Page images
PDF
EPUB

leur est alloué la moitié de leurs gages pour le reste de la durée présumée du voyage, et des moyens de retour chez eux. Cette disposition paraît concilier ce que prescrivent en leur faveur l'humanité et la justice, avec les justes ménagemens dus aux intérêts des propriétaires de navires, qui ne peuvent en pareils cas se séparer de l'intérêt même de la navigation.

L'addition portée à l'article 109 du projet est susceptible de quelqu'examen.

Art.

Cet article suppose que le capitaine ait été 298. obligé de vendre des marchandises pour subvenir aux besoins pressans du navire, et prescrit que, si le navire se perd, le capitaine tiendra compte de ces marchandises sur le pied qu'il les aura vendues, en retenant le fret porté aux connaissemens.

L'ordonnance n'avait rien statué, à cet égard, dans le cas de la perte du navire. Les commentateurs professaient une doctrine contradictoire: les uns considéraient les marchandises vendues avant la perte et pour subvenir aux besoins du navire, comme le sujet forcé d'un contrat à la grosse, et en refusaient le paiement; les autres accordaient ce paiement, en les regardant comme sauvées, puisqu'on en avait disposé avant que le navire eût éprouvé aucun événement sinistre. Il a fallu se fixer sur ce point.

Il a paru équitable de penser que les marchandises vendues pour subvenir aux besoins du navire, constituaient un titre de créance en faveur de leur propriétaire; que dès lors elles avaient cessé d'être en risque; que le capitaine et les propriétaires du navire, qui étaient chargés de pourvoir à ses besoins, avaient contracté

une dette individuelle en appliquant ces marchandises à l'accomplissement de leur devoir personnel; qu'en pareille circonstance, un contrat à la grosse ne saurait, par sa spécialité, être présumé ni supposé; qu'il serait étrange de vouloir considérer comme perdues les marchandises vendues avant la perte du navire, tandis qu'elles auraient pu être sauvées dans la circons. tance même du naufrage; qu'enfin, le propriétaire de ces marchandises vendues, si elles ne lui étaient pas payées par le capitaine, se trouverait dépouillé sans pouvoir exercer aucun recours contre ses assureurs, qui ne seraient pas tenus au remboursement, puisqu'il n'y aurait pas eu d'objet de risques à bord lors du naufrage. Ces réflexions ont conduit à la disposition exArt primée au second paragraphe de l'article 109. 306. En substituant dans les articles 117, 118 et 307. 119, un dépôt en mains tierces, et le privilége du capitaine pour son fret sur les marchandises déposées, à la faculté d'arrêter et de saisir ces mêmes marchandises, que lui donnait l'ordonnance, nous avons adopté une mesure qui paraît mieux assortie aux formes conciliatrices du commerce.

308.

Cette mesure conserve les intérêts du capitaine qui a le droit d'être payé de son fret, avant de livrer irrévocablement son gage; en même temps qu'elle pourvoit aussi à la sûreté du consignataire, qui, avant de payer le fret, a le droit à son tour de reconnaître l'état des marchandises qui doivent lui être délivrées.

Tels sont, Messieurs, les principaux changemens faits à l'ordonnance de 1681, dans les

huit premiers titres de la loi que nous vous pré

sentons.

Des modifications plus légères, des transpositions, des différences de simple rédaction se justifient par elles-mêmes, et leur utilité, quoique tout-à-fait secondaire, n'échappera pas à votre sagesse.

En adoptant ce projet, vous seconderez, Messieurs, les vues paternelles et les intentions bienfaisantes du héros qui se plaît à entrelacer à l'olivier de la paix les lauriers qu'il a cueillis, qui ne régénère toute la législation commerciale, et ne veut la liberté des mers que pour la prospérité de ses peuples et pour celle du

commerce.

Prononcé par M. PERRÉE, au nom des sections de Législation et de l'Intérieur, sur les huit premiers titres du livre II du Code de Commerce.

Séance du 17 septembre 1807.

MESSIEURS,

Nous avons l'honneur de présenter au Corps Législatif le vœu du Tribunat sur le second livre du Code de Commerce.

Ce livre forme seul le cadre du Code maritime.

Vous connaissez, Messieurs, tout ce que le monde doit à la navigation; intimément liée au commerce, tous deux auraient fait le bonheur de l'univers, si l'envie n'avait abusé de leurs moyens.

Dès le principe de la navigation, il fut nécessaire de mettre un frein à la licence et à la force, dont les mers semblent destinées à être le théâtre.

Les plus anciennes lois maritimes sont attribuées aux Rhodiens; elles suffirent sans doute aux navigateurs de la Méditerranée, jusqu'au temps où Rome, dans sa grandeur, combattait les pirates, et où, dans sa caducité, elle confia

à la vénération des siècles le Code de ses lois : elles furent suivies d'une longue nuit de barbarie et d'ignorance; quelques lueurs d'ordre et de civilisation se manifestèrent successivement dans des réglemens particuliers à des provinces ou à des villes, que leur position et la nécessité forçaient de s'occuper de la naviga

tion.

Le restaurateur des lettres, François Ier, ne négligea pas la législation des mers; il ordonna la révision de l'ordonnance de 1400, notre premier corps de lois maritimes.

Jusqu'alors, toutes ces lois n'avaient statué que sur la police et l'intérêt de la navigation des côtes: l'Océan était resté dans le silence de sa création.

Tout à coup l'esprit humain sembla sortir de sa léthargie: trois grandes découvertes, à peu près contemporaines, l'invention de l'imprimerie, de la poudre et de la boussole produisirent la plus mémorable révolution.

La Providence aussi fait naître les grands hommes avec les grands événemens; sa justice accorda aux rivages de la Méditerranée, berceau de la navigation, le navigateur destiné à découvrir un autre monde : Colomb parut; il donna à l'Espagne un nouvel hémisphère.

La découverte de l'Amérique étendit les bornes du monde; le commerce appela à son secours tous les genres d'arts et de sciences, pour le succès d'un ordre de navigation qui offrait à la curiosité, à la fortune, à l'ambition, à la gloire, une carrière sans terme.

Vers le milieu du seizième siècle, Colbert appela des commerçans instruits dans le com

« PreviousContinue »