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Chaussier dut à la netteté de ses vues d'être nommé professeur d'anatomie et de physiologie à Paris (1804). Les années suivantes, il fut nommé successivement médecin de la Maternité, médecin de l'Ecole polytechnique que venait d'organiser Monge. En 1822 lors de la réorganisation de l'Ecole de médecine, il fut très affecté quand on lui retira sa chaire. Le lendemain de cette disgrâce, il était frappé d'apoplexie, au milieu de ses élèves à la visite hospitalière; il s'éteignit quelques années plus tard, le 9 juin 1828.

Chaussier peut être donné comme modèle de professeur et de médecin. Comme professeur, il s'occupait paternellement de ses élèves, les réunissait souvent le soir dans sa maison de la rue Vannerie, les aidant de ses conseils et prenant part à leurs travaux. Comme chirurgien, il était scrupuleux, dévoué; aussi avait-il pris pour devise: Salus populi, suprema lex.

Une anecdote ponr terminer. Chaussier sentait si bien la nécessité de grouper les organes par régions après les avoir étudié en détail, qu'il arrivait toujours à l'examen d'anatomie, armé d'un stylet qu'il enfonçait successivement dans plusieurs endroits du corps. « Quelles sont les parties que j'ai traversées, demandait-il ensuite au candidat? >>>

C'était son unique manière d'interroger pour connaître le degré d'instruction des élèves, et le plus souvent il saisissait cette occasion pour faire la description topographique des organes et de leurs rapports avec les plaies, les opérations et la pathologie.

Je n'ai pas à vous signaler ici, les nombreux et excellents travaux de Chaussier sur l'hygiène, la médecine légale, les accouchements; il fit un travail important en collaboration avec Enaux, sur la pustule maligne. En anatomie, son travail le plus important ce sont ses tableaux synoptiques publiés à Paris (1795-1826), qui eurent plusieurs éditions et embrassant presque toutes les sciences médicales. Une grande partie de la nomenclature anato

mique qu'il a proposée, en collaboration avec Adelon, un dijonnais aussi, a été conservée et beaucoup de bons esprits sont d'avis qu'elle aurait dû être adoptée tout entière. Telle est l'œuvre de Chaussier.

Le cours de Chaussier disparut pendant la Révolution. et ce ne fut qu'après les évènements de Thermidor, qu'une pétition fut adressée au citoyen Jean-Marie Calès, envoyé à Dijon par la Convention, demandant que l'on rétablisse l'enseignement médical qui existait autrefois. Permettez-moi de vous citer quelques extraits de cette pétition :

<«<La difficulté d'organiser à Dijon une école de médecine est le premier obstacle qu'on oppose à une ville où, dans les jours de l'ancienne Académie, nos cours de chimie, d'astronomie, de physique expérimentale, de botanique, de matière médicale, d'anatomie et d'accouchements, jouissaient d'une célébrité méritée, où, sous l'influence de la société actuelle, ces derniers cours, repris et suivis comptent déjà des succès. Eh! quelle commune peut offrir, comme Dijon, une liste aussi longue de médecins renommés? Sans citer ceux qui existent, les Maret, les Durande, les Dechaux, les Enaux, les Hoin, les Leroux, etc., sont connus. Leurs ouvrages sont répandus dans toute l'Europe, et leurs noms honorablement inscrits parmi les membres des sociétés de Londres, d'Upsal, de Pétersbourg, d'Allemagne et d'Italie. On sait que ces hommes distingués ont laissé des élèves et des successeurs dignes d'eux.

«La position de Dijon, les hommes célèbres sortis de son sein, le goût de ses habitants pour les arts, ses établissements scientifiques, les services nombreux rendus aux sciences et aux lettres, y appellent un lycée complet. C'est la voix de l'Académie de Dijon qui réveilla le génie de Rousseau, et donna l'Emile à l'univers, en couronnant son discours, écrit d'une manière si inattendue « Sur l'influence des sciences et des arts » ; qui apprit à la France qu'elle possédait un philosophe de plus, en développant ce même génie, par cette grande question sur « l'origine et

l'inégalité des conditions ». Ce fut, en grande partie, aux médecins qu'elle comptait au nombre de ses membres, qu'elle dut ses succès ».

A la suite de cette pétition, et pour satisfaire au besoin d'un enseignement local, un cours d'anatomie et un cours de physiologie furent rétablis l'an VII (1799). Les titulaires furent le docteur Morland, pour le premier, et le docteyr Bornier, pour le second. Mais cet enseignement ne devait que plus tard reprendre l'importance qu'il avait avant la Révolution.

Le 28 août 1808, Napoléon signait à Saint-Cloud, le décret organisant des cours d'instruction médicale dans l'hospice de Dijon; le 30 septembre était signé le règlement; le 7 février 1809 paraissait l'arrêté nommant professeur de ces cours d'instruction médicale MM. les docteurs Antoine, Brenet, Tarnier, Calignon, Morland, Poncet.

Le 12 juin 1809, à cinq heures du soir, à l'hôtel de l'Académie, M. le Préfet, M. le Maire et M. le secrétaire général de la Préfecture procédaient à l'installation publique des professeurs.

«M. le Préfet ayant déclaré la séance ouverte, il a été fait lecture par M. Vaillant, secrétaire général du département, du décret impérial du 28 août 1808 et du règlement fait par son Excellence le Ministre de l'intérieur, M. le Préfet a de suite installé Messieurs les professeurs en leur offrant pour modèles les médecins et chirurgiens de cette ville qui par leur connaissance, leur zèle et leurs talents ont rendu de grands services à l'humanité souffrante.

« Le public a vivement applaudi son discours orné de pensées qui peignent la délicatesse de son esprit, la sensibilité de son cœur et manifestent son vif désir de pouvoir être utile au département de la Côte-d'Or. M. le Maire a entretenu l'assemblée des bienfaits dont l'Empereur a comblé cette ville; organe des habitants, il a exprimé leurs sentiments d'amour et de reconnaissance pour ce monarque chéri et a donné à connaître les avantages

que la ville et surtout les campagnes doivent retirer de cc nouvel établissement.

« La séance a été terminée par un discours de M. Brenet sur l'utilité de la médecine et de la chirurgie, sur l'importance de se perfectionner si l'on ne fait marcher de front la pratique et la théorie; enfin sur les diverses branches qui doivent faire partie de l'enseignement de cette sorte d'Ecole.

<«< De tout quoi il a été dressé procès-verbal les jour et an que dessus ».

L'Ecole de médecine de Dijon était créée.

Le premier professeur titulaire de la chaire d'anatomie fut Pierre Morland, qui l'occupa de 1808 à 1837. Né à Dijon en 1769, il y fit ses études et fut pendant dix ans un des élèves les plus distingués et des plus assidus du chirurgien Le Roux. De Dijon, Morland passe à Paris, où il fut reçu docteur en médecine et en chirurgie. C'est en cette qualité qu'il servit d'abord comme chirurgien à l'armée de Sambre-et-Meuse, puis il fut appelé, au siège de Lyon, comme chirurgien-major, dans uu régiment de chasseurs, dont le dernier abbé de la Trappe était colonel. Là, son activité et sa philanthropie se manifestèrent par un de ces actes que sa modestie n'avait révélé qu'à un petit nombre d'amis.

Beaucoup de proscrits étaient menacés de mort et recherchés à Lyon, où leurs têtes devaient tomber. De concert avec les principaux officiers, il leur fait revêtir l'uniforme du régiment; et, sous ce déguisement, ils quittent la ville en bénissant leurs libérateurs. Restaient leurs femmes et leurs enfants exposés aux mêmes dangers; ils sont placés dans un bateau et Morland, chargé de les accompagner, ne les quitte qu'après les avoir mis à l'abri de toute poursuite et de tout péril. Condamné pour ce fait à être fusillé, il n'échappe à la mort que par son sang-froid et sa présence d'esprit.

De retour dans son pays, Morland fut nommé professeur d'histoire naturelle à l'Ecole centrale de Saône-et

Loire; puis il se fixa à Dijon, où tout en exerçant la médecine et la chirurgie, il ouvrit un cours public d'anatomie. Son extrême sensibilité lui fit bientôt abandonner les opérations chirurgicales, et il se donna tout entier à l'étude de la médecine et surtout de l'anatomie qu'il aimait avec passion.

A l'époque de la création de l'Université, il fut nommé professeur d'anatomie. « Que de nous, écrit le chroniqueur de l'époque, ne l'a pas entendu embellir et orner cette séance aride de tous les agréments du style et de la pensée ».

En 1830, Morland fut nommé membre du conseil municipal; « il y soutient, dit le même auteur, les intérêts du peuple avec cette fermeté et cette chaleur qui distinguent le citoyen probe et désintéressé ». Dans les derniers temps. de sa vie, il n'exerçait la médecine que pour ses amis et pour les malheureux qu'il aida toujours de sa bourse, de ses soins affectueux et de ses conseils.

Un mot pour terminer son éloge. Morland est mort sans fortune.

Le successeur du professeur Morland fut le docteur Paris, qui enseigna l'anatomie à cette Ecole de 1837 à 1864.

Né à Dijon, où il a fait ses études brillamment, le docteur Paris, venait de commencer sa médecine, quand à dix-huit ans, en 1813, il fut appelé sous les drapeaux. En 1815, ne voulant pas servir les Bourbons, il fit partie de la grande désertion et revint de Paris en quatre jours, à pied, le sac au dos et le lourd fusil à pierre sur l'épaule.

Dès cette époque, sa grandeur d'âme, son amour du peuple, lui suggérait des opinions républicaines, qu'il a conservées jusqu'à son dernier jour. En quittant l'armée, il reprit bien vite ses études médicales auxquelles l'appelait une véritable vocation.

Etudiant en médecine à Paris, il fut à l'Ecole pratique préparateur des cours d'anatomie de Blandin, et c'est là qu'il s'est formé à l'enseignement qu'il a donné toute

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