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termes combinés de ces deux articles que ce n'est que sur
quotité disponible suivant l'article 913 qu'il peut être dispos
dans le cas prévu par l'article 1098; qu'ainsi, lorsque la por
tion disponible fixée par l'article 913 a été entièrement épuisé
en faveur d'un des enfans d'un premier lit, l'époux qui a fai
la disposition ne peut plus disposer de rien à titre gratui
en faveur de son époux d'un second ou subséquent mariage
--Attendu que la proposition contraire ne peut résulter de ces
mots de l'article 1098 qu'une part d'enfant légitime le moins
prenant; qu'ils prouvent seulement qu'il y a des cas où l'époux
qui a déjà fait un don à l'un ou plusieurs de ses enfans d'un
autre lit peut encore donner à son nouvel époux; mais que,
pour concilier à cet égard la disposition de l'article 1098 avec
celle de l'article 913, il faut nécessairement l'entendre dans ce
sens restrictif, que, si les dons déjà faits à des enfans n'épuisent
pas entièrement la quotité disponible fixée par l'article 913,
Texcédant de cette quotité peut être donné au nouvel époux,
jusqu'à concurrence d'une part d'enfant légitime le moins pre-
rant ? et sans jamais pouvoir excéder le quart des biens du
lieposant; Attendu que les inductions qu'on a tirées de la
disposition de l'art. 1094 sont contraires au texte et à l'objet
de la loi, puisque, d'une part, le second paragraphe de l'art.
1094, statuant pour
le cas où il existe des enfans ou descen-
dans, ne dit point que, dans ce cas, l'époux pourra donner
à l'autre époux tout ce dont il pourrait disposer en faveur
d'un étranger, et, en outre, un quart en propriété et un
quart en usufruit, ou là moitié de tous ses biens en usufruit;
e que, d'autre part, le paragraphe précité ne statue que
pour le cas d'existence d'enfans ou descendans issus du ma-
riage entre le disposant et l'époux en faveur de qui est faite
la disposition, et que l'article 1098 a été fait, au contraire
et spécialement, pour le cas d'existence d'enfans qui ne sont
pas issus de l'époux en faveur de qui la disposition est faite:
de tout quoi il suit que l'arrêt dénoncé a faussement inter-
prété les articles 1094 et 1098 du Code civil, et a formelle-
ment violé l'article; 913 CASSE.>>

Nota. La Cour de cassation a jugé dans le même sens le 21 juillet 1813. (Voy. tom. 15, pag. 212,)

COUR DE CASSATION.

La créance d'un médecin pour le paiement de ses peines et visites, lorsqu'elle n'est pas contestée au fond, est-elle liquide et peut-elle étre opposée en compensation, encore qu'elle soit sujetté au règlement du jury médical? (Rés. * a.) Cod. civ., art. 1291.

The créance pour prix d'une vente peut-elle étre opposée en compensation, lorsque la vente est contestée Rés. Dég.) Ibid.

LES HÉRITIERS JOURDAIN, C. LE SIEUR GHENEUZAC.

Les principes sur la compensation sont trop connus pour qu'il soit besoin de les rappeler. Chacun sait que la première règle sur cette matière est qu'il faut nécessairement que les. dettes qu'il s'agit de compenser de part et d'autre soient réciproquement claires et liquides: car celle des deux qui ne serait pas telie, ou qui serait sujette à contestation, ne pourrait pas être compensée avec une dette claire et liquide.

A l'égard de la liquidité des dettes, c'est au juge devant lequel la compensation est demandée à discerner si elle existe on non. La loi ne pouvait point établir de règle, certaine à cet egard; elle a dû s'en rapporter à la prudence du magistrat. Au reste, quand on dit que les dettes à compenser doivent être claires et liquides de part et d'autre, cela doit s'entendre seulement de la certitude des dettes et de leur quotité, mais non pas de la similitude des titres ou des causes qui ont pu les produire. Ainsi une créance résultante d'un titre privé peut être opposée en compensation d'une dette procédant d'un titre authentique. Ainsi on peut demander la compensation d'une detteen grains avec une dette en argent, parce que, si la dette en grains n'est pas liquide, elle peut être facilement liquidée, tque, dans ce cas, le juge peut accorder un bref délai à çet effet, sans préjudicier au créancier auquel la compensation est opposée. Il suffit en effet que la créance ne soit pas contestée pour qu'elle soit réputée liquide, lors même que sa quotité serait pas encore déterminée, dès l'instant qu'elle peut l'être

facilement, sans longueur et sans frais. Telle est la dispositio de la loi 14, au Cod., de compens. C'est aussi l'opinion d Domat (liv. 4, tit. 2, sect. 2, § 2) et de Pothier (Traité de Obligations, no 628).

Ainsi, dans le cas particulier, la créance du médecin n'étan pas contestée au fond, mais susceptible seulement d'être ré glée par un jury, ce qui n'est ni long ni difficile, il s'ensui que le juge a pu la considérer comme liquide et de nature être opposée en compensation, sans violer les principes de matière et saus contrevenir à la loi. C'est au moins ce qui été décidé dans l'espèce actuelle.

Le sieur Cheneuzac, médecin, et la dame son épouse, avaien souscrit en 1806 un billet de 1,000 fr., au profit d'un sieu Jourdain. Celui-ci étant décédé en 1812, les sicurs Paris e consorts, ses héritiers, se sont adressés aux époux Cheneuza pour avoir le paiement du billet dont on vient de parler.

Le sieur Cheneuzac oppose en compensation 1o la somm de 659 fr., dont il était créancier pour visites et soins par lu donnés au sieur Jourdain pendant sa dernière maladie; 2 une autre somme de 307 fr. pour prix d'un cheval vendu a défunt: d'où le sieur Cheneuzae conclut qu'il n'est plus débi teur sur le billet en question que d'une somme de 34 fr., qu'i effre aux héritiers Jourdain.

Ceux-ci ne contestent pas au fond la créance relative au honoraires du médecin, mais ils prétendent qu'elle est prescrite la demande ayant dû en être formée dans l'année du décès aux termes de l'art. 2272 du Code civil. Ils ajoutent au surplu que cette dette n'est point susceptible de compensation, puis qu'elle n'est point liquide, et qu'elle est subordonnée au règlement du jury médical.

Quant à la créance de 507 fr. pour prix du cheval, les hé ritiers Jourdain la méconnaissent; ils observent qu'elle n'es justifiée par aucun titre, et qu'étant sujette à contestation, ell ne peut entrer en compensation avec la somme qui leur est due

Le 15 novembre 1814, jugement par lequel le tribunal ci vil d'Angoulême, considerant, en ce qui touche la créance ré sultante des visites faites par le sieur Cheneuzac au feu sieu Jourdain, qu'au fond cette créance n'est pas contestée, et que

malgré qu'il y ait lieu à régler le mémoire du médecin, cela n'empêche pas qu'on ne puisse la regarder comme liquide; que, d'ailleurs, cette créance s'étant compensée dès son origine avec le montant du billet dont les héritiers Jourdain demandent le paiement, la prescription n'a pas pu courir ; et à l'égard du prix du cheval vendu au sieur Jourdain, considérant qu'il résulte de divers écrits imputés à la veuve Jourdain qu'elle a eu connaissance de la vente de ce cheval faite à son mari ; ordonne, avant faire droit, 1o que taxe des visites du médecin sera faite le jury médical par 1 ; que la veuve Jourdain sera mise en cause à l'effet de faire sa déclaration sur les faits relatifs à la vente et au prix du cheval réclamé par le sieur Che

neuzac.

Les héritiers Jourdain, demandeurs en cassation, ont prétendu que le tribunal civil d'Angoulême avait doublement violé l'art. 1291 du Code civil en admettant en compensation deux créances dont l'une n'était pas liquide et l'autre était incertaine et contestée. Suivant les demandeurs, on ne pouvait pas considérer comme liquide la créance réclamée par le sieur Chéneuzac en qualité de médecin, puisque son mémoire était sujet à la taxe et devait être soumis au règlement du jury médical. A l'égard de la créance résultante de la prétendue vente d'un cheval, elle était bien moins encore que la première susceptible de compensation, puisque, loin d'être liquide, elle n'était pas même certaine, ce que le jugement attaqué avait lai-même reconnu en ordonnant la mise en cause de la veuve Jourdain, pour prouver l'existence de la dette et sa quotité.

Les défendeurs répliquaient qu'on devait considérer comme liquide toute créance sur laquelle il ne peut s'élever de contestation sérieuse, et dont la quotité peut être déterminée facile ment et sans frais ; que rien n'est plus expéditif, plus sommaire, que le règlement des honoraires d'un médecin par le jury médical; et qu'une créance de cette nature, quand elle n'est pas contestée au fond, est toujours liquide, et peut être opposée en compensation. Relativement à la créance de 507 fr. provenante de la vente d'un cheval, les défendeurs prétendaient qu'elle était attestée par plusieurs écrits de la veuve Jourdain ; qu'ainsi le tribunal avait pu l'admettre en compen

sation, surtout au moyen du complément de preuve qu'il avait ordonné.

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Du 3 février 1819, ARRÊT de la section civile, M. Brisson président, M. Poriquet rapporteur, MM. Guichard et Mathias avocats, par lequel;

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<« LA COUR, Sur les conclusions de M. Cahier, avocat-général, et après qu'il en a été délibéré en la chambre du conseil ; - Vu l'article 1291 du Code civil, ainsi conçu : « La compensation n'a lieu qu'entre deux dettes qui ont éga«lement pour objet une somme d'argent ou une certaine 'quan¬ « tité de choses fongibles de la même espèce, et qui sont éga«<lement liquides et exigibles. Les prestations en grains ou denrées non contestées, et dont le prix est réglé par les mer« curiales, peuvent se compenser avec des sommes liquides et exigibles. »; Attendu que le jugement dénoncé déclare constant, en fait, que la créance du sieur Cheneuzac pour le paiement de ses visites et des soins par lui donnés en sa qualité de médecin au feu sieur Jourdain n'est pas contestée au fond; que, d'ailleurs, cette créance était liquide et exigible sans aucun procès et sans autre retard que celui du règlement du mémoire par le jury médical; qu'ainsi il y a eu lieu à compensation, jusqu'à due concurrence, entre cette créance et le billet souscrit par le sieur Cheneuzac au profit du feu sieur Jourdain; Attendu que cette compensation s'est opérée de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insçu des débiteurs; qu'elle a eu l'effet d'éteindre jusqu'à due concurrence la dette du sieur Cheneuzac, sans qu'il ait été obligé de former sa demande en paiement contre les héritiers Jourdain, ce qui écarte l'application de l'article 2272 du Code civil, relatif au délai dans lequel les médecins doivent intenter. J'action en paiement de leurs visites et médicamens ; -- REJETTE Ces deux premiers moyens ; Mais, attendu que la créance réclamée par le sieur Chenenzac pour le prix d'un cheval qu'il prétend avoir vendu au sieur Jourdain, moyennant 507 fr., est contestée; qu'elle n'est ni liquide ni exigible; qu'elle ne peut le devenir ( ainsi que le prouve l'interlocutoire ordonné par le tribunal) qu'après le jugement des contestations, dont la durée est indéterminée et le résultat encore in

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