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temps revendiqué, maintenu, reconquis la jouissance et la plénitude.

Enfin, le savant et courageux chrétien, dont le nom est revenu si souvent sous notre plume, M. Eugène Boré, venait de terminer sa mission par un rapport officiel, où il avait réuni les arguments invincibles que fournissent l'histoire, la tradition, et qu'appuient trente-deux firmans, soixante hatti-schérifs, plus de deux cents actes ou pièces judiciaires, et les traités de la Porte avec la France.

En présence de faits aussi éloquents, Mgr Valerga n'hésita pas un seul instant. Au nom des chrétiens de Palestine, au nom de notre gloire et de notre honneur, au nom de la religion catholique et de N. S. P. le Pape Pie IX, le Patriarche de Jérusalem se rendit à Paris au commencement de 1850; et plein d'une juste confiance, il posa au gouvernement français cette question : « La France veut-elle conserver son antique et séculaire protectorat sur les saints Lieux? Alliée de la Porte ottomane, au moment où elle vient de prendre parti pour le sulthan contre les prétentions du cabinet de Saint-Pétersbourg, la France veut-elle réclamer purement et simplement, et par voie diplomatique, l'exécution franche, loyale et sincère des capitulations de 1673 et de 1740 ? »

Rien de plus juste que cette intervention diplomatique. La France, avec qui les traités ont été signés, ne demande que ce qui lui a été garanti par ces conventions solennelles. La Sublime-Porte ne saurait ni s'en étonner ni s'y refuser. C'est le droit ancien et incontesté qu'il s'agit de remettre en vigueur.

Rien de plus nécessaire que cette réclamation. La France a autant que jamais un intérêt immense à conserver son influence en Orient. L'Europe, la chrétienté savent que les saints Lieux sont sous sa protection. Il faut, pour son avantage non moins que pour sa dignité, qu'elle fasse acte de revendication et de sauvegarde pour un droit que son silence ou que son inaction compromettraient sans retour. Rien de plus urgent enfin; les usurpations continuent et se multiplient; les querelles de détail s'enveniment et se passionnent. Il est peu convenable pour une grande nation de défendre pièce à pièce des priviléges dont l'intégrité absolue doit être proclamée et respectée.

Un examen solennel et général, qui établisse quelle était au moment des capitulations l'étendue de nos possessions, une remise complète de tout ce qui nous appartenait en 1740 et en 1673; en un mot, le renouvellement des traités de M. de Villeneuve et de M. de Nointel; voilà ce qui est seul compatible avec le rang que doit tenir la première nation catholique du monde.

Ce langage, assurément, corroboré de toute l'autorité morale du Saint-Siége, devait trouver au milieu de nous de généreux échos. Nous le disons avec un sentiment de joie et de fierté que nous ne voulons pas dissimuler, Mgr Valerga a été accueilli par les plus vives

et les plus légitimes sympathies. Dans le gouvernement, parmi les hommes politiques, la noblesse de son caractère, la distinction de son esprit, le dévouement qu'il apportait à sa haute mission, ont été vivement appréciés. Il y avait, pour l'aider à l'accomplissement de son œuvre, une heureuse émulation, et sans divulguer ici le résultat de ses actives démarches, nous croyons pouvoir affirmer que le Patriarche de Jérusalem est parti satisfait de la France, et que la France conserve du Patriarche de Jérusalem un souvenir plein de respet et d'affection.

Ç'a donc été avec une vive satisfaction, mais sans étonnement, que nous avons appris par les feuilles d'Orient, l'accueil empressé que le général Aupick, notre ambassadeur à Constantinople, avait fait à l'illustre voyageur, le soin avec lequel il avait présenté et soutenu près du Divan les légitimes réclamations auxquelles le gouvernement français porte un chaleureux intérêt et l'assurance que ces négociations si importantes auront le succès qu'elles méritent.

Et maintenant que Dieu aide à la France! Manifestement si, comme nous en avons le ferme espoir; si, comme nous le garantissent le caractère élevé et la loyale attitude de M. le ministre des affaires étrangères; si le bon droit, si les intérêts sacrés de la religion catholique triomphent; si les traditions de dix siècles, si les actes de Charlemagne et les traités de Louis XIV sont de nouveau reconnus et respectés; si les Lieux-Saints sont délivrés de la servitude des schismatiques et rendus à l'Eglise romaine; si la France restitue, sous sa protection, le Sépulcre du Sauveur au Patriarche envoyé de Pie IX; ce sera, comme nous le disions en commençant cet écrit, ce sera un beau fleuron de plus à notre couronne séculaire, et la Providence nous tiendra compte de ce nouveau gage de dévouement et de foi! HENRY DE RIANCEY, représentant du peuple.

Nouvelles de Rome.

Le jeudi, 3 octobre, le Saint-Père s'est rendu dans la salle du Consistoire pour donner le chapeau aux Cardinaux Wiseman, Consenza et Pecci, présents à Rome. LL. EE. étaient préalablement allées à la chapelle Sixtine prêter le serment voulu par les constitutions apostoliques; les témoins de cet acte furent LL. EE. le Cardinal Macchi, doyen du sacré Collége; Mattei, camerlingue du sacré Collège; Fransoni, premier des prêtres; Riario Sforza, premier des diacres; Antonelli, pro-secrétaire d'Etat en l'absence de S. E. le vice-chancelier; et Mgr Ruggero Antici-Mattei, secrétaire de la S. Congrégation consistoriale et du sacré Collége. Après la prestation du serment, les nouveaux Cardinaux, introduits dans la salle du Consistoire par LL. EE. les Cardinaux diacres, allèrent au pied du trône pontifical, où le Saint-Père les admit au baiser du pied, de la main et de la bouche; puis, ayant donné le baiser de paix aux autres Cardinaux, ils se rendirent à leurs places, et revinrent recevoir le chapeau.

Dans le même Cousistoire, Mgr César Lippi, l'un des avocats consistoriaux, a soutenu pour la troisième fois, en présence du Saint-Père, la cause du vénérable

P. Leopold dalle Guiche, diocèse de Spoleto, de l'ordre de Saint-François-del'Étroite-Observance.

Dans le Consistoire secret qui a suivi, le Saint-Père a fermé et ouvert la bouche aux nouveaux Cardinaux, et a proposé les églises suivantes :

Eglise archiepiscopale de Séleucie in partibus, pour le R. D. Nicolas, Louis DE LEZO, prêtre de Madrid, chapelain d'honneur de S. M. C., abbé (mitré) de la royale collégiale, de la très-sainte Trinité de Saint-Ildephonse, chanoine de Séville, etc.;

Eglise cathédrale de Mechoacan, dans l'Amérique septentrionale, pour le R. D. Clément MUNGUIA, prêtre du diocèse de Mechoacan, directeur du séminaire, chanoine de la cathédrale, vicaire capitulaire du diocèse, licencié en théologie;

Eglise cathédrale de la Réunion ou Saint-Denis, de nouvelle érection en Afrique, pour le R. D. Florian-Julien DESPREZ, prêtre de l'archidiocèse de Cambrai, curé de Roubaix ;

Eglise cathédrale de Martinique ou fort de France, de nouvelle érection dans les Antilles, en Amérique, pour le R. D. Jean-François-Etienne LEHERPEUR, prêtre du diocèse de Bayeux, membre de la Congrégation des missions y établies sous le titre de Notre-Dame-de-la-Délivrande, chanoine et vicaire-général du diocèse;

Eglise cathédrale de Guadeloupe ou Basse-Terre, de nouvelle érection dans les Antilles, en Amérique, pour le R. D. Pierre-Gervais LACARRIÈRE, prêtre du diocèse de Saint-Flour, chanoine honoraire de Bordeaux et de Saint-Flour;

Eglise épiscopale de Tamaco in partibus pour le R. D. Georges-Claude-LouisPie CHALANDON, prêtre de Lyon, chanoine et vicaire-général de Metz, nominé coadjuteur avec future succession de l'Evêque actuel de Belley.

S. Em. le Cardinal Wiseman a demandé ensuite le pallium pour la métropole de Westminster, nouvellement érigée par Sa Sainteté, et le Cardinal Cosenza pour la métropole de Capoue.

Le Saint-Père a ensuite assigné les titres :

A S. Em. le Cardinal Wiseman, celui de Sainte-Pudentienne (1);

A S. Em. le Cardinal Cosenza, celui de Sainte-Marie in traspontina (2);

A S. Em. le Cardinal Pecci, celui de Sainte-Balbine (3);

A S. Em. le Cardinal Roberti, la diaconie de Sainte-Marie in domnicá (4); Le soir, Mgr Stella, camerier secret et maître de la garde-robe de Sa Sainteté, a porté le chapeau à LL. Eminences.

(1) On croit que le Pape saint Pie Ier établit une église dans la maison du sénateur Pudentius, chez qui logea longtemps l'apôtre saint Pierre, et qui fut le premier converti à la foi avec ses fils Novatus et Timothée et ses filles Pudentienne et Praxède. Elle a été mise dans l'état actuel en 1598 par le Cardinal André Gaetani. On y conserve un autel sur lequel on croit que célébrait saint Pierre. Un très-grand nombre de martyrs reposent sous cette église.

(2) Petite église située dans la rue du Borgo-Nuovo, qui mène du pont Saint-Ange à la basilique de Saint-Pierre, d'où son appellation de Traspontina; elle a été rebâtie en 1563.

(3) Située sur le penchant du mont Coclius. On en fait remonter l'érection jusqu'au Pape saint Marc, en 336. Saint Grégoire-le-Grand en fit un titre de Cardinal. Restaurée par plusieurs Papes, elle est maintenant en assez pauvre état,

(4) Bâtie sur l'emplacement de la maison de sainte Cyriaque, d'où sa dénomination de in domnica ou dominica (traduction du nom grec Kupiaxn). On l'appelle vulgairement la navicella à cause d'une nacelle en marbre que Léon X fit placer devant quand il la fit renouveler entièrement sur le plan de Raphaël.

Le 2 octobre, le marquis Lorenzana, ministre de la république de l'Equateur,' a été admis à l'audience du Saint-Père, et lui a présenté les lettres qui l'accréditent comme ministre de la république de Costa-Ricca près le Saint-Siége. Il a aussi remis au Pape une lettre autographe du président de Venezuela, contenant les félicitations de ce magistrat sur l'heureux retour du Pape dans ses Etats.

Nous ajoutons ici l'âge des Cardinaux élus dans le Consistoire du 30 septembre; notre correspondant ne nous avait pas donné ce détail qui se trouve dans les actes du Consistoire publiés le lendemain :

Mgr Raphaël Fornari, Archevêque de Nicée, Nonce apostolique près la République française, né à Rome le 23 janvier 1787, réservé in petto dans le Consistoire secret du 11 décembre 1846.

Mgr Paul-Thérèse-David d'Astros, Archevêque de Toulouse, né à Tours le 13 octobre 1772.

Mgr Jean-Joseph Bonnel y Orbe, Archevêque de Tolède, né à Pinos della Valle, dans l'archevêché de Grenade, le 17 mars 1782.

Mgr Joseph Cosenza, Archevêque de Capoue, né à Naples le 20 février 1788.

Mgr Jacques-Marie-Adrien-César Matthieu, Archevêque de Besançon, né à Paris le 20 janvier 1796.

Mgr Jude-Joseph Romo, Archevêque de Séville, né à Cavixar, dans l'archevêché de Tolède, le 9 janvier 1779.

Mgr Thomas Gousset, Archevêque de Reims, né à Montigny-les-Cherlieux, dans l'archevêché de Besançon, le 1er mai 1792.

Mgr Maximilien-Joseph-Godefroi, baron de Semeran-Beekh, Archevêque d'Olmutz,' né à Vienne le 21 décembre 1796.

Mgr Jean Geissel, Archevêque de Cologne, né à Giammeldingen, diocèse de Spire, le 4 février 1796.

Mgr Pierre-Paul de Figueredo de Cunha e Mello, Archevêque de Brague, né à Faveiro, diocèse de Coïmbre, le 19 juin 1770.

Mgr Nicolas Wiseman, Archevêque de Westminster, né à Séville, le 2 août 1802. Mgr Joseph Pecci, Evêque de Gubio, né à Gubio, le 13 avril 1776.

Mgr Melchior de Diepenbrock, Evêque de Breslau, né à Bochald, diocèse de Munster, le 9 janvier 1798.

Mgr Roberto-Roberti, auditeur général de la R., chambre apostolique, né à SaintGiusto, diocèse de Fermo, le 23 décembre 1788. E. DE VALETTE, ch. hon.

Mort de la Reine des Belges.

S. M. la reine des Belges a succombé, avant-hier, 11 octobre, à la maladie cruelle qui, depuis plusieurs semaines, fenait en de si justes alarmes sa royale famille et son peuple éploré. Les prières ardentes. adressées au Ciel, les neuvaines entreprises par les fidèles, les supplications ordonnées par les pasteurs, n'ont pu obtenir la guérison de cette noble et pieuse femme, chérie et vénérée par tout son royaume.

Louise-Marie-Thérèse-Charlotte-Isabelle d'Orléans était née à Palerme le 3 avril 1812; elle s'éteint à l'âge de trente-huit ans et demi. Jusqu'au moment suprême, elle a conservé toute sa présence d'esprit et toute sa force d'âme. Elle est morte comme savent mourir les chrétiens et les Bourbons. Jeudi, une sorte de trève avait été accordée à ses souffrances. L'auguste malade a fait appeler son confesseur et a reçu des mains de M. le doyen de Sainte-Gudule, le pain

des anges. A deux heures, le saint viatique et l'extrême-onction lui ont été administrés. Elle avait demandé expressément que ses enfants assistassent à cette douloureuse et consolante cérémonie. Toute la maison d'Orléans était présente. La reine Marie-Amélie, cette mère et cette épouse si lamentablement éprouvée dans ses affections les plus chères, le roi Léopold, les jeunes princes ses fils, le duc de Nemours qui tout souffrant s'était fait porter au palais, le duc d'Aumale, le prince de Joinville, le duc et la duchesse de Saxe-Cobourg, la duchesse d'Orléans entouraient la reine mourante. Rien ne se peut comparer aux angoisses de cette royale famille rassemblée, autour de deux lits funèbres, à deux intervalles si rapprochés.

En présence des épreuves redoutables dont la Providence frappe la maison d'Orléans, nous n'avons qu'une seule pensée de profonde commisération et d'affliction sincère. Tous ces princes sont des petits-fils de saint Louis; loin d'eux, la branche aînée de leur illustre race, battue aussi par les tempêtes, jetée aussi sur la rive de l'exil, visitée aussi par les plus amères afflictions, éprouve pour leurs douleurs une sympathie toute chrétienne et toute fraternelle. Le malheur rapproche les âmes et réunit les cœurs. Quand une famille est fauchée par l'ange de la mort, ses membres épars et tremblants sentent un besoin intime de confondre leurs larmes et de resserrer leurs liens. Ces conseils de la tombe ne seront pas perdus pour les enfants de Louis XIV.

HENRY DE RIANCEY.

Voici sur la mort de la reine des Belges quelques détails que nous trouvons dans les journaux de Bruxelles :

Avant-hier lundi, prise dans la journée par une défaillance, elle dit à Mme d'Hulst, une intime amie de la famille Je croyais mourir. Mme d'Hulst, profondément émue, laissa involontairement échapper quelques mots sur les dangers d'une seconde défaillance. Ces mots frappèrent la reine, elle annonça, avec une ineffable douceur, l'intention de se préparer aux sacrements. A l'instant, l'abbé Guelle fut appelé, et la reine reçut les sacrements à deux heures après midi devant toute la famille réunie. Depuis ce moment, elle est restée dans la même tranquillité, jusque vers trois heures du matin.

<< Avant son agonie qui ne dura que quelques instants, la reine bénit ses enfants réunis au pied de son lit, puis elle s'éteignit, et son âme s'échappa comme un rayon divin pour remonter vers Dieu qui l'appelait.

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La reine Marie-Amélie montre une force d'âme héroïque. Sa vertu, ses sentiments religieux, son âme déchirée par tant de malheurs relèvent cette tête de reine, et la laissent droite devant tous les coups, non d'orgueil, mais de résignation. Il ne nous reste que la résignation. » Voilà ses paroles textuelles. Et, résignée, préparée à tout, la reine Amélie, dont tant de larmes ont tari les larmes, assiste les yeux secs, mais le visage bronzé d'une douleur sourde et profonde, aux témoignages extérieurs de l'affliction générale que tous les membres de la famille laissent maintenant échapper.

La reine Amélie, aussitôt après la mort de notre reine bien-aimée, a fait avertir le curé d'Ostende et a demandé une messe de Requiem à laquelle tous les membres de la famille ont assisté. Une foule immense encombrait l'église, quoi

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