Page images
PDF
EPUB

sommet, terrasse doucement inclinée, est couronné d'une belle végétation et porte des villas. Plus près de moi, une troupe de mouettes, au lieu d'errer sur les flots, piétine prosaïquement sur le bord, en poussant quelques cris peu harmonieux.

Mais il faut aller aux ruines. Je tente de le faire par Minster. Je dépasse cette station. Un brave fermier de type quasi-normand me dissuade de pousser plus loin, et je retourne à Sandwich. Cependant j'essaye au retour ce qu'en venant j'ai cru impossible. Mon effort est récompensé après avoir escaladé plusieurs grillages, franchi la Stour sur le pont d'une petite ligne ferrée et transgressé plusieurs autres clôtures, chacune dominée par un avis gros de poursuites, me voici au pied des murailles de Rutupiæ.

Un sentier rapide me conduit à ces vénérables pans de mur, qu'a envahis le lierre, rival en ténacité des constructions romaines. J'en fais le tour. Au nord-est, elles arrivaient au bord du petit plateau où elles furent construites et dominaient l'entrée sud de la passe de l'île de Thanet, aujourd'hui continent, faisant face aussi à la falaise de Ramsgate. Je visite à l'intérieur ce quadrilatère en grande partie conservé et me fais montrer les rares objets découverts dans les fouilles, ainsi que les belles fondations de la principale porte, à l'ouest.

Lundi, 24 juin.

J'ai revu, au British Museum, les salles égyptiennes et assyriennes et parcouru les collections non moins superbes de vases grecs.

Mardi, 25 juin.

A neuf heures moins le quart je monte dans le Métropolitain, à la station de Gower Street, et filant par ses longs boyaux incrustés de charbon et fumeux', je me

1. Le Métropolitain de Londres, vieux de plus de trente ans, est maintenant distancé par le très moderne « Tube ».

trouve bientôt débarqué à Paddington, la gare du Great Western Railway. En voiture pour Oxford! La ligne traverse une campagne plate d'abord, puis ondulée de gracieux coteaux. Toujours la même verdure, mais les céréales dans cette région alternent avec les prairies.

Du train je vais directement à Christ Church, laissant à ma droite la vieille tour massive du Château. Christ Church est le plus beau, le plus vaste et sans doute le plus curieux des collèges qui font la renommée d'Oxford. Je pénètre, par la belle porte du XVIIe siècle, dans l'immense cour d'honneur, qu'entoure en forme de carré le bâtiment principal, de style gothique: ce bâtiment a partout la même hauteur et la ligne régulière et harmonieuse n'en est interrompue que par le beffroi où est percée la porte d'entrée.

De la grande cour je passe dans une cour retirée par derrière et sur la gauche et qu'enveloppe sur trois faces un bâtiment de style classique. Façade étrange et pittoresque autant les murs sont noirs, autant sont vives les couleurs de mille fleurs dont les habitants ont égayé ses fenêtres. C'est dans cette partie du collège que demeure M. Haverfield. Je gagne son appartement par un des nombreux escaliers. Je le verrai de nouveau l'après-midi, et j'emporterai de ces deux entrevues avec le savant archéologue le plus agréable souvenir.

Entre temps je parcours un peu à ma fantaisie l'antique ville d'Université: je passe devant le monument gothique élevé au XIXe siècle à Cranmer, Latimer et Ridley; devant Baillol College, Lincoln College; je visite la Cathédrale, qui sert aussi de chapelle à Christ Church et où j'admire les vitraux très anciens et le cachet roman de l'édifice. Après une échappée dans les prés-promenades magnifiquement ombragés, je rentre dans le dédale des rues médiévales, où les collèges sont presque aussi nombreux que les maisons. Un coup-d'oeil aux tableaux et manuscrits de la fameuse bibliothèque Bodléienne, comme ce matin aux antiquités de l'Ashmolean Museum, je reprends le chemin de Londres.

Cette vision rapide d'Oxford enchante et déconcerte. Même à cette saison où rares sont par les rues ou les cours de collège les manteaux et les toques à toit plat des professeurs et des étudiants, la seule visite sommaire des édifices demanderait plusieurs journées. Animé ou délaissé, Oxford n'autorise que des impressions lentement formées.

Mercredi, 26 juin.

Je me suis rendu cet après-midi au consulat général de France. Les bureaux sont installés au rez-de-chaussée d'une maison sans apparence, portant le n° 4 de Finsbury Square, bien qu'elle soit située non sur le pourtour du square, mais dans une courte rue qui tombe directement sur la place. Pareil exemple d'un nom de place ou de square (place avec square) s'étendant à un tronçon de rue qui part de ladite place, est fréquent à Londres. Le consul est absent, je remets ma carte. Je repasse sur la place même là, devant le square, brillent les plaques et trônent les façades non luxueuses, mais de bien meilleure mine, des consulats allemand et italien presque contigus. On conçoit facilement que plusieurs grands consulats aient trouvé avantage à se grouper là, en pleine Cité, c'est-à-dire au centre des affaires, toutefois en un coin verdoyant et au seuil duquel la circulation paraît s'ar

rêter.

Jeudi, 27 juin.

C'est au-delà de la Banque, à la station du Great Eastern, Liverpool Street, que je vais prendre le train pour Colchester. Que les troisièmes sont confortables sur cette ligne Leurs banquettes valent celles de nos premières. Si moëlleux sont les coussins, médiocres sont les sites pendant tout le trajet. Notre bon train le fait du reste en une heure vingt.

Aux abords de la ville même campagne que le long de la route des prés alternant avec des cultures prospères et variées, et toujours de beaux arbres. Toutefois la reine

:

en population de l'Essex est bel et bien en amphithéâtre. La montée commence après qu'on a franchi une petite rivière aux eaux sales, qui marque à peu près l'entrée de la cité. Bientôt c'est à droite le marché aux bestiaux : je quitte la rue qui monte directement et me mets à suivre le mur ou ce qu'on voit encore du mur de Camulodunum, la devancière de Colchester et la métropole morale de la Grande-Bretagne romaine'.

Les antiques conglomérats, où se voit çà et là une ligne de briques, sont tantôt exposés aux regards, tantôt plus ou moins cachés; tantôt seuls, le plus souvent confortés d'une maçonnerie moderne, ils retiennent la terre de petits jardins, tantôt ils font place à des maisons. Au bout d'un certain temps j'arrive ainsi à un des donjons dont était flanqué le mur romain, puis à une porte bien conservée. Sur ma gauche se dresse une tour style Chicago destinée à l'ascension de l'eau. Je franchis le mur romain et, contournant la tour, je tombe en pleine ville, à la cîme de la colline.

Je continue mon exploration en gagnant le parc municipal. Il renferme l'ancien château normand, quadrilatère massif et patiné par les siècles, dont les quatre angles ont leur tour, deux rondes, deux carrées. Dans la cour intérieure le lierre monte à la muraille : une voûte abrite une curieuse ancre mi-bois mi-fer datant d'Elisabeth. Dans une galerie supérieure est le musée romain, fort intéressant.

A la sortie je gagne non sans hésitation, par les rues tortueuses et parfois pittoresques, le vieux prieuré normand de Saint Botolph. La façade, des piliers, des pans de mur sont debout. Le gazon fait à l'intérieur un tapis, semé de quelques tombes; car tout autour règne le cimetière. Un des piliers disparaît en partie sous les nodosités, entrelacées d'un puissant lierre, digne de la puissante ruine.

1. C'est à Camulodunum que s'éleva, dès le regne de Claude, le temple de Rome et d'Auguste.

Puis je finis par trouver la belle porte fin gothique de l'ancienne abbaye bénédictine. Traversant de nouveau la ville animée d'habitants, de touristes, de soldats d'un camp voisin - l'un me prie même de lui indiquer la gare — je remonte ensuite à la porte romaine, plus haut encore, et là, au pied de l'église Sainte Marie, j'arrive à une brèche du rempart romain: sur une des faces le mur a encore trois mètres d'épaisseur. Obsédé de rêves antiques, je me retrouve enfin près du jardin public, et grande est ma satisfaction de contempler l'angle du mur romain, bien conservé des deux côtés sur une certaine longueur.

Vendredi, 28 juin.

Je vais à l'ambassade de France demander une carte d'entrée à une séance de la Chambre des Communes. Notre ambassade est un bel hôtel, dont la façade à colonnade s'ouvre par côté sur la porte d'Hyde par ladite Albert Gate. Un des secrétaires me demande mes papiers, et au bout de cinq minutes il me met aimablement en possession du carton désiré.

Samedi, 29 juin.

En allant au British Museum j'entends les sons d'un instrument exotique accompagnés, étouffés plutôt par le claquement de castagnettes agitées par cinq ou six grands diables à la peau brune et, comme contraste, tous habillés du même complet clair et surmontés d'un identique panama. Ces orchestres exotiques ne sont pas rares à Londres.

Dimanche, 30 juin.

A 11 heures je me dirige vers Regent's Park. Ce parc ne fait pas mauvaise figure à côté d'Hyde Park pour l'étendue; il a été planté trop récemment pour en posséder les superbes ombrages. Mais des allées bien dessinées suivies par une foule de promeneurs y ondulent parmi la belle verdure du commencement de l'été. Plus loin, les massifs

« PreviousContinue »