Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

COUR DE CASSATION.

Une Cour royale, saisie de l'appel d'une ordonnance de référé, peu.-elle, en l'annulant pour cause d'incompétence, statuer au principal, sans violer les deux degrés de juridiction? (Rés, afl.) Cod. de proc., art. 473.

DE VILLEBRUNE, C. TALON.

Cette décision est conforme à un arrêt du 23 janvier 1811, émané de la section civile. Il n'en était pas de même sous l'empire de la loi de 1790, qui réservait expressément aux parties les deux degrés de juridiction, dans les matières qu'elle en déclarait susceptibles. Mais le Code de procédure a dû apporter un changement à la jurisprudence, puisque, après avoir dit (art. 475), relativement à l'appel d'un jugement interlocutoire, « que, si le jugement est infirmé, et que la matière soit disposée à recevoir une décision définitive, les Cours. pourrout statuer en même temps sur le fond définitivement par un seul et même jugement », il ajoute : « Il en sera de même dans les cas où les cours ou autres tribunaux d'appel infirmeraient, soit pour vices de forme, soit pour toute autre cause, des jugemens définitifs. » Ces dernières expressions de l'art. 473 ne comportent aucune exception. - Voy. ce recueil, tom. 12, pag. 54.

Voici le fait. Par exploit du 24 janvier 1818, le sieur Lefebvre de Villebrune fait faire au sieur Talon, son fermier, commandement de lui payer une somme de 800 fr. les causes y portées, ainsi que ce dernier y était obligé par son bail.

pour

Talon forme opposition à ce commandement, et assigne en référé. Sur quoi intervient, le 30 janvier, une ordonnance de M. le président du tribunal civil de Rouen, qui dit à bonne cause le référé et à tort le commandement.

pas

Appel par le sieur de Villebrune, qui soutient l'ordonnance incompétemment rendue, parce que la cause n'était de nature à être jugée par un seul juge; et, au fond, il conclut an mal-jugé.

Le 23 juin 1818, arrêt de la Cour royale qui annulle l'or

donnance de référé pour cause d'incompétence, et qui, attendu que Lefebvre de Villebrune a plaidé au principal, et que la cause a reçu de sa part toute l'instruction dont elle est susceptible, rend au fond un arrêt conforme à l'ordonnance annulée.

475

Pourvoi du sieur de Villebrune, pour violation de la règle des deux degrés de juridiction et fansse application de l'art. du Code de procédure ci-dessus rappelé. Le demandeur soutenait que l'art. 475 n'était pas applicable au cas d'annulation pour incompétence ratione materiæ; qu'il ne dérogeait pas à la loi de 1790 ni aux articles précédens du Code qui consacraient la règle des deux degrés de juridiction; que, s'il autorisait les tribunaux d'appel à évoquer, c'est parce qu'il supposait les juges de première instance légalement saisis, et non des juges incompétens. Et d'ailleurs, ajoutait-il, il n'y avait pas dans l'espèce de véritable jugement, puisque des juges incompétens à raison de la matière ne sont plus des juges, mais de simples particuliers, sans droit ni qualité pour rendre une décision judiciaire.

La réponse à ces argumens se trouvé dans la seconde disposition de l'art. 475, c'est-à-dire dans ces termes génériques, soit pour toute autre cause.

Le 24 août 1819, ARRÊT de la section des requêtes, M. Làsaudade président d'âge, M. Borel de Bretizel rapporteur, M. Buchot avocat, par lequel:

[ocr errors]

« LA COUR, Sur les conclusions de M. Jourde, avocatgénéral; -- Sur le premier moyen, résultant d'ane prétendue fausse application de l'art. 473 du Code de procédure et violation de la loi du 1er mai 1790, et autres relatives à l'observation des deux degrés de juridiction; Attendu que, dans tous les cas, lorsque la matière est disposée à recevoir une décision définitive, les juges d'appel peuvent statuer définitivement;

[ocr errors]

Attendu que l'arrêt attaqué constate que le demandeur en cassation a plaidé au principal, et que la cause à reçu de sa part toute l'instruction dont elle était susceptible; qu'ainsi l'incompétence même des premiers juges n'a pu empêcher la Cour d'appel de statuer elle-même, lorsquelle n'excédait pas les limites de sa compétence, détermi

[ocr errors]

née par l'action introductive d'instance : d'où il résulte qu'il a été fait une juste application de l'art. 473 du Code de procédure civile, lequel contient une exception aux autres lois invoquées; REJETTE.

COUR DE CASSATION.

La voie de la requête civile est-elle ouverte contre les jugemens en dernier ressort émanés des tribunaux de commerce? (Rés. aff.) Cod. de proc. civ., art. 480. En cas d'affirmative, le tribunal de commerce qui a rendu le jugement attaqué est-il compétent pour en connaûre? (Rés. aff.) Cod. de proc., art. 490.

DEHAY, C. FAILLE-DELABRE.

Un arrêt de la Cour d'appel de Poitiers, rendu le 19 janvier 1818, a décidé que la requête civile n'était point admissible contre les jugemens consulaires. Pour le juger ainsi, cette Cour a considéré « que l'art. 480 du Code de procédure n'est applicable qu'aux jugemens qu'il indique, c'est-à-dire aux jugemens rendus par les tribunaux de première instance et d'appel, et qu'on ne peut l'appliquer aux jugemens des tribunaux de commerce, puisque les art. 492, 498 et 500 du Code précité indiquent des formes qui ne peuvent être suivies devant les tribunaux de commerce, où il n'y a point d'avoués, point de Ministère public, et qui ne peuvent point prononcer d'amende ; Que, si le législateur avait entendu confondre dans l'art. 480 les tribunaux de commerce avec les tribunaux de première instance et d'appel, il s'en serait expliqué, et que, ne l'ayant pas fait, il en résulte qu'il faut distinguer avec lui entre ces tribunaux; Que l'art. 1026 du même Code vient encore à l'appui de cette distinction, puisqu'en permettant la requête civile contre les jugemens' arbitraux, dans les délais, les formes et les cas désignés pour les jugemens des tribunaux ordinaires, il ordonne que cette requête sera portée devant le tribunal qui eût été compétent pour connaître de l'appel d'où il résulte que la requête civile ne peut être présentée que contre un jugement du tribunal de première in

-

stance ou d'appel, et non contre des jugemens des tribunaux de commerce, qui ne sont que des tribunaux d'exception, et qui ne peuvent pas même connaître de l'exécution de leurs jugemens (1). » Tels sont les motifs qui ont déterminé la Cour royale de Poitiers; mais quelque spécieux qu'ils puissent paraître, on ne doit point y avoir égard, en ce qu'ils semblent en opposition avec les principes et la jurisprudence constante des arrêts. En effet, les considérations et les moyens sur lesquels repose l'admission de la requête civile conviennent aux jugemens des tribunaux de commerce comme aux jugemens rendus par les tribunaux ordinaires ; et si un jugement en dernier ressort d'un tribunal de première instance est susceptible de la requête civile, parce qu'il a été rendu sur pièce fausse par exemple, on ne voit pas la raison de proscrire le moyen de la requête civile contre un jugement consulaire entaché du même vice; si la partie condamnée consulairement l'a été par l'effet du dol de l'autre partie, on ne voit pas pourquoi la justice serait sourde à la réclamation de celle qui a été victime du dol, et lui refuserait le seul moyen de faire rétracter une condamnation injuste, tandis qu'elle viendrait à son secours si elle eût été condamnée civilement. Les tribunaux de commerce sont des tribunaux de première instance, et se trouvent nécessairement compris dans la dénomination générique de l'article 480 du Code de procédure civile, qui permet de rétracter sur requête civile les jugemens en dernier ressort de tous les tribunaux de première instance sans distinction. C'est ce qui a été jugé par un arrêt de la Cour de Bruxelles, du 23 janvier 1812 (2). C'est encore ce que nous avons vu juger depuis à la troisième chambre de la Cour royale de Paris, par arrêt dú 28 décembre 1819 (3).

(1) Cet arrêt confirmatif d'un jugement du tribunal de commerce de Saintes a été rendu entre Martin et Bernard. Comme la question de droit a été jugée seule et dégagée de toutes circonstances, de plus longs détails seraient inutiles : il suffit de dire que l'arrêt a été rapporté textuellement.

(2) Voy. ce Journal, tom. 13, pag. 83.

(3) Cet arrêt, rendu entre Guillermin, Antoine Benoist, etc., a confirmé un jugement du tribunal de commerce qui avait admis la requête civile.

Ces deux décisions se trouvent d'accord avec l'arrêt de la Cour de cassation intervenu dans l'espèce suivante. (1)

1

Le 8 août 1814, jugement du tribunal de commerce de Cambrai, qui condamne par défaut le sieur Dehay à payer au sieur Faille-Delabre 250 francs, montant d'un billet à ordre dont ce dernier était porteur. Ce jugement ayant acquis force de chose jugée, Dehay attaqua le billet par la voie du faux principal. L'effet fut effectivement déclaré faux par arrêt du 14 octobre 1817.

Armé de cette décision, Dehay s'est pourvu par requête civile devant le tribunal de commerce de Cambrai, à l'effet de faire rétracter le jugement du 8 août 1814, comme ayant été rendu sur pièce fausse.

Le 11 novembre 1817, jugement de ce tribunal, par lequel il se déclare compétent, et retient la connaissance de la requête civile. Faille-Delabre interjette appel, et soutient que la requête civile n'a pas lieu contre les jugemens des tribunaux de

commerce.

Le 15 décembre 1817, arrêt de la Cour royale de Douai, qui infirme le jugement du tribunal de commerce, par les motifs suivans: «Attendu que la requête civile doit, aux termes de l'art. 490 du Code de procédure civile, être portée au même tribunal où le jugement attaqué a été rendu; que, d'après l'art, 498 du même Code, il ne peut, comme sous la législation ancienne, être fait droit sur la requête civile que sur les couclusions du Ministère public; Qu'en prescrivant qu'il ne pouvait être statué sur la requête civile que sur les conclusions obligées du Ministère public, la loi a décidé, sinon expressément, du moins implicitement, que la connaissance des demandes en requête civile était exclusivement attribuée aux tribunaux, dont le Ministère public constituait un des élémens; Que les tribunaux de commerce qui ne peuvent connaître que des causes qui leur sont attribuées par la loi, n'ont pas de Ministère public, et qu'ils sont même les seuls tribunaux d'attribution qui n'en aient pas; qu'il n'est cousé

[ocr errors]

.(1) L'opinion des auteurs qui ont examiné cette question est indiquéc à la suite de l'arrêt du 25 janvier 1812, tom, 15, pag. 85,

« PreviousContinue »