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ment et chacun pour moitié leurs enfans, peuvent-ils leur imposer la condition alternative de laisser jouir le survivant des dotateurs DE TOUS LES BIENS du prédécédé, saNS POUVOIR LUI DEMANDER COMPTE NI PARTAGE, ou d'imputer, en cas de partage, la totalité de la dot sur la succession du prémourant ? (Rés. aff. ) Cod. civ., art. 791, 1999 et 1227. L'enfant doté sous cette condition n'est-il au moins tenu d'imputer sa dot sur la succession du père ou de la mère' prédécédé que jusqu'à concurrence de ses droits dans cette méme succession, et peut-il retenir l'excédant de la dot à valoir sur la succession du survivant ? ( Rés. aff.) Cod. civ., art. 815, 1097, 1099 et 1136.

LE SIEUR SCHENEIDER, C. LA DAME MAREUSE.

Du mariage des sieur et dame Mareuse sont nés trois enfans, une fille et deux garçons.

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Le 18 avril 1809, la demoiselle Mareuse a épousé le sieur Scheneider, notaire à Paris. Les père et mère de la future sont intervenus au contrat, et ont doté leur fille conjointement. et chacun pour moitié, dans les termes que voici: « En considération dudit futur mariage, M. et Mad. Mareuse donnent et constituent en dot à leur demoiselle, chacun par moitié, en avancement d'hoirie sur leurs futures successions, la somme de.... Au moyen de cette constitution dotale, les futurs époux se soumettent ou à laisser jouir le survivant des sieur et dame Mareuse, pendant sa vie, de tous les biens meubles et immeubles du prédécédé d'entre eux, sans pouvoir lui en demander compte ni partage, ou à souffrir, si lesdits comple et partage avaient lieu, que la totalité de cette dot soit imputée sur la succession du premier mourant. que semblable clause sera imposée par reuse, en dotant leurs autres enfans. »

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Mais il est convenu les sieur et dame Ma

Même clause est insérée dans le contrat de mariage du sieur Mareuse aîné, marié et doté, comme sa sœur, par ses père Le sieur Marcuse jeune 'a point été marié du

et mère.

vivant de son père, ni par conséquent doté.

Le 25 janvier 1815, le sieur Mareuse père est décédé, api ès

avoir fait un testament par lequel il léguait à sa femme toute

Tome XXI.

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la quotité disponible, laquelle devait se calculer, suivant volonté du testateur, non seulement d'après la valeur des bie existans dans sa succession, mais encore d'après l'importan des dots fournies à madame Scheneider et à Mareuse aîné lesquelles devaient être rapportés à cet effet.

Le 13 janvier 1817, le sieur Mareuse jeune, qui n'ava point été doté, et à qui ses père et mère n'avaient pas pu in poser la même condition qu'à leurs autres enfans, a dirig une demande en partage tant contre la veuve que contre se cohéritiers. Le 29 mai suivant, jugement qui ordonne 1 partage.

Lorsqu'il s'est agi de procéder aux opérations du partage madame veuve Mareuse a élevé différentes prétentions. Elle a soutenu d'abord que les enfans dotés devaient rapporter leur dots, à l'effet de fixer et par suite d'augmenter la quotité disponible qui lui avait été léguée par son mari. Elle a prétendu ensuite qu'elle devait être affranchie de toute contribution aus dots fournies à madame Scheneider et au sieur Mareuse fils aîné, et qu'aux termes de la clause alternative stipulée par leurs contrats de mariage, ces derniers étaient tenus d'imputer la totalité de leur dot sur la succession du père, qui était censé avoir seul doté. (1)

Tous les enfans se sont réunis pour combattre la première partie du système de la dame Mareuse. Ils ont soutenu qu'aux termes de l'art. 857 du Code civil, le rapport n'est dû qu'aux héritiers, et jamais aux légataires. La seconde partie du système mis en avant par la veuve était également combattue, mais par les enfans dotés seulement. Ils soutenaient que la condition alternative qui leur avait été imposée par leur Contrat de mariage était nulle, aux termes du Code civil, en ce qu'elle constituait un véritable traité sur une succession non ouverte ; que, dès lors, ayant été dotés pour moitié par leurs

(1) Madame Mareuse avait un grand intérêt à soutenir cette thèse, parce que, dans ce système, nou seulement elle se trouvait déchargée de toute contribution aux dots, mais elle avait encore droit à une indemnité ou récompense proportionnée à l'importance des dots qui avaient été fournies des deniers de la communauté.

père et mère, ils ne devaient imputer que la moitié de leur dot sur la succession du prédécédé.

Du 14 janvier 1818, jugement du tribunal civil de la Seine, conçu en ces termes :

En ce qui concerne la clause du testament du sieur Mareuse père, par laquelle il impose à ses enfans l'obligation de rapporter leurs dots à la masse pour la fixation du legs par lui fait à son épouse, attendu que le rapport n'est dû que par le cohéritier à son cohéritier, et n'est pas dû au légataire ;En ce qui touche le chef de demande relatif à l'imputation des dots des enfans Mareuse sur la succession de leur père prédécédé, attendu que les sieur et dame Mareuse, en dotant deux de leurs enfaus, ont stipulé que le survivant d'eux (sieur et dame Mareuse) jouirait pendant sa vie de tous les biens meubles et immeubles du prédécédé, sans qu'il puisse lui en être demandé compte ni partage, et que, dans le cas où lesdits compte et partage auraient lieu, la totalité des dots serait imputée sur la succession du premier mourant, condition acceptée par les enfans dotés; Attendu qu'il résulte des dispositions des art. 1458 et 1439 du Code civil que la dot peut étre constituée soit par le père et la mère conjointement, et par portions égales, soit par l'un des époux, pour la totalité; qu'ainsi les sieur et dame Mareuse ont pu laisser en suspens la question de savoir par qui la dot serait fournie, et en subordonner la décision à l'événement de la demande en partage; que cette condition alternative de laisser jouir le survivant sans lui demander compte ni partage, ou de consentir, en tas de partage, l'imputation de la dot sur la succession du prémouraut, n'est point une stipulation sur une succession future, ni une aliénation des droits éventuels de l'enfant doté à une pareille succession, puisqu'en veuant, au partage il conserve, tous ses droits dans la succession du prémourant, et n'altère en rien ceux qu'il peut avoir sur la succession da survivant; Attendu que le partage est provoqué;— Le tribunal ordonne que, lors des opérations de compte, liquidation et partage prescrits par le jugement du 3 mai 1817, les dots constituées à la demoiselle Mareuse, femme Scheneider, et à l'un des enfans Mareuse, seront imputées en totalité sur la

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portion à eux revenante dans la succession du sieur Mareuse père; Déboute la dame Mareuse de sa demande à fin de rapport des dots à la masse, pour la fixation de son legs, etc. »

M. Scheneider, devenu veuf et agissant dans l'intérêt de son fils mineur, a'cru devoir interjeter appel de ce jugement, et la critiqué sous un double rapport.

Suivant lui, la condition imposée aux enfans dotés par leur contrat de mariage était inconciliable avec les principes consacrés par le Code civil. Dans tous les cas, l'imputation des dots n'aurait dû être ordonnée que jusqu'à concurrence des droits de l'enfant dans la succession du père, et non pas en totalité, comme paraît l'avoir décidé le tribunal civil.

Ces deux propositions exigent, à raison de leur importance., quelques développemens.

M. Bourgois, avocat de l'appelant, disait : La clause alternative dont il s'agit était valable sous l'empire de la Coutume de Paris; mais elle a cessé de l'être depuis la promulgation du Code civil. Sous la Coutume de Paris, des 'époux ayant enfans ne pouvaient se faire aucun avantage "pendant le mariage, et même le don mutuel stipulé par contrat de mariage était révoqué par la survenance d'un enfant. Mais, pour modifier cette rigueur du droit, et pour encourager les père et mère à doter, l'article 281 permet'tait aux époux de se faire une sorte d'avantage indirect en mariant leurs enfans, au moyen de la réserve qu'ils pouvaient faire au profit du survivant de la jouissance des meubles et conquêts du prédécédé; encore cette disposition était-elle révoquée dans certains cas, notamment dans le cas de convol (1).

Quoi qu'il en soit, cette clause était fort usitée dans les contrats de mariage reçus à Paris, et l'on en sent la raison : les parens y trouvaient un avantage qu'ils ne pouvaient se faire d'aucune autre manière; les enfans y trouvaient aussi leur compte, puisqu'ils obtenaient une dot que les père et mère

(1) Père et mère mariant leurs enfans peuvent convenir que leursdits enfans laisseront jouir le survivant de leursdits père et mère des meubles et conquêts du prédécédé, sa vie durant, pourvu qu'il ne se remarie; et n'est réputé tel accord ayantage entre les conjoints. (Art. 281,)

n'étaient pas obligés de leur donner. Mais cette clause, d'aiileurs exorbitante du droit commun, et particulière au ressort de la Couture de Paris, ne laissait pas que de faire naître de grandes difficultés, et toujours elle a été une source intarissable de procès. Cette clause, valable lorsque la même condition avait été imposée à tous les enfans, cessait-elle de l'être dans le cas contraire? Telle était la première difficulté qui en découlait. Après bien des controverses, les auteurs se sont néanmoins réunis pour convenir que la clause devait rester sans effet, lorsque les enfans n'avaient pas tous été mariés et dotés avec la même clause; mais, dans ce cas, comment se fera l'imputation? Se fera-t-elle seulement jusqu'à concurrence de moitié de la dot, comme le soutiennent Lemaistre, Duplessis, Ferrière, et autres auteurs? Se fera-t-elle au contraire pour la totalité, comme le prétend Pothier? Enfin, dans le cas où la dot a été fournie des deniers de la communauté, est-il dû une indemnité à l'époux survivant? Telles étaient les difficultés sans nombre que faisait naître la clause alternative dont il s'agit, difficultés qui ont été diversement résolues par les auteurs et la jurisprudence. D'après cela est-il possible de supposer que le Code civil, dont l'objet principal a été de ramener la législation à des élémens simples, à des règles uniformes, ait entendu autoriser une disposition aussi compliquée, aussi contraire aux principes du droit commun? Non, sans doute; il est impossible d'admettre une pareille hypothèse.

Et d'abord, il faut remarquer que le motif qui a fait recevoir la clause sous la Coutume de Paris ne subsiste plus depuis le Code civil. La Coutume n'avait consacré la clause que parce qu'elle interdisait toute autre libéralité entre époux. Aujourd'hui le Code civil leur laisse la plus grande latitude : les époux peuvent, par contrat de mariage ou durant le mariage, par actes entre vifs ou par testament', se faire tous les avantages possibles, sauf la réduction à la quotité disponible. Ainsi la convention autorisée par l'art. 281 de la Coutume n'aurait plus d'objet; elle ne serait plus qu'un surcroît d'avantage, qu'un moyen indirect de se donner au delà de la quotité permise, ce qui arrivera toutes les fois que des père et mère fort riches donucront à leurs enfans une dot très-modique, sous

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