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dont le dernier traitait à la fois des faillites et des tribunaux de commerce; au moyen de la séparation du troisième livre en deux parties, le Code de commerce vous sera présenté en quatre grandes divisions.

La première contient les lois qui régissent le commerce en général;

La deuxième, les lois particulières au commerce maritime;

La troisième traitera des faillites et banqueroutes;

La quatrième de la compétence des tribunaux pour les affaires de commerce, et de la manière d'y procéder dans les divers cas.

Déjà, Messieurs, vous pouvez appercevoir que cette classification donne au nouveau Code de commerce un premier avantage sur l'ordonnance de 1673.

En effet, le commerçant était obligé d'aller chercher, dans l'ordonnance de la marine de 1681, toutes les règles relatives au commerce maritime, qu'il ne trouvait pas dans l'ordonnance de 1673.

Elles étaient confondues dans la première, avec des dispositions dont les unes sont du ressort de l'administration publique, comme l'instruction et l'examen des navigateurs; les autres, de l'organisation militaire de la marine, comme les attributions du grand-amiral; elles y étaient mêlées avec des objets dont les uns appartiennent au Code civil, et ont été réglés lors de sa rédaction, comme le titre des testamens en mer; les autres appartiennent à la police, comme le placement des navires dans les rades et ports; ou

à la haute politique, comme le droit d'y entrer, d'y séjourner, d'y importer des denrées.

Dans le Code, tel qu'il vous sera soumis, Messieurs, tout commerçant, tout agent du commerce trouvera l'ensemble de la législation à laquelle sa profession l'assujétit. Il trouvera les règles des obligations personnelles, les règles des obligations synallagmatiques ou réciproques, les règles pour le cas où les obligations personnelles et réciproques ne sont pas remplies; c'est-à-dire, lorsqu'il y a faillite ou banqueroute: enfin, les règles de juridiction, de compétence et de procédure.

Dans un autre temps, bientôt peut-être, Messieurs, les autres dispositions de l'ordonnance de la marine pourront être soumises à leur tour à une utile révision. Bientôt le génie vengeur du droit des gens sur le continent vengera aussi le droit des gens sur les mers; et le monde, l'empire français du moins, lui devra le bienfait d'un acte de navigation, que des ministres sans pudeur ne feront plus déchirer par un peuple de pirates.

Dans le systême général de la loi, Messieurs, vous trouverez qu'on a imposé des obligations étroites, établi des règles sévères, prononcé des peines rigoureuses, restreint des droits accordés par le Code Napoléon.

Mais cette austérité législative a paru un contre-poids nécessaire du relâchement de la morale dans les classes commerçantes.

Avant 1789, indépendamment des trois grands ordres dans lesquels le peuple français était classé, chaque ordre était encore subdivisé par degrés, par rang, par profession; chaque frac

tion de la grande société avait son étage mar qué, son gradin assigné, son cercle tracé par la loi, l'usage ou l'opinion.

Mais, à cette époque de gloire et de malheurs en même temps, où la raison d'un grand nombre essaya sans succès ce que la volonté d'un seul a fait depuis sans effort; à cette époque de l'humiliation et de la vengeance de toutes les vanités, toutes les classes furent abaissées où élevées sur le même plan, les liens de toutes les corporations furent brisés, les limites de toutes les professions furent effacées : les Français se crurent d'abord égaux devant la loi ; ils se sentirent bientôt égaux dans la misère, et devinrent enfin égaux sous la terreur.

Alors, chaque citoyen isolé par la crainte, et commandé par le besoin, chercha des moyens de subsistance dans la seule profession qui pût en procurer dans ces temps de richesse nominale et individuelle, de pauvreté effective et générale.

Tout le monde fut commerçant; chaque maison devint un magasin, chaque rez-de-chaussée ouvrant sur la rue devint une boutique, qui, décorés à grands frais par l'espérance, et sur des crédits, étoient fermés bientôt avec scandale par une banqueroute, et dans lesquels se succédaient ainsi l'ignorance ou la mauvaise foi, l'impéritie ou l'improbité.

Depuis que la société s'est réorganisée sur des bases nouvelles, depuis que l'ordre va renaissant, chacun ou a repris son ancien état, ou s'est fixé dans la profession qu'il avait embrassée, ou est entré dans une nouvelle carrière; enfin, les citoyens se sont classés comme d'eux

même sous l'impulsion insensible de la main qui les dirige.

Toutefois, les traces du mal ne sont pas effacées, les sources n'en sont pas taries.

La richesse n'est pas encore descendue à sa valeur, l'honneur n'est pas encore remonté à la sienne.

L'ordre et l'économie, ces deux sources de toute prospérité dans une maison commerciale, ne règnent pas encore généralement, et sont trop peu observés sur-tout dans les grandes cités. Le luxe des magasins ou des boutiques, des appartemens ou des personnes, est encore l'enseigne de trop de commerçans, et remplace la vigilance scrupuleuse, la probité modeste, l'exacte fidélité qui, jadis, faisaient de l'acheteur une pratique, de la pratique un ami.

On a vu des commerçans sans livres, des livres sans exactitude et sans suite; et trop souvent des livres où l'exactitude apparente d'une année n'était que la fraude effective d'une semaine, des écritures arrangées pour masquer la mauvaise foi aux créanciers, ou dérober l'improbité à la justice.

On a vu la banqueroute mise au nombre des moyens de s'enrichir; on a vu des femmes se créer de l'opulence au prix de la ruine des créanciers de leur mari, et par une séparation de biens concertée, mettre d'avance à l'abri les moyens de conserver à une seule personne les jouissances d'un luxe coupable payé par la misère de plusieurs familles.

Et les mœurs même ont été, sont encore trop indulgentes pour une telle conduite; les lois sont insuffisantes contre des délits aussi

graves: SA MAJESTÉ l'a reconnu avec regret, avec douleur; elle a voulu porter au mal un remède prompt, efficace.

De là, Messieurs, la sévérité des dispositions que vous trouverez dans le Code de commerce, sur la tenue des livres, sur les séparations de biens entre époux, sur les avantages indirects faits aux femmes, sur les faillites même qui peuvent être reconnues innocentes, sur les banqueroutes que l'inconduite a amenées, sur celles que la fraude a préparées.

La probité rassurée applaudira à la rigueur des règles qui vont être établies; la mauvaise foi s'en effrayera; tel accomplira d'abord ses devoirs par crainte, qui bientôt s'y soumettra par habitude, et finira par trouver du bonheur à les remplir. Les bonnes moeurs renaîtront du sein des bonnes lois.

Telles sont, Messieurs, les observations que nous avons cru nécessaire de vous présenter sur la classification générale des matières, sur l'ensemble du Code de commerce, et sur les principes qui en ont dirigé la rédaction.

Nous vous apportons aujourd'hui les sept premiers titres du premier livre; les autres titres vous seront incessamment soumis, et une dernière loi fixera l'époque de la mise en activité du Code entier, dont aucune partie ne sera exécutée séparément ou successivement.

Au commencement du livre I, et sous le titre de Dispositions générales, les rédacteurs avaient posé des règles, établi des définitions dont quelques-unes ont paru purement théoriques et superflues; quelques autres ont été

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