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COUR DE CASSATION.

Un tribunal peut-il ordonner une information sur le délit imputé à un agent du Gouvernement dans l'exercice de ses fonctions, avant toute autorisation de poursuivre ? (Rés. aff.) Const. du 22 frim. an 8, art. 75; déc. du 9 août 1806, art. 3.

Cette information peut-elle avoir lieu, nonobstant un refus du préfet d'autoriser, lorsqu'il y a déclaration de recours au conseil d'Etat ? (Rés. aff. ) Ibid.

Le tribunal saisi d'une plainte en calomnie peut-il provoquer l'action du Ministère public sur le fait imputé à celu qui se prétend calomnié ? ( Rés. aff.) Cod. d'instr. crim., art. 235.

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COCHENET, C. LEGENDRE.

La constitution du 22 frimaire an 8 porte, art. 75, que « les agens du Gouvernement, autres que les ministres, ne peuvent être poursuivis pour des dé'its relatifs à leurs fonctions, qu'en vertu d'une décision du conseil d'Etat ».

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Cette disposition, suivant l'art. 5 du décret du 9 août 1806, « ne fait point obstacle à ce que les magistrats chargés de la poursuite des délits informent et recueillent tous les renseignemens relatifs aux délits commis par les agens du Gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions ; mais il ne peut être, en ce cas, décerné aucun mandat ni subi aucun interrogatoire juridique, sans l'autorisation préalable du Gouver

nement ».

Ces lois n'ont pas cessé d'être en vigueur; l'art. 68 de la Charte constitutionnelle déclare maintenir toutes les lois existantes auxquelles il n'a pas été légalement dérogé. — La Cour régulatrice vient d'en faire l'application dans l'espèce suivante. Un sieur Legendre, propriétaire à Romague, département de la Meuse, dénonça au préfet de ce département, pour cause de concussion, le sieur Cochenet, percepteur des contributions de la commune; if demanda l'autorisation de le mettre en ju¬ gement pour les faits consignés dans sa plainte.

Par arrêté du 11 juillet 1818, M. le préfet de la Meuse déelara faux les faits avancés: en conséquence il refusa d'accorder l'autorisation de poursuivre.

Muni de cet arrêt, le sieur Cochenet porta plainte en caJomute contre Legendre devant le tribunal de police correctionnelle de Montmédy. Alors le sieur Legendre déclara qu'il était dans l'intention de se pourvoir devant le conseil d'Etat contre l'arrêté du préfet portant refus d'autorisation de poursuivre ; il adressa aussi une nouvelle dénonciation des mêmes faits de concussion à M. le procureur-général de la Cour royale, et demanda devant le tribunal de Montmédy qu'il fût sursis au jugement de la plainte en calomnie dirigée contre lui jusqu'à ce qu'il eût été statué sur l'autorisation de mettre en jugement le sieur Cochenet.

Le tribunal de Montmédy rejeta cette demande en sursis. Sur l'appel, elle fut accueillie. Un jugement du tribunal de SaintMihiel, du 29 avril 1819, ordonna au procureur du Poi et au juge d'instruction d'informer sur la dénociation da sieur Legendre, et de transmettre cette information à Mgr le garde des scéaux, ministre de la justice, pour provoquer l'autorisation de poursuivre ; le même jugement surseoit à statuer sur la plainte en calomnie jusqu'à ce qu'il ait été prononcé par le conseil d'Etat.

Ainsi le tribunal de Saint-Mihiel ordonne une information snr les faits de concussion attribués au sieur Cochenet, saus décerner contre lui aucun mandat d'amener, et sans lui faire subir aucun interrogatoire juridique.

Néanmoins le sieur Cochenet a déféré cette décision à la censure de la Cour suprême. Ila prétendu 1o que, d'après l'art. 75 de la constitution du 22 frimaire an 8, l'autorisation du conseil d'État pour poursuivre un agent du Gouvernement devait être demandée et obtenue avant tout commencement de poursuites; que l'objet principal de cette disposition était d'empêcher des discussions judiciaires sur des matières qu'il pouvait être dans l'intérêt public de tenir secrètes, et que le but de la loi serait manqué s'il était permis d'informer avant l'autorisation du conseil d'État; 2o Que le tribunal de Saint-Milliel avait commis un excès de pouvoir cu ordonnant d'informer, tandis qu'il

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existait un arrêté du préfet de la Meuse qui refusait l'autorisation de poursuivre, qui n'avait point été attaqué par voie de recours au conseil d'État que la simple déclaration du sieur Legendre qu'il voulait se pourvoir n'était pas suffi sante pour méconnaître cet arrêté et poursuivre le sieur Cochenet, au mépris des dispositions prohibitives qu'il contenait; 3. Que le tribunal saisi d'une plainte en calomnie m pouvait, sans donner ouverture à la cassation, en statuant sur un incident relatif à cette plainte, enjoiudre au Ministère public et au juge d'instruction d'informer sur le fait imputé à celui qui se prétend calomnié ; que la loi, par des raisons également sages et puissantes, avait refusé aux tribunaux de provoquer l'action du Ministère public; qu'il n'était qu'une seule exception à cette règle, exception consignée dans l'art. 235 du Code d'instruction criminelle, et qui prévoit un cas tout-à-fait différent de l'espèce présente.

Du 24 juin 1819, ARRÊT de la section criminelle, M Barris président, M. Giraud-Duplessis rapporteur, MM. Odillon-Barrot avocat, par lequel:

• LA COUR, - Sur les conclusions de M. Fréteau-de-Pény, avocat-général, et après qu'il en a été délibéré en la chambre du conseil ; Attendu, sur le premier moyen de cassation proposé par le demandeur, que, d'après l'art. 3 du décret du 9 août 1806, la disposition de l'art. 75 de la loi du 22 frimaire an 8 ne fait point obstacle à ce que les magistrats chargés de la poursuite des délits iuforment et recueillent tout renseignement sur les délits commis par les agens du Gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions; que seulement il ne peat être, dans ce cas, décerné aucun mandat ni subi aucun interrogatoire juridique sans l'autorisation préalable du Gouvernement; que, dans l'espèce, il n'y a eu ni mandat décerné ni interrogatoire subi par le demandeur; Attendu, sur le second moyen, que les arrêtés des préfets qui accordent on refusent l'autorisation de poursuivre des agens du Gouvernement, suivant le pouvoir qui a été conféré à ces fonctionnaires par différens décrets, peuvent être attaqués par voie de recours devant le conseil d'Etat, et y être réformés sur la poursuite des parties intéressées ; que, dans l'espèce, il est constaté

par le jugement contre lequel est dirigé le pourvoi en cassation que, devant le tribunal qui l'a rendu, le sieur Legendre, sur la poursuite en dénonciation calomnieuse formée contre lui, a déclaré vouloir se pourvoir devant le conseil d'Etat contre l'arrêté du préfet du département de la Meuse, du 11 juillet 1818, que le demandeur, percepteur des contributions directes, soutenait renfermer le refus d'autorisation de poursuivre contre lui sur les faits dénoncés par ledit Legendre, et qu'il opposait comme exception préjudicielle à toute poursuite de ces faits et au sursis de l'art. 372 du Code pénal; que, dans cet état de choses, le tribunal de Saint-Mihiel n'a point excédé ses pouvoirs ni violé aucune loi en ordonnant que, sur les faits dénoncés par ledit Legendre contre le demandeur, il serait informé, à la requête du Ministère public, sans que néanmoins il pût être décerné contre lui aucun mandat jusqu'à autorisation de l'autorité compétente; que l'information ordonnće par ce tribunal pouvait devenir un moyen d'instruction nécessaire à la délibération du conseil d'Etat, devant lequel Legendre avait déclaré se pourvoir; que d'ailleurs cette information pouvait être faite, d'après le décret du 9 août 1806, avant toute autorisation; qu'elle pouvait donc être ordonnée nonobstant un refus d'autorisation qui pouvait être annulé, et contre lequel il y avait déclaration de recours; qu'enfin, l'art. 75 de l'acte du 22 frimaire an 8 n'établit pas un privilége en faveur des agens du Gouvernement, mais une garantie d'ordre public, pour que l'action du Gouvernement ne puisse pas être arrêtée ou suspendue; que des informations sur des faits de prévention ne distraient point les agens du Gouvernement de leurs fonctions, et que c'est sous ce rapport qu'il peut y être procédé, d'après le décret du 9 août 1806, avant toute autorisation; Attendu, sur le troisième moyen, que le tribunal de Saint-Mihiel, étant saisi de la plainte en calomnie du demaudeur, a pu, saus donner ouverture à cassation, ordonner, sur un incident aux poursuites relatives à cette plainte, les dis positions sur lesquelles ce moyen est fdondé;- Attendu enfin la régularité du jugement attaqué dans saforme, RE

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COUR DE CASSATION.

rsque l'accusé ést inculpé, dans le cours des débats, d'un fait nouveau qui n'a aucune connexité avec celui pour lequel il est traduit devant la Cour d'assises, le nouveau fait peut-il être soumis au jury, après qu'il a déclaré l'accusé NON COUPABLE du premier fait? (Rés. nég.) Cod. d'inst. crim., art, 361.

1 nullité résultante de cette infraction à la loi peut-elle étre couverte par le consentement de l'accusé à la position de la question sur le nouveau fait? ( Rés. nég.) Ibid.

JOSEPH GIRard.

Joseph Girard avait été traduit devant la Cour d'assises du partement du Calvados, comme accusé de complicité du ime de banqueroute frauduleuse. - Deux questions avaient é posées : l'une sur le fait qui était l'objet de l'accusation; utre sur un fait qui était résulté des débats, mais qui étaït tièrement étranger au crime dénoncé.

L'accusé avait été déclaré non coupable sur le premier fait, upable sur le second.

Le président n'avait point prononcé son acquittement, 1oiqu'il fût légalement déclaré non coupable du fait criminel entionné dans l'acte d'accusation; et parce qu'il était déaré coupable du fait correctionnel sorti des débats, la Cour assises avait prononcé contre lui des peines d'emprisonneent et d'amende.

La condamnation de Girard, ainsi que la question posée ar le président et la réponse du jury, qui lui ont servi de ase, ont été annulées par les motifs exprimés dans l'arrêt ont la teneur suit.

Du 24 juin 1819, ARRÊT de la section criminelle, M. Barris résident, M. Aumont rapporteur, par lequel:

« LA COUR, Sur les conclusions de M. Hua, avocat-gééral; Vu l'art. 358 du Code d'instruction criminelle, § 1, ortant: Lorsque l'accusé aura été déclaré non coupable," le président prononcera qu'il est acquitté de l'accusation, et ordonnera qu'il soit mis en liberté, s'il n'est retenu pour Tome XXI.

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