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faire de protestations ni réserves, son silence équivaut à un ac quiescement et la rend ensuite non recevable à critiquer l disposition relative à la délation de serment. Ainsi jugé par Cour de cassation, le 8 juin 1819. Voy. infra, à cette date.

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COUR DE CASSATION.

La femme mariée sous le régime dotal peut-elle, avec le
consentement de son mari, aliéner sa dot mobilière
(Rés. nég) Cod. civ., art. 1554 et suiv.

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Le sieur DevoyON-DUBUISSON, C. La dame Soudanas. Depuis long-temps cette importante question avait fixé l'at tention des jurisconsultes, surtout des pays de droit écrit. Sou mise plusieurs fois à la décision des tribunaux, elle n'avait pas toujours été jugée dans le même sens. De là les partisans des deux systèmes désiraient voir cesser une diversité d'opinions dont les effets pouvaient être très-funestes. La Cour de cassation vient de se prononcer'; la sagesse des motifs qui ont dicté son arrêt nous porte à croire que sa décision fixera la jurisprudence. Dès lors le sens des articles du Code concernant les droits et pouvoirs des personnes mariées sous le régime dotal demeurera certain; l'effet des obligations contractées par les époux, sur les créances dotales de la femme, sera clairement déterminé ; et le principe de l'inaliénabilité de la dot mobilière ne pourra plus être mis en problème.

Le 4 vendémiaire an 14, mariage de Léonarde Soudanas avec J.-B. Benoît Malinvaud. Ils stipulent qu'ils se marient sous le régime dotal; la future se constitue en dot une somme de 5,000 fr. qui est reçue par le futur et hypothéquée sur ses biens.

Le 28 mai 1812. Léonarde Soudanas souscrit solidairement avec son mari pour 3,240 fr. de lettres de change au profit de Jean Devoyon-Dubuisson.

Le 5 octobre 1813, jugement da tribunal de commerce de Limoges qui condamne la femme, solidairement avec son mari, au paiement de cette somme.

Malinyaud fait faillite. Sa femme fait prononcer sa sépa

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ration de biens. Un ordre s'ouvre, Léonarde Soudanas

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demande à être colloquée pour 5,000 fr., montant de sa dot; Dubuisson demande à être colloqué sur elle, en sous-ordre, pour les 5,240 fr. qu'elle lui doit. Elle s'oppose à cette demande, par le motif que la dot même mobilière est inalićnable, qu'elle ne peut être ni engagée ni entamée.

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Le 29 août 1815, jugement du tribunal de première instance qui accueille ce système de défense. - Appel; et, le 5 juillet 1816, arrêt confirmatif de la Cour de Limoges.

Cette Cour a considéré a que le Code civil établit une distinction formelle entre les biens dotaux et les biens parapher aux; que l'art. 1576 autorise la femme à aliéner ses biens pa raphernaux avec l'autorité de son mari, mais qu'on ne trouve daus le Code aucune disposition pareille pour les biens do+ taux, que, si l'art. 1554 ne parle que de la prohibition d'aliéner les immeubles dotaux, c'est que, si la dot consiste en objets mobiliers mis à prix, le mari en est propriétaire, suivant l'art. 1551; que, le mari étant maître de la dot pécu+ Laire ou mobilière pendant le mariage, il en a seul la libre disposition, de manière que la femme devient seulement, sa créancière sur ce point; que, si la femme n'en a point la re disposition pendant le mariage, il y a contre elle prohistion naturelle d'aliéner, suivant l'observation de Serres, en 5 Institutes, liv. 2, tit. 8; Que, dans le doute, il faut r pour les mesures qui peuvent conserver la dot Suivant cet ancien adage: Interest reipublicæ dotes mulierum

se décider

salvas esse ».

Le sieur Devoyon-Dubuisson a dénoncé cet arrêt à la Cour

régulatrice, comme contenant une violation ou une extension illégale des articles du Code civil sur l'inaliénabilité des immeubles dotaux de la femme. Un premier principe incontes→ table, a dit le demandeur, c'est que tout ce qui est dans le commerce peut être vendu, lorsque des lois particulières n'en cut pas prohibé l'aliénation. La dot mobilière est composée de choses qui sont dans le commerce : par conséquent elle est aliénable, si la loi ne contient aucune disposition prohibitive à cet égard. Or il n'existe aucune loi qui prononce une pas reille prohibition pour le mobilier dotal; on ne peut en citer

aucune qui défende formellement de le vendre ou de l'e gager. A la vérité, l'art. 1554 porte que « les immeubl constitués en dot ne peuvent être aliénés ou hypothéqu pendant le mariage, ni par le mari, ni par la femme, par les deux conjontement, etc. »; mais cet article ne par que dés immeubles ; il ne parle pas des meubles constitu en dot. Pourquoi cette attention du législateur de se servir mot immeubles plutôt que du mot biens? Parce qu'il voulait pas que le mobilier dotal fût compris dans la disp sition. Le législateur savait que, dans aucun cas, cette e pression immeubles n'a jamais compris les meubles ; d'a leurs, il venait de parler séparément des objets mobiliers da l'art. 1551; il les avait comparés avec les immeubles da l'art. 1552; il prenait des décisions différentes à l'égard chacune de ces deux espèces de biens: il ne les confonda donc pas ; il ne se șerait donc pas servi, dans l'art. '1554, l'expression limitative immeubles, s'il eût voulu prohiber aus l'aliénation des meubles. Ainsi, de ce que le législateur a d seulement dans l'art. 1554 que les immeubles dotaux peuvent être aliénés, il faut en conclure, sans hésiter, qu a voulu permettre l'aliénation du mobilier dotal.

Le projet du Code civil déclarait que les immeubles dota ne seraient point inaliénables, et prohibait toute stipulatio contraire; si l'on a ensuite déclaré l'immeuble dotal inaliéna ble, c'est par une espèce de condescendance pour les ancie pays de droit écrit: il n'est donc pas étonnant qu'on n'ait dễ claré inaliénable que l'immeuble dotal, et qu'on ait perm l'aliénation des meubles dotaux.

Il en était ainsi d'après les lois romaines. La loi Julia, et er suite la loi, au Code, de rei uxorice actione, § 15, placet itaqu nobis, défendaient au mari d'aliéner fonds dotalem. Or på ce mót fundus on n'a jamais entendu que le fonds de terr l'immeuble. Ce mot fundus n'a jamais pu signifier le mobilie le meuble. Aussi, dans la glose du Code, sur l'authentique qua dote, § placet itaque nobis, le commentateur (Godefroy se demande-t-il, à côté du texte de la dernière lói, quid a mobilibus? Et il répond: Videtur quod permittat eo quod Un autre commentateur ajoute encore

IMMO BILIBUS vetat.

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Dotales res mobiles possunt alienari. Voët dit aussi, lib. 25, lil. 5, de fundo dotali, no 4: Non etiam ad res mobiles dotales legis Julice prohibitio porrigenda est.

Srres, dans ses Institutes, liv. 2, tit. 8, p. 154, s'exprime en termes plus positifs encore : « Du reste, puisqu'il n'y a que l'aliénation du fonds dotal qui soit défendue par la loi, il s'ensuit que le mari est le maître absolu des sommes, actious, obligations ou hypothèques dotales, et qu'il peut les aliéner comme il trouve à propos; mais la femme ne peut ni les céder, ni les abener, ni en traiter elle seule. » D'où résulte que le mari et la femme conjointement peuvent disposer de cette dot purement mobilière. Ainsi, même d'après les lois romaines, les meubles dotaux pouvaient être aliénés,

est

-

En parcourant les dispositions du Code civil sur le régime dotal, ou demeure encore plus convaincu que le mobilier constitué en dot n'est point inaliénable, En effet, 1° si la dot at constituée en argent, il est évident que le mari en devient propriétaire et peut en disposer, parce qu'autrement, il ne pourrait pas en jouir. La loi ne l'oblige pas à en faire un emploi déterminé ; il devient seulement débiteur de la somme qu'il a reçue; il doit seulement restituer une somme égale. Pour sûreté de cette restitution ou paiement, la femme a Lien une hypothèque légale sur les immeubles de son mari, mais elle n'a point de privilége sur son mobilier; elle est exposée à perdre saus ressource sa dot en argent, si le mari l'a dissipée, et s'il n'a point d'immeubles ou un mobilier suffisant, -2'Si la dot consiste en objets mobiliers mis à prix par le sans déclaration que l'estimation n'en fait pas vente, lemari en devient propriétaire, et n'est débiteur que du prix donné au mobilier : c'est la disposition textuelle de l'art. 155). Il est évident que, dans ce cas, le mobilier dotal peut encore ètre aliéné, soit par le mari seul, soit par le mari et sa femme conjointement; que l'acquisition faite par les tiers sera irrévocable, et que la femme, simple créancière de son mari, est exposée aux mêmes pertes que dans l'hypothèse précédente. -'Il en serait encore absolument de même si l'immeuble constitué en dot était estimé dans le contrat de mariage, avec declaration expresse que l'estimation en transporte la propriété

contrat,

au mari. Alors le mari devient propriétaire de l'immeuble con stitué en dot (art. 1552). Il est évident qu'il peut donc aliéne cet immeuble, et qu'il n'est débiteur que du montant de l'éva luation donnée à l'immeuble dans le contrat de mariage. Dan ees trois hypothèses, la dot peut être aliénée : elle n'est don point absolument inaliénable.

De ce que le mobilier constitué en dot n'appartient pas au mari comme propriétaire, il suit seulement qu'il ne peut pas en disposer malgré sa femme; mais il n'en résulte nullement que l'aliénation en soit prohibée, même quand le mari et la femme y consentent mutuellement. Au contraire, de ce que la loi ne dit pas expressément que la dot mobilière sera inaliénable, même avec le consentement de la femme et du ́mari, et de ce que l'art. 1554 ne prohibe formellement que l'aliénation des immeubles, il faut conclure que le mari peut aliéner les meubles constitués en dot, quand la femme veut y consentir, et réciproquement. L'art. 1555 nous fournit la base d'un nouvel argument; il porte: « L'immeuble acquis des deniers dotaux n'est pas dotal, si la condition de l'emploi n'a été stipulée par le contrat de mariage. Il en est de même de l'immeuble donné en paiement de la dot constituée en argent. » *. Qu'a voulu exprimer le législateur en disant que, dans ces deux cas, l'immeuble qui compose la dot n'est pas dotal ? Evidemment il a voulu dire que cet immeuble n'avait pas tous les caractères qu'il attribuait au véritable immeuble dotal sous le régime dotal. Or le caractère distinctif de l'immeuble dotal, sous ce régime, est l'inaliénabilité. Quand le légisfateur a dit, dans l'art. 1555, que l'immeuble dont s'agit n'épas dotal, c'est comme s'il eût dit que cet immeuble n'était pas inaliénable. Si l'immeuble même qui compose la dot, daus les deux cas de l'art. 1555, n'est pas inaliénable, comment peut-on présumer que le législateur a entendu prohiber l'aliénation du simple mobilier qui compose la dot? Il faudrait qu'il l'eût expressément déclaré.

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On peut encore tirer un argument des art. 1555, 1556, 1557, 1558, 1559, 1560 et 1561. Ces articles règlent les effets de l'inaliénabilité des biens dotaux et les exceptions à cette inaliénabilité. Ils s'occupent donc des biens qui sout inaliéna

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