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Lyon, de Saint-Etienne, l'Ecole nationale professionnelle de Voiron (Isère),... dont les adhésions sont, ou certaines déjà, ou annoncées présumables à la rentrée de 1904; (on peut évaluer à 650 environ le nombre total des élèves de 11 à 19 ans qui reçoivent en ce moment le nouvel enseignement géométrique). Les lecteurs de la Revue connaitront les particularités les plus intéressantes de ce mouvement dans ses dernières phases, par les extraits suivants de pièces officielles et de lettres privées, où l'ordre chronologique a été généralement suivi.

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j'avais eu l'occasion de lire un ouvrage de M. Méray, les Nouveaux Eléments de Géométrie, et j'avais été très frappé de l'élégance, de la sobriété, de la rapidité de sa méthode; envoyé à Chambéry, mon premier soin fût d'en recommander l'emploi, à titre provisoire, à l'Ecole normale d'Albertville; tout de suite, le professeur en reconnût la valeur. Voici l'expérience qui fut faite an mois de janvier dernier, on donna la même composition aux élèves de 1r et de 2 année, ceux-ci continuant à suivre la méthode d'Euclide. Voici le résultat : la plupart des élèves de 1" année firent le problème dont la majorité des élèves de 2o année ne pût sortir... Si quelque professeur de l'enseignement secondaire voulait tenter l'expérience à partir de la 4 ou de la 3, je m'efforcerais bien volontiers de lui faciliter cette tentative ». (Allocution de M. Joubin, recteur, au Conseil académique de Grenoble, prononcée le 18 juin 1903 et reproduite par la polycopie).

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་ III. La méthode s'adresse à l'intelligence des élèves et les habitue à penser par eux-mêmes. L'enseignement classique a une forme bien arrêtée depuis longtemps; le cours prend l'aspect d'un formulaire dont l'étude ne peut guère qu'endormir l'esprit de l'élève; il ne cherche pas à trouver de lui-même, et attend que le professeur lui donne la démonstration de chaque théorème. Dans la méthode Méray, une fois les méthodes générales de démonstration indiquées, l'élève peut les appliquer de lui-même à diverses propositions, il trouve parfois des démonstrations différentes de celles du livre et prend ainsi un intérêt plus vif à l'enseignement. Etant habitué à la recherche, l'élève résout avec plus de facilité les problèmes qui lui sont proposés.

De plus, la fusion de la géométrie plane et de la géométrie dans l'espace, permet d'étudier ensemble certains chapitres

que l'esprit a une tendance à rapprocher et qui sont séparés dans la géométrie enclidienne; ... il y a ainsi une grande analogie dans les démonstrations, par suite, moins de fatigue pour l'esprit... L'introduction des notions de trigonométrie au moment de l'étude des propriétés du triangle donne d'excellents résultats.... (Rapport adressé le 1er octobre 1903 à M. le Recteur de l'Académie de Chambéry, par M. le Directeur de l'Ecole normale d'Albertville et M. Tarrin, professeur).

«... Je me suis décidé à mettre à l'essai votre méthode relativement à l'évaluation des aires polygonales et des volumes polyédriques... L'expérience m'a montré que les difficultés que je craignais n'existent pas réellement... l'idée très simple adoptée dans chaque chapitre, décomposition des surfaces en triangles, des volumes en tétraèdres, plaît aux élèves; ils savent où ils vont... après avoir revu pour leur classement trimestriel les théorèmes relatifs aux surfaces, ils ont trouvé d'eux-mêmes les énoncés de beaucoup de propositions relatives aux volumes et souvent ont donné les démonstrations ou en ont indiqué l'idée directrice... Dans certaines leçons, j'étais harcelé de questions, la curiosité de certains élèves s'accommodant mal de la lenteur de l'exposé; cela donnait à la classe un entrain et une animation que j'avais plaisir à constater et qui étaient pour moi une réelle satisfaction... » (Lettre particulière de M. Tarrin, 8 février 1904).

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Je donne cet enseignement depuis la rentrée, à une classe de 40 élèves âgés de 12 à 14 ans, un certain nombre n'ayant guère plus de 11 ans. Tous ont suivi et compris de façon satisfaisante les matières exposées..... les résultats obtenus jusqu'à ce jour sont bien supérieurs à ceux que j'obtenais précédemment avec la méthode ordinaire. Cet avis est aussi celui de M. le Directeur... Les axiomes fondamentaux sont facilement compris des élèves et les intéressent plus qu'on ne serait tenté de le croire... Les notions relatives à la direction ont plu aux jeunes auditeurs par leur netteté et leur simplicité...

« Une question intéressante et d'un haut intérêt pratique est celle-ci : les enfants qui abordent pour la première fois l'étude de la géométrie théorique peuvent-ils opérer d'emblée sur les figures dans l'espace? En m'appuyant sur les résultats obtenus, je réponds hardiment: oui, ils le peuvent, et ils n'éprouvent pas à le faire, autant de difficulté qu'on le suppose géné

ralement...

«Je termine par une autre constatation que je considère comme capitale au point de vue pédagogique. Le nouvel ensei

gnement de la géométrie intéresse les élèves, et ce n'est pas peu dire, du moins pour ceux qui ont enseigné les débuts de la géométrie ordinaire. Si les élèves parviennent à s'assimiler. les cas d'égalité des triangles, les propriétés des perpendiculaires et des obliques, ce n'est pas ordinairement de leur plein gré; ils apprennent ces questions en quelque sorte malgré eux, à contre-cœur. Elles les laissent généralement très froids, car des intelligences de 12 ans ne comprennent pas du tout la nécessité de démontrer des choses qui leur paraissent évidentes et dont ils ne voient pas la portée. Et cette indifférence des élèves n'est certes pas un stimulant pour le maitre qui aspire à sortir au plus vite des subtilités du premier livre, mais qui, malgré ses efforts, n'arrive pas à franchir les cas d'égalité des triangles.

<< Avec la nouvelle méthode, ce grave inconvénient disparait. Dès les premières leçons, on se trouve en plein domaine de la géométrie; on se meut dans l'espace et non plus seulement dans le plan. Les lignes qu'on présente aux yeux ont du relief; elles font une impression bien plus forte que des figures tracées au tableau. Aussi les plus indifférents regardent; ils voient et comprennent, et quand le maître fait formuler par les élèves le théorème qu'il vient d'expliquer, il est très souvent surpris que tel d'entre eux qui paraissait avoir mal compris demande à être interrogé et s'en tire au mieux.... En résumé: 1o il est possible d'enseigner avec fruit les Nouveaux Eléments de Géométrie à des élèves de 12 à 13 ans; 2o la géo métrie ainsi enseignée intéresse les élèves, et, détail non négligeable, son enseignement est d'un grand attrait pour les maîtres. » (Rapport adressé le 30 décembre 1903 à M. le Recteur de l'Académie de Nancy, par M. Maugey, professeur à l'Ecole primaire supérieure de Charmes).

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Avec une habileté à laquelle je suis heureux de rendre hommage, M. Maugey a mené à bien sa tentative, au mieux, dirais-je, si j'étais tout à fait du métier. Dans tous les cas, lundi dernier, 28 décembre, j'ai assisté à son cours de 1 année. C'était merveille de voir les élèves jongler pour ainsi dire avec les expressions abstraites. J'ai entendu des enfants de 12 ans, et non des meilleurs de l'école, formuler avec précision des théorèmes difficiles. Et j'ai songé à ce que j'aurais pu dire à cet égard quand j'avais 18 ans ! » (Note ajoutée au rapport précédent par M. Houot, directeur de l'Ecole).

« ... J'ai commencé le Cours de Géométrie à mes 15 petits élèves de 1 année, sans attendre qu'ils fussent en possession des Nouveaux Eléments. Ils vont à merveille, et le professeur

de dessin est étonné de leur facilité à lire dans l'espace pour la représentation géométrale d'objets usuels. Hier soir, il me faisait part de la satisfaction qu'il éprouve avec ces enfants de 12 à 13 ans. Une chose me surprend moi-même, c'est qu'avec eux je marche aussi rapidement qu'auparavant avec mes élèves de l'Ecole normale d'Auxerre... » (Lettre particulière de M. Billiet, directeur et professeur à l'Ecole primaire supérieure de Montbard, du 22 octobre 1903).

« ...

A la rentrée d'octobre 1902, la géométrie euclidienne avait complètement disparu de l'Ecole normale d'Auxerre... Profitant de l'expérience acquise depuis 3 ans dans ce nouvel enseignement, je supprimai entièrement les notes et rédactions de toutes sortes; je ne fis guère que commenter le livre, estimant qu'il est dangereux de s'en écarter par des variantes. J'obtins de la sorte les résultats surprenants qui ont été consignés dans nos rapports (V. Revue, t. XI, 1901; t. XII, 1903). En 3° année (1902-1903), le cours s'est borné à quelques applications et révisions, et les élèves se présentèrent en toute confiance à l'examen du Brevet supérieur. Les sujets de composition furent traités avec une extrême facilité par tous les élèves; un seul a eu une note inférieure à la moyenne, et sur 15, 10 je crois ont obtenu la note 8 (maximum 10). A l'examen oral, je ne dirai pas que les élèves ont brillé, mais il n'y eût point d'hésitation dans leurs réponses, et l'examinateur pût constater que nos candidats surpassaient leurs devanciers au point de vue de la culture générale...

« A l'Ecole primaire supérieure de Montbard, dont j'ai pris la direction à la rentrée, je me suis réservé l'enseignement des mathématiques, et j'ai mis promptement l'ouvrage de M. Méruy entre les mains des élèves de 1 année, àgés de 12 à 13 ans. Le cours marche à souhait. Les élèves lisent dans l'espace avec une facilité remarquable, bien supérieurs sur ce point à leurs ainés. Ainsi, il y a quelques semaines, les élèves de 3° année avaient à résoudre les questions suivantes: I. D'un point donné, mener une droite qui rencontre une droite donnée, et soit parallèle à vn plan donné; II. Mener un plan qui en coupe deux autres suivant des droites parallèles, 1o par une droite donnée; 2o par un point donné et parallèlement à une droite donnée. Après un quart d'heure de recherches, quelques-uns seulement soupçonnaient les solutions. J'appelai alors un élève de 1re année, le 12 de la division, lequel en deux minutes, sans figures, résolut les deux problèmes. La conclusion est facile à tirer. Tous les élèves de 1" année apportent un bel entrain dans les classes de géométrie, et c'est un

plaisir pour moi de les voir en étude, préparer leurs leçons : ils étalent leurs livres sur la table, puis s'armant de règles, de crayons, de feuilles de carton..., ils semblent jongler avec tous ces objets. Il en est bien autrement en 2 et en 3° année, où, par suite des débuts, j'ai dù poursuivre l'étude de la géométrie d'après l'ancienne méthode. Les classes sont sans vie, et je me fatigue beaucoup pour arriver à des résultats qui aujourd'hui me paraissent insignifiants. La différence entre les deux méthodes est ici plus concluante qu'à Auxerre... En résumé, je suis de plus en plus satisfait de la nouvelle méthode. Le professeur de dessin lui-même constate chez les élèves de 1r année, une culture générale qu'il n'avait point rencontrée jusquelà et qui lui permet d'aborder des questions qui ne pouvaient être traitées que bien plus tard... » (ld. du méme, 3 février 1904).

« ...

Le cours de Géométrie se poursuit en 2 année de manière à nous donner toute satisfaction; j'ai pu l'écrire il y a quelques jours à M. le Recteur dans mon rapport mensuel. La 1re année présente encore plus d'homogénéité que la 2o : sur 22 élèves, 20 suivent presque sans efforts... » (Id. de M. Mironneau, D' de l'Ecole normale de Lyon, 5 février 1904).

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Je vais maintenant résumer les observations que j'ai pu faire sur le nouvel enseignement, tant au cours de la dernière année scolaire, qu'au commencement de celle-ci. Au début, il y a d'abord quelque surprise chez les élèves qui ont étudié la géométrie d'après les méthodes traditionnelles; toutefois cette surprise est de courte durée, car ils s'aperçoivent bien vite du parti que l'on tire des axiomes fondamentaux et de la simplicité des théories qui en découlent. Eux-mêmes s'exercent dès le début à trouver des démonstrations, et comme ils y réussissent en général, la cause est gagnée. Et, à ce propos, je trouve des plus heureux votre choix d'exercices sur les premiers chapitres; ils excitent l'émulation des élèves, les plus habiles mettent leur amour-propre à découvrir tous les cas généraux et particuliers qui peuvent être envisagés ; ceux qui sont moins doués aperçoivent seulement les cas particuliers les plus simples. Ainsi, chacun y trouve son compte et prend confiance en lui-même. Les élèves n'éprouvent pas de difficultés sérieuses à se représenter les faits dans l'espace; c'est un véritable plaisir de les voir au bout de peu de temps, agencer eux-mêmes leurs cahiers, leurs livres et leurs règles pour figurer les plans et les droites et pour se guider dans la recherche des problèmes. - Les leçons sont animées; à peine l'hypothèse et la conclusion d'un théorème sont-elles écrites au tableau noir, que des

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