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contradictoires, puisque, après avoir dit le 15 juin qu'il demeu rait à Versailles, il déclare, dans le contrat de vente passé le 23 du même mois, qu'il est domicilié à Paris. Elles étaient démenties par sa propre conduite : car plusieurs actes produits dans la cause établissent que Boutier n'a jamais quitté Paris ; qu'une foule d'exploits lui ont été signifiés à Paris, parlant à sa personne, rue de Grenelle, sans qu'il ait jamais réclamé contre cette indication (1). Or il résulte de tout ceci que les déclarations contradictoires des 15 et 20 juin n'ont eu d'autre objet que d'embarrasser le créancier qui voudrait surenchérir, que d'éluder une surenchère que Boutier redoutait avec raison. En effet ne voit-on pas que la vente du 20 juin 1818 est sîmulée; que Feasse n'est qu'un prête-nom, et que l'unique objet du vendeur a été de soustraire une partie du gage sur lequel reposait l'unique espoir de ses créanciers? Comment en effet imaginer que Boutier, qui avait acquis la maison dont il s'agit moyennant 25,000 francs, à l'époque de la plus grande dépréciation des immeubles situés à Versailles, eût consenti, en 1818, à vendre cette maison pour une misérable somme de 8,000 francs? Comment concevoir que Feasse ait payé sou prix comptant, lorsque l'acquéreur le moins exercé n'ignore pas qu'il doit, avant de payer, purger les hypothèques, et remplir à cet effet les formalités voulues par la loi? Enfin, comment ne pas reconnaître la fraude, lorsqu'on voit Boutier intervenir en première instance, pour demander la nullité d'une surenchère qu'il était au contraire de son intérêt de défendre et de justifier?

Passant ensuite au troisième moyen de nullité, résultant de l'insuffisance de la caution, l'avocat des intimés disait : « Saus doute la loi a voulu que la surenchère ne fût pas un jeu, qu'elle ne devînt pas dans les mains d'un créancier insolvable un moyen de tourmenter gratuitement l'acquéreur: c'est pour cela qu'elle exige une caution. Mais le mérite, la solvabilité de cette caution ne sont pas subordonnés à des chiffres, à des

(1) Effectivement on produisait dans la cause plusieurs exploits reçus Boutier lui-même à ce domicile, sans aucune réclamation de sa

par

part.

alculs purement mathématiques : c'est à la justice qu'il apparent de juger, dans sa sagesse, du plus ou moins de solvabité de la caution. Dans l'espèce, celle offerte par les époux jeaucervoise présente toutes les garanties qu'on peut désirer. Yest un homme bien établi, possesseur de plusieurs immeules à Paris, et qui, indépendamment de ces sûretés morales, spécialement affecté au cautionnement une maison qui, du propre aveu des adversaires, produit au moins un revenu de 400 fr. En voilà sans doute plus qu'il n'en faut pour garantir que la surenchère ne sera pas illusoire. Mais ce n'est point assez cette maison, dont l'appelant réduit arbitrairement le revenu à une somme modique, vaut le double du prix auquel on juge à propos de la porter. Or il est évident que, s'il pouvait rester à la justice le moindre doute sur la valeur de l'immeuble, le seul moyen de sortir d'affaire serait d'ordonner l'expertise. La loi n'a pas entendu réduire le créancier à l'impossible; et si l'on conteste la valeur de l'immeuble servant à la garantie de sa surenchère, il faut bien l'admettre à prouver qu'il est à cet égard dans les termes de la loi, et que la sûreté offerte est suffisante.

Du 18 juillet 1819, ARRÊT de la Cour d'appel de Paris, deuxième chambre, M. Agier président, MM. Parquin et Bourgois avocats, par lequel:

« LA COUR,

Adoptant les motifs des premiers juges, MET l'appellation au néant, avec amende et dépens.

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COUR D'APPEL DE ROUEN.

Dans le cas de faillite de l'acheteur, survenue avant l'arrivée des marchandises et leur entrée dans ses magasins, le vendeur à qui le prix en est dû peut-il les revendiquer, malgré la revente qui en a été faite à un tiers, si cette revente a

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17.

eu lieu sur simples connaissemens? ( Rés. aff. ) God. de comm,, art. 577. et 578.

HÉLIOT, C. ROUT ET COMPAGNIE.

Peu de jours après la faillite du sieur Tillard, des marchandises qui lui avaient été précédemment vendues, mais qui

n'étaient pas encore entrées dans ses magasins, furent revendiquées par les sieurs Rout et compagnie, vendeurs. — Le sieur Héliot s'opposa à la revendication; il produisit un acte qui établissait que les marchandises, étant en route, lui avaient été revendues sur connaissement. Les sieurs Rout et compagnie répliquèrent qu'aux termes de l'article 578 du Code de commerce, la revente des marchandises ne pouvait empêcher la revendication qu'autant qu'elle était faite sur factures et connaissemens, ou lettres de voiture.

Le 23 juin 1819, jugement du tribunal de commerce de Rouen, qui, sans avoir égard à la vente faite au sieur Héliot, attendu qu'elle n'était pas conforme aux dispositions de l'article 578 du Code de commerce, décharge les sieurs Rout et compagnie de l'action de ce dernier, et les autorise à se faire délivrer les marchandises.

la

Appel du sieur Héliot. Il a soutenu qu'il suffisait que revente fût faite sur connaissement, pour qu'elle empêchât la revendication. Eu effet, disait-il, quelle est la nature des deux titres dont on exige le concours à peine de nullité de la revente quoique l'art. 578 ne prononce pas cette nullité? La facture établit le compte entre le vendeur et le premier acheteur; et le connaissement ou la lettre de voiture est le titre qui oblige le capitaine de navire ou le voiturier à remettre la marchandise au porteur de cette pièce. On conçoit, d'après cela, comme le pense M. Pardessus, qu'une vente sur seule facture ne serait pas suffisante (1), parce que le connaissement complète la tradition feințe, nécessaire pour empêcher la revendication. Mais il n'en est pas de même de la vente faite sur connaissement; dans ce cas, l'existence de la facture résulte de la remise du connaissement; cette dernière pièce, établissant la tradition de la marchandise au premier acheteur, prouve sulfisamment que la propriété lui en a été précédemment transmise, et dès lors le vœu de l'article 578 est rempli. D'ailleurs, dans l'espèce, la vente a eu lieu dans le fait sur connaissement et sur facture; et si l'acte n'énonce pas la facture, c'est une

(1) Cours de droit commercial, tom. 4, pag. 494. C'est ce qu'a jugé un arrêt de la Cour d'appel de Liége, du 26 juillet 1810, tom. 11, p. 741.

sion qui ne peut influer sur la validité de la vente, puisque ears Rout, ayant eux-mêmes expédié la facture et le consement, n'ignorent point que les parties se sont exacle₺ conformées à la disposition de fart. 578.

□ 20 juillet 1819, ARRÊT de la Cour royale de Rouen, prere chambre, M. Eude président, MM. Thil et Malherbe cats, par lequel:

LA COUR,

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Sur les conclusions de M. Brière, avocatral; Attendu qu'il est établi au procès que Rout et comuie étaient, au respect de Tillard, les véritables vendeurs dix pièces d'eau-de-vie qui sont l'objet de la contestation. ue le prix leur en est encore dû ; Attendu que Rout et pagnie ont formé la revendication pendant que la marndise était en route et avant qu'elle fût entrée dans aucun gasin; qu'ainsi elle est légale et parfaitement conforme aux ositions des articles 576 et 577 du Code de commerce ; endu qu'une semblable revendication ne pourrait être rtée que par une revente faite dans les termes de l'art. 578; Attendu que le marché représenté par Héliot énonce bien il a été fait sur connaissement, mais que rien n'établit qu'il t été également sur facture; que le concours de ces deux ditions est impérativement exigé par l'art. 578, et qu'en état, il ne peut être opposé au vendeur originaire ; vu d'ailrs que, contre les usages du commerce, Héliot a réglé et yé en ses effets les dix pièces d'esprit eu question avant leur ivée, et par conséquent lorsqu'elles étaient exposées aux ques de la navigation, et surtout lorsqu'il était impossible savoir si elles avaient le titre et la qualité déclarés par son ndeur; MET l'appellation au néant, avec amende et dé

DS.

COUR DE CASSATION.

n marchand commissionnaire peut-il porter devant le tribunal de son domicile les contestations relatives aux achats par lui faits à titre de commission, lorsque le mandat d'acheter lui a été donné par lettres à son domicile, et que l'envoi des marchandises a été fait de ce domicile? (Rés. aff.) God. de proc., art. 420.

1

LEOBET, C. VALIN.

Les sieurs Valin et compagnie, marchands commission naires à Tours, reçoivent, au mois d'août 1815, plusieur lettres du sieur Leobet, négociant à Perpignan, par lesquel les celui-ci les priait de lui envoyer une certaine quantité marchandises déterminées.

En réponse à cette demande, les sieurs Vallin et compagui écrivent et reçoivent plusieurs lettres explicatives de l'acha qu'ils étaient chargés de faire. Ils expédient à Perpignan le marchandises, et se prévalent du montant par traites sur l sieur Leobet. Celui-ci refuse de recevoir les marchandises expédiées et d'acquitter les lettres de change; il pretend que ses ordres n'ont été suivis ni pour le poids, ni pour le prix ni pour le lieu où elles devaient être adressées.

Alors les sieurs Valin et compagnie le font assigner en paie ment, devant le tribunal de commerce de Tours. -Léobet décline ce tribunal, attendu que la ville de Tours n'était ni le lieu où la promesse avait été faite, ni celui où les marchandises avaient été délivrées : en conséquence il conclut à être renvoyé devant le tribunal de Perpignan, lieu de son do

micile.

* "Le 12 juin 1816, jugement qui rejette l'exception déclina

toire.

4

Appel de la part du sieur Leobet; il dit: L'art. 420 du Code de procédure dispose que le demandeur, en matière de commerce, pourra assigner à son choix, devant le tribunal du domicile du défendeur, ou devant celui dans l'arrondissement duquel la promesse a été faite et la marchandise livrée, ou bien devant celui dans l'arrondissement duquel le paiement devait être effectué. — Dans l'espèce, le paiement devait être effectué au domicile du sieur Leobet, puisque la convention des parties ne désignait pas d'autre lieu. C'était à Perpignan que la convention des parties avait été rendue définitive, car elles n'avaient été liées que lorsque leur consentement réciproque avait été connu l'une de l'autre. Or c'était à Perpignan que le sieur Leobet avait donné l'ordre d'acheter les marchandises, qu'il avait reçu l'acceptation du mandat par la maison

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