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tantes, et qu'elles n'ont point d'effet contre les tiers ; et il est ́bien évident qu'il n'y a là rien de contraire à l'art. 40 de la loi du 22 frimaire an 7. Eu effet, autre chose est de dire que lés contre-lettres auront toujours lear effet entre les parties contractantes, autre chose est de dire que les parties contractantes sont les seules contre lesquelles les contre-lettres puissent avoir leur effet. Par la première locution, toutes les contre-lettres seraient indistinctement déclarées valables à l'égard des parties qui les auraient souscrites; et ce qui prouve que ce n'est point là ce qu'entend le Code civil dans l'art. 1521, c'est qu'il annulle lui-même, par l'art. 1596, les contre-lettres qui modifient les contrats de mariage. Au lieu que de la seconde locution il résulte seulement que les contre-lettres, dans les cas où elles sont valables, ne le sont qu'entre les parties contrac– tantes, ce qui, assurément, ne présente pas plus de contrariété à la disposition de l'art. 40 de la loi du 22 frimaire an 7 qu'à l'art. 1396 Code civil lui-même. » Après avoir réfuté plusieurs objections prises de l'art. 7 de la loi du 3o ventôse an 12, et de la discussion du conseil d'État sur l'art. 206 dư projet du Code civit, et s'être livré aux plus lumineux développemens, M. Merlin en vient à l'arrêt que nous recueillous, et remarque notamment « que dire que la matière est régie non par l'art. 40 de la loi du 22 frimaire an 7, mais par l'art. 1321 du Code civil, c'est sans doute décider implicitement que celui-ci abroge celui-là, mais que ce n'est pas le prouver ».. Voy. Quest. de droit, vo Contre-lettres, $5.) Il convient d'ajouter qu'indépendamment de l'arrêt de Bruxelles cité plus. haut, l'opinion de M. Merlin est encore fortifiée par un arrêt de la Cour royale de Metz, du 17 février 1819, qui décidé égaleinent qu'aujourd'hui même une contre-lettre ayant pour objet un supplément de prix est nulle, même entre les parties contractantes, Attendu que la disposition de l'art. 46 de la loi du 22 frimaire est absolue et générale, et n'admet ni exception ni réserve d'un effet quelconque dans l'intérêt privé des parties; attendu qu'on peut d'autant moins étendre la disposition de l'art. 1521 du Code civil aux contre-lettres qui tendent à éluder les lois spéciales et les droits dus au gouvernement, que, d'après l'art. 1155 du même Code, toutes les,

conventions en général qui n'ont qu'une cause illicite, ou, ce qui revient au même, une cause prohibée par la loi, sont frappées de nullité, et ne peuvent produire aucun effet.....

COUR D'APPEL DE NISMES.

L'appel d'un jugement qui rejette une demande en jonction de causes est-il recevable, avant le jugement définitif? (Rés. aff.) Cod. de proc. civ., art. 451 et 452.

LES ENFANS SOULIER,

La question, en d'autres termes, consiste à savoir si un pareil jugement est définitif, ou simplement préparatoire, dans le sens de l'art. 452 du Code de procédure civile. Cet article répute préparatoires les jugemens rendus pour l'instruction de la cause, et qui tendent à mettre le procès en état de recevoir jugement définitif. Si l'on veut s'en tenir à cette définition assez simple, il semble qu'un jugement qui rejette la demande en jouction de deux causes connexes n'est pas simplement préparatoire; qu'il ne tend pas uniquement à l'instruction du procès, puisqu'il décide définitivement que deux causes qui, par leur nature, peuvent avoir une liaison intime, un rapport nécessaire, seront cependant instruites et jugées séparément. On ne peut néanmoins se dissimuler que, dans ces matières, les nuances sont difficiles à saisir, et que la ligne de séparation entre la disposition préparatoire et celle qui préjuge le fond est très-souvent imperceptible. Dans ce cas, que faut-il faire? Il faut chercher à se pénétrer de l'intention du législateur. Pourquoi l'art. 451 a-t-il interdit l'appel des jugemens préparatoires? Ç'a été, comme l'observe l'orateur du Gouvernement, dans l'exposé des motifs, parce qu'autrement on eût vu autant d'appels que de jugemens d'instruction, et qu'il en naîtrait, un désordre qu'il serait impossible d'arrêter. A ce motif s'en joint un autre, qu'on eût également pu faire valoir c'est que les juges ne sont pas liés par leurs jugemens préparatoires; qu'ils peuvent toujours revenir sur leurs pas, et qu'ainsi ces jugemens ne peuvent jamais causer de préjudice irréparable.

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Mais ces considérations qui ont déterminé la prohibition de l'art. 451 peuvent-elles s'appliquer au cas dont il s'agit? Non ċar le jugement qui décide que les causes ne seront pas jointes est irrévocable: il faut procéder d'après les erremens qu'il détermine; il faut enfin voir juger, séparément deux instances qui devaient peut-être, par leur nature, être décidées par un seul et même jugement (1). Si la partie intéressée n'avait pas le moyen d'attaquer la décision qui a rejeté sa demande en jonction, ou si elle ne pouvait en appeler qu'après le jugement définitif, il pourrait souvent résulter de là des inconvéniens graves et un préjudice irréparable, tandis que la faculté d'appeler n'en présente aucun, pas même celui que paraît redouter l'orateur du Gouvernement, les jugemens de cettte espèce n'étant pas assez communs pour qu'on puisse, à leur égard, redouter l'abus de l'appel.

Cependant les commentateurs paraissent divisés sur cette question: les uns regardent les jugemens qui ordonnent ou rejettent la jonction comme des décisions préparatoires ; d'autres leur prêtent un caractère et des effets définitifs, au moins sous certains rapports. « Ainsi, dit M. Demiau-Crouzilhac, pag. 325, un jugement qui ordonnerait la jonction des deux instances, et une instruction par écrit sur le tout quant au fond, serait plus que préparatoire quant à la jonction ordonnée, parce que la réunion des deux instances peut faire que l'une nuise à l'autre, par le retard qui pourrait résulter de l'instruction par écrit....... Ces circonstances sont des causes qui rendent l'appel légitime, souvent même nécessaire. »

On aurait pu ajouter que l'inconvénient n'est pas moins grave quand deux instances connexes sont disjointes et spumises à deux instructions et à deux jugemens différens et souvent contradictoires entre eux.

Mais M. Carré répond: « Nous ne croy ons pas que cette opinion doive être suivie: car, la distinction que la loi fait entre les jugemens préparatoires et interlocutoires étant fondée sur le

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(1) Connexité. C'est le rapport et la liaison qui se trouvent entre plusieurs affaires qui demandent à être décidées par un seul et même jugement. (Répertoire de jurisprudence.)

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préjugé du fond, on ne peut dire, dans les circonstances que M. Demiau-Crouzilhac suppose, que le tribunal ait préjugé le fond en aucune manière. Si la jonction, et l'instruction par écrit peuvent retarder la décision définitive, ce retard 'n'est pas une raison pour faire sortir le jugement qui les ordonne de la classe des préparatoires; d'ailleurs, il arriverait souvent que l'appel que l'on interjetterait de ce jugement éloignât cette décision beaucoup plus que la jonction ou l'instruction par écrit ne l'auraient fait. » Lois de la procédure, tom. 2, pag. 169.

Voici l'espèce dans laquelle cette question s'est présentée. Les enfans et héritiers de Jean-Pierre Soulier, décédé, avaient formé contre un dé leurs frères une demande à fin de compte et partage de différentes sommes qu'ils avaient reçues pour la succession, et dans lesquelles ils avaient chacun une part égale à la sienne. Cette demande était pendante devant le tribunal civil de Tournon, lorsque le frère poursuivi forma de son côté, devant le même tribunal, contre ses frères et sœurs, une demande en nullité d'une vente que la mère commune avait consentie à deux d'entre eux quelque temps avant sa mort, et en restitution de fruits. Il conclut en outre à ce que ses frères et sœurs fussent condamnés à représenter les meubles et effets délaissés par la défunte, et dont ils s'étaient emparés. En même temps il demanda la jonction des deux instances, et qu'il fût sursis à la reddition du compte exigé de lui dans l'instance en partage de la succession paternelle, jusqu'à ce qu'il eût été statué sur sa demande.

Les autres enfans Soulier s'opposèrent à la jonction des deux causes, attendu qu'elles n'avaient rien de connexe.

Le 24 juin 1818, jugement qui rejette la demande en jonction.

Appel. -Fin de non recevoir opposée à l'appelant. — Le jugement dont il s'agit ne préjuge rien sur le fond; il n'est que préparatoire, et l'art. 451 du Code de procédure ne permet pas d'en appeler avant le jugement définitif. Telle était la défense des intimés.

L'appelant a combattu leur système à l'aide d'une distinc tion qu'il a faite entre les jugemens qui accordent la jonetion des causes et ceux qui la refusent. Suivant lui, les premiers

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devaient être réputés préparatoires, parce qu'ils pouvaient être rétractés par les juges mêmes qui les avaient rendus, et qui avaient le droit de prononcer la disjonction; mais à l'égard des seconds, il soutenait qu'ils étaient définitifs, et par conséquent appelables, parce que leur disposition touchant le rejet de la "demande en jonction était absolue, et qu'il n'y avait d'autre moyen que l'appel pour en obtenir la réformation (1).

Les intimés ont répliqué que cette distinction était plus subtile que solide; qu'elle entraînerait, dans la pratique, les plus graves conséquences; que, si elle était admise en matière de jonction d'instances, elle devrait l'être aussi lorsqu'il s'agirait d'une mise en cause, d'une instruction par écrit, que le mier juge aurait refusé d'ordonner, puisque, dans ces différens cas, les jugemens seraient également définitifs.

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Du 8 janvier 1819, ARRÊT de la Cour d'appel de Nismes, MM. Esperandieu et Crivelli avocats, par lequel:

« LA COUR, - Sur les conclusions de M. Enjalric, avocatgénéral; — Attendu que le jugement du 24 juin dernier ne peut être considéré comme un jugement préparatoire, dans le sens de l'article 452 du Code de procédure civile; qu'il a au contraire tous les caractères d'un jugement définitif, puisqu'il a définitivement rejeté une demande en jonction de deux instances, et qu'il peut résulter de là, pour l'appelant, un préjudice qu'il ne serait plus au pouvoir des premiers juges de réparer; que la voie de l'appel a donc dû lui être ouverte, et que l'art. 451 du même Code est absolument inapplicable à l'espèce; Sans s'arrêter ni avoir égard à la fin de non recevoir opposée par les intimés, REÇOIT l'appel, etc. »

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COUR D'APPEL DE PARIS.

Depuis le Code civil, des père et mère, en dotant conjointe

(1) Nous n'admettons pas cette distinction. Pour être conséquent, il fau recevoir ou rejeter l'appel dans les deux hypothèses; d'ailleurs le jugement qui ordonne contradictoirement la jonction, quand il n'y a point de connexité, n'est pas moins préjudiciable que celui qui la rejette, quand il ya nécessité de joindre. A la vérité dans le premier cas le tribunal peut disjoindre, mais il peut aussi refuser la disjonction

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