant exercer leurs droits, chacun à son rang, sur les valeurs à distribuer. Il ne peut donc y avoir de préférence là où il n'y a qu'une personne qui réclame, et le droit commun conserve son empire. Le bailleur seul poursuivant est traité comme un créancier ordinaire, il ne peut saisir et faire vendre les meubles garnissant sa maison ou sa ferme, que jusqu'à concurrence de ce qui lui est dû au moment de la saisie (art. 622, Proc. civ.) Si en effet la loi accorde au bailleur le droit d'exiger des loyers à échoir, c'est parce qu'après la vente des meubles, il ne lui reste point de garantie: or ce motif n'existe plus lorsque le propriétaire est seul créancier du preneur. Dans ce cas, le mobilier non vendu garantira les loyers à échoir; mais si ce mobilier est devenu insuffisant, le locateur aura le droit d'exiger de nouvelles sûretés, ou, à défaut, la résiliation du bail (art. 1752). Cette solution consacrée par la Cour de cassation, le 8 décembre 1806 (1), est en harmonie avec les principes. En effet, le débiteur ne peut être contraint de payer avant le terme (art. 1186), et le bailleur n'a pas le droit de priver le preneur de ce bénéfice, c'est-à-dire, de la faculté de ne payer qu'aux échéances fixées par bail.

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C'est ce qui résulte d'ailleurs de notre article 2102. Après avoir établi le privilége pour les loyers échus et à échoir, cet article ajoute que les autres créanciers auront le droit de relouer la maison ou la ferme

(1) Sirey, 7, 1, 52.

pour le restant du bail-; ce qui suppose nécessairement un

concours

2 Hypothèse. Le locateur se trouve en conflit avec d'autres créanciers qui viennent lui disputer son gage. C'est alors que le privilége trouve son application; mais dans quelle limite l'exercice en est-il renfermé? La loi organise à cet effet un système complexe qui, réglé sur les principes relatifs à la preuve des obligations vis-à-vis des tiers, repose tout entier sur une présomption légale de bonne ou de mauvaise foi.

4° Le bail est-il authentique, ou bien étant sous signature privée, a-t-il acquis date certaine avant la faillite ou la saisie, le privilége est accordé pour tout ce qui est échu, et pour tout ce qui est à échoir, sauf aux autres créanciers le droit de relouer la maison ou la ferme pour le restant du bail, et de faire leur profit des baux ou fermages, à la charge toutefois de payer au propriétaire tout ce qui lui serait encore dû. Il n'y a pas ici à redouter que le locataire ne s'entende avec le bailleur pour exagérer les choses, grossir la créance de ce dernier, et par là étendre, au préjudice des autres créanciers, un privilége déjà fort étendu par lui-même : tout est constaté par les énonciations du bail, la bonne foi est présumée, et le privilége obtient sa plus large extension; il s'exerce pour le passé, le présent et l'avenir. Cette disposition, qui s'explique par l'extrême faveur dont jouit le locateur, est assurément fort exorbitante, et c'est une raison notable pour que, dans l'application, on n'aille pas au delà des prévisions du législateur. Le bénéfice de ce droit exceptionnel doit se restreindre aux espèces que la loi a dû avoir précisément en vue.

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