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35.2.15

HARVARD

COLLEGE

MAR 9 1937

LIBRARY

2. egrand fund

DU

COURS D'ANATOMIE

(14 Novembre 1903)

PAR

Le Dr ZIPFEL

Professeur d'Anatomie à l'Ecole de Médecine
de Dijon

Messieurs,

En prenant possession de la chaire d'anatomie, il me paraît utile et intéressant de consacrer ce cours inaugural à l'histoire de cette science qui sera maintenant l'objet constant de nos études, de cette science si importante qui constitue la base de tout l'édifice médical.

En même temps, il me sera possible de faire revivre devant vous le souvenir de mes prédécesseurs et de leur adresser un hommage ému.

Dès aujourd'hui, vous qui reprenez ces études et vous qui faites vos premiers débuts, vous connaîtrez une partie des multiples difficultés qu'ont dû vaincre les premiers pionniers de l'anatomie ; vous rencontrerez des noms propres qui ne tarderont pas à vous être familiers, car ils sont restés attachés à des éléments anatomiques.

L'anatomie est une science qui a pour objet l'étude de la structure des corps organisés: sous ce nom, corps organisés, on désigne encore les êtres vivants, par opposition à la dénomination attribuée aux autres corps, les corps inorganiques. Les êtres vivants comprennent d'une part les animaux, de l'autre les végétaux, de là deux sortes d'anatomie l'anatomie animale et l'anatomie végétale.

Si l'on s'en tenait à l'étymologie du mot anatomie (ava tevo) il faudrait restreindre le sens qu'on doit lui

donner à la dissection. Mais la dissection n'est qu'un des moyens d'études de cette science, et nous comprenons le mot anatomie dans le sens le plus général : « Description des corps organisés ». Nous éliminerons l'anatomie végétale et malgré cela il faut savoir qu'en restreignant cette étude à l'anatomie des animaux, nous devons mentionner différentes variétés de sciences anatomiques, selon l'objet qu'on envisage et selon le point de vue où l'on se place.

Si on étudie la structure des animaux considérés dans leur ensemble, en recherchant, soit les analogies que présentent certaines parties du corps dans les espèces variées, soit la différence qu'offrent certains organes dans des genres, ou voisins ou très éloignés, on fait de l'Anatomie comparée. C'est la science que Vicq d'Azyr, Cuvier, Milne-Edwards ont surtout cultivée.

Au lieu d'étudier toute la série animale on peut simplement approfondir la structure d'un seul animal, on fait alors une Monographie.

Mais si de l'étude d'un seul type passant à celle des autres êtres on cherche à présenter des idées générales de l'organisme on a l'Anatomie philosophique.

A côté, il faut placer l'Anatomie générale, qui décompose les corps en parties similaires et dont elle étudie les caractères généraux. Bichat est le promoteur de cette branche de l'anatomie.

Plus tard, grâce au microscope, l'analyse anatomique, conduite plus avant, au lieu de se limiter aux caractères perceptibles à l'oril, arrive à une notion nouvelle, celle des tissus. L'Histologie est la science des tissus.

L'étude de l'organisme entièrement développé, c'est-àdire de l'homme adulte, ne représente qu'un des côtés de la science de l'organisation et l'Embryogénie ou anatomie du fœtus vient naturellement compléter cette étude. Sur cette branche des sciences anatomiques vient se greffer celles des défectuosités originelles ou Tératologie, science à laquelle s'est principalement attaché Geoffroy SaintHilaire.

L'anatomie des lésions produites par des affections morbides prend le nom d'Anatomie pathologique.

Connaître les organes, étudier leurs rapports non seulement entre eux et dans l'ensemble du corps, mais dans chacune de ses régions, constitue l'Anatomie topographique.

Enfin à l'anatomie qui a pour but la description des propriétés extérieures des diverses parties du corps, on réserve le nom d'Anatomie descriptive. C'est à ce dernier point de vue que nous étudierons l'anatomie.

Inutile, Messieurs, d'insister auprès de vous sur toute l'utilité de l'étude approfondie de cette science qui forme, comme je le disais tout à l'heure, la base de la physiologie, de la médecine et de la chirurgie. L'absolue nécessité des connaissances anatomiques a fait qu'elle a triomphé de tous les obstacles, qu'elle les a surmontés grâce aux illustres et dévoués défenseurs qu'elle a rencontrés de tout temps.

En remontant à l'époque la plus reculée, dans les Indes, les Ayurvedas, qui datent de 3000 ans avant notre ère, font mention de 600 os, 200 articulations, 400 muscles, 700 veines et 24 nerfs. Si le nombre des os semble élevé, c'est que sans doute les auteurs de ces livres comptaient les épiphyses comme des os indépendants. D'après le traducteur Hessler, les principaux organes seraient aussi décrits avec quelques détails et le sang serait considéré comme une transformation du chyle. Chez les Hébreux, au contraire, on ne trouve pas ces connaissances anatomiques.

Parmi les peuples d'Occident, les Grecs, qui ont atteint le degré le plus avancé de civilisation, semblent avoir eu très tôt des notions d'anatomie. Malgaigne a recueilli dans l'Iliade jusqu'à cent quarante-cinq observations de blessures de toute sorte et il ne craint pas de dire : « qu'on trouve là une très belle anatomie des régions >>.

Il ne faudrait pas croire cependant que les connaissances sur la construction physique de l'homme fussent poussées bien loin chez les Hébreux, les Egyptiens, et les an

ciens Romains. Les sacrifices faits par les aruspices, les embaumements pratiqués en Egypte par les prosectores, n'étaient là que des manipulations de cadavres, pratiquées par des hommes grossiers auxquels le sens scientifique et l'anatomie manquaient complètement.

Il est bien avéré qu'Hippocrate, né 460 ans avant notre ère, n'a jamais ouvert un cadavre humain et qu'il n'a rien écrit sur l'anatomie.

Ce fut au milieu de la vieille Egypte et au moment où l'on s'y attendait le moins, que l'anatomie humaine sortit tout à coup de l'obscurité et se créa une voie nouvelle malheureusement de courte durée, dans cette brillante Ecole d'Alexandrie, fondée par les deux Ptolémée. Hérophile et Erasistrate, les premiers représentants de cette école ont disséqué dans la ville même d'Alexandrie des cadavres humains.

Hérophile, né en Bithynie l'an 335 avant notre ère, était un membre de la famille des Asclepiades; il fit de nombreuses dissections, il décrivit exactement l'anatomie des nerfs, qu'il distingue en moteurs et en sensoriaux ; dans le cerveau, il décrivit les enveloppes, les plexus choroïdes, les sinus veineux dont le confluent porte encore aujourd'hui le nom de pressoir d'Hérophile. Le mot duodénum lui appartient.

Erasistrate, né dans l'île de Céos, fut rival d'Hérophile; il est vraiment l'inventeur des vaisseaux lactés, qu'il a vus le premier; il montra que les artères et les veines viennent du cœur, mais il commit une grave erreur, que vous verrez persister pendant quelques siècles, en disant que les artères contiennent de l'air. Il introduisit les noms de valvules tricuspides et sigmoïdes, connut la veine azygos et inventa le mot parenchyme. Se basant sur ses connaissances anatomiques, il n'hésitait pas, dit-on, à ouvrir l'abdomen d'un malade pour appliquer directement des médica ments sur les organes lésés.

Ces deux anatomistes auraient disséqué chacun six cents cadavres; si nous en croyons Celse, Erasistrate aurait

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