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mes plus massives. Cette dernière impression est heureusement corrigée par la tour carrée, œuvre du xv' siècle, toute en fines sculptures et qui projette avec grâce quatre pinacles élancés. A l'intérieur des piliers puissants et exceptionnellement bas supportent une nef trop peu haute pour sa largeur, A partir de la lanterne le temple s'éclaire et s'élève. Le choeur se distingue par le fini de ses voûtes, ses peintures murales, sa vaste baie, ses riches stalles et n'est, dit-on, surpassé par aucun dans l'île. Une belle chapelle y fait suite. La cathédrale de Gloucester possède le tombeau de Jenner, l'inveuteur de la vaccination. Quant au cloître, dominé par la grande tour, il reste avec ses voûtes en éventail sans rival en Angleterre. Le soir j'atteins Shrewsbury.

2 août.

Shrewsbury, ville de moyenne importance bâtie sur une colline, possède un certain nombre de vieilles et curieuses maisons. Aux numéros 15 et 16, Mardol, il y en a une, de 1441, à trois pignons, dont celui du milieu bien inférieur en hauteur et en largeur. Comme toutes les autres, elle laisse voir des poutrelles verticales en légère saillie sur le mur de la façade. A la différence des maisons relativement plus nouvelles une de 1628, par exemple, dans une petite rue —, ses fenêtres ne sont pas saillantes.

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Une autre maison, près du « Square, » porte l'inscription suivante: «Erected by Richard Owen the elder, Gentelman, Ano Dni 1592. » La façade est longue et peu élevée, à deux étages, tous les deux avec des fenêtres saillantes et des figures entre les poutrelles, le second possédant de fines colonnettes torses. Ses deux pignons, très joliment sculptés, sont supportés par des gargouilles, et sur la pointe de chacun d'eux est une statuette, en bois comme toutes ces sculptures.

A côté de l'église Saint Nicholas en est une, dont la moitié de la largeur du rez-de-chaussée est occupée par un porche carré supporté extérieurement et intérieurement

par des piliers carrés, qui vont s'amincissant en montant et sont sculptés, puis cannelés. Sous chacune des deux fenêtres du premier, deux petits arceaux en plein cintre avec de curieuses sculptures de goût roman; les deux fenêtres en pignon, au-dessus des précédentes, offrent de jolies sculptures de feuillages autour du triangle terminal, et l'un des deux triangles est surmonté d'une statuette de guerrier cuirassé.

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Quelques heures après, je revois Chester, cette ville intéressante entre toutes. Je commence par gagner sur une passerelle la rive opposée de la Dee, que je suis jusqu'aux environs du grand pont d'une arche. En revenant sur mes pas jusqu'au pont central, je jouis d'une bonne vue d'ensemble la citadelle, les maisons s'étagent pittoresquement au-dessus de la rivière. Les vieilles maisons, auxquelles j'arrive peu après la traversée du pont, appellent naturellement une comparaison avec celles de Shrewsbury. A Chester elles ne sont pas isolées, mais parfois en véritables files et bien plus nombreuses qu'à Shrewsbury. Comme conséquence, elles sont plus variées de forme, mais il y en a très peu également qui portent une date sur la façade. En général, elles sont plus grandes. Quelquesunes sont ornées de sculptures, par exemple la Maison de la Providence, dont poutrelles et façade sont couvertes de petites rosaces et arabesques aux riches dessins. Dans la rue descendant à la Dee se trouve une demeure sans ornement, mais dont les poutrelles affectent des dispositions variées et d'un heureux effet général. Comme autres façades sculptées, il y en a une qui porte des statues de personnages historiques, une autre des scènes joliment sculptées. Une autre maison enfin, dans Foregate street, plus petite, toute modeste et toute simple, ne manque pas de grace; elle dépasse de beaucoup les façades voisines, les deux poutres qui soutiennent la saillie s'enfonçant dans le bord du trottoir.

A quelques kilomètres de Chester, la ligne ferrée de l'ouest pénètre dans le pays de Galles. Etant arrivée en

face de l'embouchure de la Dee, dont l'estuaire sablonneux est bordé de collines à l'ouest, elle suit à petite distance la côte septentrionale galloise, au pied de hauteurs déjà majestueuses, puis traverse la base de la presqu'ile de Llandudno. A gauche j'aperçois pour la première fois les sommets de la chaîne du Snowdon. Je descends à Llandudno Junction, point d'où part la petite ligne de Llandudno. Point de place dans les hôtels. Le jour finit. Je me dirige vers Conway. Le ciel est d'un bleu pâle entre les nuages pluvieux qui fuient. Autour de l'estuaire me séparant de Conway les collines s'assombrissent. Un pont suspendu m'amène à l'entrée de la petite cité.

3 août.

Le temps est beau, mais nuageux. Derrière Conway sont des collines gazonnées, la plus haute laisse saillir des arètes de rocher grisâtres: au nord un promontoire arrondi couvert de bois s'avance dans l'estuaire. La ville présente l'aspect le plus pittoresque. Elle a d'abord son château, imposant et respecté bien que servant d'hôtel : c'est un grand quadrilatère, les deux côtés longs chacun flanqués de quatre tours rondes, larges, hautes et crénelées; il est tapissé de lierre. L'enceinte du moyen-âge l'accompagne très heureusement avec ses portes de l'époque des croisades, bien conservée et se voyant assez bien parmi les maisons; ses murs et ses tours longent le quai et escaladent la pente qui commence presque au bord de l'eau. Château, enceinte, vieille église aussi à l'apparence de forteresse font croire qu'à Conway on est toujours au moyen-âge. En face, une file de maisons se prolonge assez loin au nord le long de l'estuaire, au pied de mamelons d'herbe. Au sud, les montagnes étreignent la vallée, plus hautes à l'ouest et couronnées de vapeurs.

De Llandudno Junction à Llandudno le train suit de près l'estuaire, au fond duquel Conway déploie ses vieilles murailles.

Après avoir traversé la ville de Llandudno, j'entreprends une montée rapide le long du tramway à vapeur; comme lui j'aspire à atteindre la cime du Great Orme's Head. J'arrive à des pentes gazonnées où s'échelonnent de nombreux groupes d'ascensionnistes; la mer apparaît. Au sommet le vent est très fort. La côte, vue de là, s'abaisse progressivement à l'est; à l'ouest, elle est d'abord bordée de montagnes, puis se déprime aussi peu à peu, toujours très découpée, dans la direction d'Anglesey, dont on aperçoit non moins nettement la rive peu élevée. Je descends et gagne des mamelons qui me font longer un rivage bordé de falaises s'abîmant à pic d'une grande hauteur, puis la côte de l'intérieur de la baie. Au fond de celle-ci Llandudno dessine un croissant autour de sa belle plage et étend son damier de rues au milieu des pâturages. Sur la plage et le long de la jetée les baigneurs se meuvent, multitude liliputienne, au hasard des groupes sympathiques.

Revenu à Llandudno Junction, je prends le train pour Bangor, trajet qui me fait passer à la base de l'énorme masse cristalline du Penmaenmawr, déjà attaquée par les carriers, puis en frôlant toujours le littoral, me dépose en face de la riante Anglesey. Un pont suspendu de 500 mètres, jeté au-dessus du Menai Strait ou bras de mer à une hauteur imposante me conduit sur le sol insulaire, et tout en suivant la route de Beaumaris, j'ai une fort belle vue des montagnes galloises. A l'ouest du Suspension Bridge est le Tubular Bridge, double tube métallique que franchit le chemin de fer. La mer a bien gagné depuis le temps où les soldats romains franchirent à gué le bras de mer!

Continuant à cheminer en vue d'Anglesey, le train me dépose à Carnarvon, où je fais le tour de ce château médiéval qui, par sa hauteur, le nombre de ses tours dont plusieurs sont décagonales, l'épaisseur de sa muraille et l'immensité de son enceinte, constitue un des plus imposants vestiges de l'Europe de ce temps.

Je prends enfin le train de Llanberis. Remontant une vallée fraiche, aux eaux murmurantes, aux chétives maisons couvertes en pierres et disséminées, il atteint le lac de Llanberis et le suit sur presque toute sa longueur. Le soir, à la clarté de la lune, je vais revoir la tranquille et gracieuse nappe, dont une extrémité touche à la plaine et l'autre atteint le pied des plus hautes cimes. Pour faire cette promenade, il est nécessaire d'emprunter la voie ferrée, et certain passage obscur de ladite ligne m'a paru attirer ceux qui là-bas aiment à regarder à deux les étoile.

4 août.

L'atmosphère se purifie et promet une assez belle vue du haut du Snowdon. Je dépasse la gare du chemin de fer qui le gravit jusqu'au sommet et me trouve bientôt au pied d'un petit viaduc, devant la cascade de Llanberis. Très originale d'aspect, elle se précipite d'une vingtaine de mètres sur le côté un peu incliné d'une roche. La paroi polie et verticale qui fait face au bassin inférieur est seulement arrosée de minces filets d'eau. Suivant de plus ou moins près la voie ferrée, j'arrive au-dessus d'un belvédère dominant le lac de Llanberis et l'extrémité du lac qui le continue en amont. De ce point apparait dans toute sa hideur la plaie qui ronge la montagne opposée à Llauberis. La colline qui la continue en aval porte déjà dans ses flancs boisés une large entaille oblique, où l'ardoise se voit à nu. La montagne, masse ardoisière du lac où elle baigne à sa cime, n'est guère qu'une immense carrière. A chaque instant ses flancs retentissent de détonations de mine, parfois en série, qui arrachent quelque chose de sa substance, et l'on entend les pierrailles couler le long de l'une des tranches régulières, ainsi formées dans ses régions moyennes et inférieures. Des wagonnets les recueillent et les emportent. De là je gagne la station située à mi-chemin du sommet du Snowdon. Le petit train a à l'avant un wagon ouvert, très bien disposé pour la vue.

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