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son en est simple: l'acquéreur qui doit se reprocher d'avoir acquis un immeuble que la loi déclarait inaliénable n'a pas pu rendre la condition de la femme plus onéreuse, ni le droit qu'elle a de rentrer dans le fonds dotal illusoire, en faisant sur l'héritage des réparations ou des augmentations considérables que ses facultés ne lui permettraient pas de rembourser, qui pourraient d'ailleurs n'avoir qu'un objet d'utilité très-secondaire, et ne pas ajouter une très-grande valeur à la propriété. Aussi l'art. 1634 du Code civil n'autorise-t-il l'acquéreur évincé à ne répéter que les améliorations utiles qu'il aura faites sur le fonds, ce qui est conforme à la loi 9, Cod., de evict., et à la loi 45, ff., de act. empt. et vend.

C'est par la même raison qu'autrefois la plupart des coutumes, notamment celles de Paris et d'Orléans, défendaient aux acquéreurs de faire aucune innovation ni amélioration sur Phéritage sujet au retrait, pendant le temps accordé pour l'exercer. Si, malgré cette défense, les acquéreurs faisaient des impenses non nécessaires, les tribunaux leur en refusaient la répétition contre le retrayant, parce qu'ils avaient à s'imputer leur contravention à la loi. On doit donc, par les mêmes motifs, refuser à l'acquéreur d'un bien dotal le remboursement des dépenses qui n'étaient point urgentes et essentiellement utiles à la conservation de la chose, parce qu'il ne devait pas, de bonne foi, se considérer comme propriétaire incommutable d'un héritage dont la loi prohibait l'aliénation.

Le 22 germinal de l'an 11, contrat de mariage de Rose Recoulin avec Marc Volle. L'épousé se constitue en dot tous ses biens présens et à venir. - Le 3 avril 1807, Marc Volle et sa femme vendent, conjointement, un immeuble dotal au sieur André Rouveyrol.

Marc Volle éprouve du dérangement dans sa fortune. Son épouse, après avoir obtenu sa séparation de biens, forme contre Ronveyrol une demande en délaissement du fonds dotal qui lui avait été vendu en 1807.

Celui-ci soutient que la propriété doit lui être conservée, parce qu'il la possède depuis dix ans avec titre et bonne foi; parce que la vente a eu, dès l'origine, une cause juste et nécessaire, le prix ayant servi à payer des dettes personnelles à

la demanderesse; qu'en supposant la vente nulle et l'action en délaissement fondée, la femme Volle doit au moins lui restituer les sommes dont elle a profité. Rouveyrol ajoute que la valeur des impenses et réparations qu'il a faites sur l'héritage doit lui être également remboursée à dire d'experts, et qu'il est fondé à retenir la possession de l'immeuble jusqu'à ce remboursement.

Le 16 juillet 1818, jugement du tribunal civil de Nismes, qui rejette toutes ces exceptions, et accueille la demande en délaissement de la femme Volle. Le tribunal a considéré que la vente dont il s'agit était frappée de nullité, comme ayant pour objet l'aliénation d'un fonds dotal, expressément prohibée par la loi, et que le moyen de prescription n'était point admissible, parce qu'aux termes de l'art. 1561 du Code civil, les immeubles dotaux sont imprescriptibles pendant le mariage; Qu'à l'égard de la demande en remboursement du prix de vente, que Rouveyrol prétendait avoir été employé au paiement des dettes personnelles de la femme Volle, elle était aussi sans fondement, parce qu'en supposant le fait prouvé, l'acquéreur ne saurait trouver dans cette circonstance une juste cause de retenir le fonds illégalement acquis, et qu'il n'en résulterait en sa faveur qu'une subrogation aux droits des créanciers payés, et une action particulière qu'il exercerait en la forme ordinaire. A l'égard des réparations dont Rouveyrol réclamait le prix, les premiers juges ont considéré qu'elles n'étaient pas de nature à avoir augmenté la valeur du fonds; que c'étaient de pures réparations d'entretien, dont le détenteur était toujours complétement indemnisé par les jouissances, ou des impenses voluptuaires, que l'acquéreur évincé n'était pas fondé à répéter.

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Rouveyrol, appelant de ce jugement, a reproduit devant la Cour le même système qu'il avait plaidé en première instance; mais ses moyens n'ont pas eu un meilleur succès.

Du 1er décembre 1819, ARRÊT de la Cour royale de Nismes, MM. Baragnon et Teulon avocats, par lequel:

« LA COUR, Sur les conclusions conformes de M. Goirand de La Baume, avocat-général ;

Adoptant les motifs

des premiers juges, MET l'appellation au néant; ordonne que ce dont est appel sortira son plein et entier effet. »

COUR DE CASSATION.

Un mandataire est-il recevable à former tierce opposition à un arrêt dans lequel son mandant était aux qualités des parties? (Rés. nég.) Cod. de procéd. civ., art. 474. En matière civile, la condamnation aux dépens est-elle solidaire entre les parties qui ne sont liées par aucune solidarité conventionnelle ni légale ? ( Rés. nég.) Cod. civ., art.

1202.

LAFOND FILS, C. Me THEVENIN.

La loi n'admet la tierce opposition à un jugement que lorsque la partie à laquelle ce jugement préjudicie n'a été ni représentée ni appelée dans le jugement. ( Code de procédure civile, art. 474,) Il suit de là que, lorsque le mandant a été partie dans un jugement, et qu'il a figuré dans les qualités, le mandataire n'est pas recevable à former tierce opposition à ce jugement, le mandataire se confondant avec le mandant, et l'un et l'autre ne formant aux yeux de la loi qu'une seule personne.

Quant à la seconde question posée en tête de cet article, elle a déjà été jugée dans le même sens par plusieurs arrêts de la Cour de cassation, notamment par deux arrêts de la section civile, des 15 mai 1811 et 20 juillet 1814. ( Voy. le tome 12, p. 422, et le tome 16, p. 528.

L'arrêt suivant, rendu sur le pourvoi de Lafond fils contre un arrêt de la Cour royale de Grenoble, du 4 août 1817, obtenu par Me Thévenin, avoué au tribunal de première instance de Vienne, confirme cette jurisprudence.

Du 1er décembre 1819, ARRÊT de la section civile, M. Brisson président, M. Rupérou rapporteur, MM. Leroi de Neufvillette et Odillon-Barrot avocats, par lequel:

« LA COUR, — Sur les conclusions conformes de M. l'avocat-général Cahier; - Sur le premier moyen, attendu que la Cour d'appel, en déclarant que Lafond fils, n'ayant été que le mandataire de son père, n'était point admissible à former

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tierc eopposition contre des jugemens et arrêts dans lesquels son mandant était aux qualités des parties, loin d'avoir commis un excès de pouvoir et violé l'art. 474 du Code de procédure civile, s'est conformée à la disposition de cet article ; Sur le second moyen, vu l'art. 1202 du Code civil, portant: « La solidarité ne se présume point; il faut qu'elle soit expres« sément stipulée : cette règle ne cesse que dans le cas où la so« lidarité a lieu de plein droit, en vertu d'une disposition de « la loi. »; — Et attendu que, dans l'espèce, il n'existait ni solidarité conventionnelle, ni solidarité légale ; que par conséquent l'arrêt attaqué, en condamnant solidairement aux dépens les sieurs Lafond, père et fils, a commis un excès de voir, et violé l'art. 1202 précité du Code civil; Par ces motifs, CASSE et ANNULLE la disposition seulement dudit arrêt relative à la condamnation solidaire des dépens. »

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COUR D'APPEL DE RIOM.

Le créancier ayant une hypothèque spéciale et dont le gage a été absorbé par l'exercice d'une hypothèque générale estil SUBROGÉ DE PLEIN DROIT à cette dernière hypothèque, relativement aux autres biens sur lesquels elle pouvait frapper? (Rés. nég.) Cod. civ., art. 1251.

LE SIEUR PAUTRIER, C. LES SIEURS Leymaris et CONSORTS.

Le sieur Thomas Dubois de Cordez était propriétaire de plusieurs domaines situés dans les arrondissemens de SaintEtienne et d'Issengeaux.

Dans l'arrondissement de Saint-Etienne, il avait trois domaines qui étaient grevés d'hypothèques générales au profit de plusieurs créanciers et d'une hypothèque spéciale au profit du sieur Pautrier.

Le domaine de Saint-Ferréol, situé dans l'arrondissement d'Issengeaux, était affecté aux mêmes hypothèques générales, et de plus à l'hypothèque spéciale des sieurs Leymaris et consorts. Notez que le sieur Pautrier n'avait point d'hypothèque ` sur ce dernier domaine.

Les domaines situés dans l'arrondissement de Saint-Etienne ont été vendus dans le cours des années 1811 et 1812. - Un ordre a été ouvert.

Les créanciers ayant des hypothèques générales tant sur les domaines vendus que sur le domaine de Saint-Ferréol, arrondissement d'Issengeaux, ont été colloqués au premier rang la totalité de leurs créances. Le sieur Pautrier a répour clamé aussi la collocation de son hypothèque spéciale sur les domaines vendus ; mais il a été employé seulement au dernier rang et pour une faible partie de sa créance. Toutefois il n'a point élevé de réclamation; il ne s'est pas plaint de ce que les créanciers ayant hypothèque générale sur tous les biens du débiteur l'exerçaient seulement sur les domaines vendus et reudaient ainsi inefficace son hypothèque spéciale; il n'a pas demandé à être subrogé aux droits qu'avaient les créanciers à hypothèque générale sur les autres immeubles du débiteur

commun.

Tel était l'état des choses, lorsqu'en 1817 le domaine de Saint-Ferréol fut vendu. — Les sieurs Leymaris et consorts, seuls créanciers inscrits sur ce domaine, se sont présentés à l'ordre, et ont demandé à être colloqués au premier rang.

Le sieur Pautrier s'est aussi présenté, et il a réclamé la priorité pour les sommes qu'eussent pu prendre les créanciers à hypothèque générale, si les prix de tous les immeubles eussent été distribués simultanément. Le sieur Pautrier agissait ici non en vertu de ses droits personnels, puisqu'il n'avait ni hypothèque ni inscription sur le domaine de Saint-Ferréol, mais comme se prétendant subrogé aux droits des créanciers qui avaient hypothèque générale sur tous les biens du débiteur commun, et qui cependant ne s'étaient fait colloquer, pour la totalité de leurs créances, que sur les immenbles précédemment vendus. Il a prétendu que les créanciers ayant hypothèque générale sur tous les biens du débiteur në pouvaient pas exercer leur hypothèque sur un seul ou sur certains immeubles, au préjudice des créanciers ayant des hypothèques spéciales sur ces immeubles; mais qu'ils devaient diviser l'effet de leur hypothèque sur tous les immeubles, proportionnellement à leur valeur ;

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