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en Parlement, eschevin, qu'elle commet à ce. A cet effet permet aud. procureur sindic d'obtenir et faire publier monitoires pour, l'information à luy communicquée et ses conclusions veues, estre ordonné ce qu'il apartiendra.

Cette fois, les maîtres durent se le tenir pour dit, et ne bougèrent plus. Mais la société d'autrefois était un monde si compliqué, si enchevêtré de rapports particuliers, un tel fouillis de privilèges, qu'il était impossible de déplacer une pièce, si petite fût-elle, de la machine sociale sans léser une multitude de droits acquis. La suppression des maîtrises était avantageuse à la Ville, aux artisans, aux consommateurs ; mais il y avait un Dijonnais qu'elle attaquait dans ses moyens d'existence, à savoir le greffier fermier du greffe de la mairie'. Ce personnage, dans les plaintes qu'il fit présenter à la séance du 4 juin 1647, se déclara privé d'un certain nombre de droits dont avaient joui ses prédécesseurs et qui lui avaient été garantis par son bail, en particulier celui « de vaquer aux réceptions des maîtres d'icelle ville, et aux visites qui se faisoient à requête des jurés de chacun métier... » Mais voilà-t-il pas que par sa malencontreuse délibération du 12 octobre, la Ville a supprimé les maîtrises, « le tout à son préjudice »! C'est ainsi qu'un chacun se croit le centre du monde. Les plus graves préoccupations juridiques, économiques, sociales avaient inspiré les délibérations de la Ville, et pour le greffier fermier tout le mouvement en faveur de la liberté du travail se résumait en ces mots : « On m'a rogné mes émoluments! » Avec le droit, qui lui a été aussi enlevé, d'apposer les scellés sur les maisons des successions, il y perdit plus de 600 livres par an.

Ses plaintes ont pour nous cet intérêt de nous permettre d'établir que la réforme a réussi. En effet, il se plaint << de n'expédier aucunes lettres de maîtrises ». C'est le « secré

1. B. 284, fo 297 Vo.

taire » c'est-à-dire le secrétaire de la Ville, qui perçoit les droits à l'exclusion de tout autre. La mise en régie municipale des maîtrises est donc, à cette date, un fait accompli. Et « depuis l'abolition des maîtrises, les jurés n'avaient fait aucune visite, au lieu que auparavant ils en faisaient fréquemment »>. Dernière preuve qu'il disait vrai en se lamentant sur la disparition des jurandes : la Chambre prend en considération ses plaintes sur ce sujet, et sur ce sujet seulement; elle le déboute des diminutions de fermage par lui prétendues, « autres que celles concernant lesd. maistrises, sur laquelle sera faict droit à la fin de son bail ainsi qu'il appartiendra »,

La victoire de la Ville nous est attestée d'une autre manière encore. Quatre jours après le dépôt de la plainte du greffier, nous rencontrons le procès-verbal de la réception, conformément au nouveau régime, d'un maîtrecarreleur. Il est reçu par la Ville, sans aucune intervention du corps du métier. C'est la Ville qui a fait information sur sa conduite et capacité. C'est elle qui reçoit son serment, serment professionnel, mais en même temps serment civique. Il s'engage à se soumettre aux visites qu'elle jugera convenable de faire chez lui, et c'est le sceau de Dijon qui timbre, et qui timbre seul, ses lettres de maîtrise.

1. B. 284, f° 304: « Lazare Rebourg, receu maistre carreleur. Veu l'infor mation faicte par commissaire de la Chambre, le huictiesme du présent mois de juin, sur les vie, mœurs, religion et sufisance au mestier de carreleur, de Lazare Rebourg, natif et demeurant en ceste ville de Dijon ; requeste dud. Rebourg, à ce que, pour les causes y contenues et ayant égard qu'il avoit fait son aprantissage dud. mestier en lad. ville, il pleut à la Chambre l'y recevoir maistre. Conclusions du procureur sindic. La Chambre... a permis et permet aud. Lazare Rebourg de travailler dud. mestier de carreleur en lad. ville, fauxbourgs et banlieue, à la charge de s'en acquitter bien et dehument, son ouvrage subiect a visite, payer le droit de confrérie, estre fidel au Roy et à lad. ville, porter tout honneur et respect aux magistratz d'icelle; s'il sçait et decouvre quelques entreprises et conspirations contre la seureté de Sa Majesté, bien et repos des habitans, tout aussy tost en advertira le Magistrat pour y pourvoir. Et, à l'instant entré, ce que dessus luy ayant esté prononcé et le serment de luy pris, en a juré et promis l'accomplissement. En tesmoin de quoy ont esté signées les présentes par le secrétaire de la Chambre du Conseil de lad. ville, et icelles scellées du scel et armes d'ycelle... »

L'année suivante, nous voyons que la confrérie des cordonniers de Dijon, qui avait fait appel de la délibération de la Chambre de ville relative aux réceptions, est déboutée de son appel par le Parlement 1. La Cour entend même ne respecter que sous bénéfice d'inventaire la clause qui soumettait à un régime d'exception les quatre métiers de « danger ». Les chirurgiens s'opposent à l'admission du compagnon David Dubois. Qu'importe ! David Dubois a passé un examen devant les médecins et l'avocat général; il en rapporte un certificat de capacité, la Cour décide qu'il sera maître-chirurgien, qui qu'en grogne'.

« A l'instar » de Lyon, Dijon était arrivé à substituer complètement au régime de la communauté jurée le régime de la liberté du travail ou, pour parler plus exactement, une sorte de régie municipale du travail. Nous n'avons pu pousser si avant notre étude en ce qui concerne Autun, Chalon, Beaune et Semur. Nous en avons assez dit cependant pour montrer que au début du XVIIe siècle, la bourgeoisie des villes bourguignonnes, maîtresse des hôtels de ville, n'éprouvait aucune sympathie pour le système corporatif, qu'elle a fait les plus grands efforts pour s'en débarrasser et qu'elle y a parfois réussi.

Ce triomphe devait être de courte durée. Avec l'arrivée de Colbert au contrôle-général, ce sont d'autres idées qui vont dominer. Le régime corporatif, modifié il est vrai, mais fortifié, va s'étendre obligatoirement à toutes les villes de France, et Dijon verra renaître ces jurandes abhorrées qu'à trois reprises, en 1529, en 1616, en1646, il avait bien cru définitivement détruire.

1. B. 12,260 (arrêts définitifs), f* 162, v°.

2. B. 12,261, f 172. Ce travail devrait être complété par des recherches dans les archives d'Autun, Chalon, Beaune et Semur, afin de voir ce qu'est devenu dans chacune de ces villes, après 1618, le régime des jurandes.

SURVENU

AUX DOCKS DE BOURGOGNE

le 30 Juin 19011

PAR

M. PIGEON

Professeur de Chimie à la Faculté des Sciences.

CHAPITRE PREMIER

Généralités.

I. — SINISTRE DU 30 JUIN 1901

Le dimanche 30 juin 1901, vers 6 heures 1/4 du soir, après une journée exceptionnellement orageuse, une tourmente extrêmement violente s'est déchaînée sur Dijon, produisant, surtout dans des régions déterminées, de terribles ravages. Parmi les régions les plus maltraitées de la ville se sont trouvés : l'établissement des Docks de Bourgogne, situé entre le boulevard Voltaire et la ligne de Dijon à Is-sur-Tille; un peu plus loin, l'établissement des religieuses de la Mère-de-Dieu; le boulevard

1. L'étude qui va suivre a été entreprise pour une expertise, au cours d'un procès jugé depuis par le Tribunal civil de Dijon. Relative à des phénomènes météorologiques assez rares, et à une affaire judiciaire rarement soumise aux tribunaux, cette étude a paru. à ce double titre, pouvoir être soumise aux lecteurs de la Revue Bourguignonne.

Dans l'examen délicat des faits en cause, les trois experts commis par le Tribunal ont été d'accord seulement sur tous les faits matériels; mais, sur la façon de les interpréter, deux d'entre eux seulement se sont trouvés du même avis, l'avis du troisième expert différant d'une façon notable. C'est l'avis commun à deux des experts que l'on va trouver plus bas, exposé par l'un d'entre eux.

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