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PREMIÈRE PARTIE

ASSIETTE DE L'IMPOT FONCIER A ROME

CHAPITRE I.

HISTORIQUE DE L'IMPÔT FONCIER

Avant d'arriver à sa formule définitive et à l'état de perfectionnement dans lequel nous l'étudierons au temps des empereurs, l'impôt foncier romain est passé par des phases qu'il n'est pas inutile d'étudier rapidement. Nous le verrons se développer conformément aux règles que nous avons indiquées, et son évolution nous offrira une intéressante comparaison avec celle de l'impôt français.

A l'époque indéterminée où deux tribus latines, les

Ramnes et les Luceres se joignent à la tribu sabine des Titiens, pour former la confédération qui s'établit sur les collines de Rome, il ne faut pas parler d'impôt : les citoyens rendent à l'Etat tous les services, les travaux de fortifications sont exécutés en commun, chacun fournit les victimes ou les fruits destinés aux dieux. En cas urgent pourtant une sorte d'emprunt forcé est levé sur chaque habitant : c'était sans doute une capitation, forme primitive de tout impôt, et d'autant plus raisonnable ici, que l'Ager Romanus avait été divisé, selon Varron (1), en parties égales entre les citoyens.

Mais l'égalité de fortune dure peu les besoins de l'Etat se développent, la répartition des charges devient de plus en plus injuste. Il faut abandonner l'impôt sur les personnes pour en arriver à l'impôt sur la richesse. C'est alors que Servius Tullius importe le Cens (déjà pratiqué à Athènes et en Egypte) dont les historiens nous font un éloge qui ne doit pas paraître exagéré si l'on réfléchit au caractère essentiellement militaire du peuple romain, chez lequel toutes les ressources devaient être classées comme dans un arsenal. Chaque pater familias vit ses biens constatés sur les registres, et, d'après le total, fut placé dans une des cinq classes et grevé par l'impôt, proportione census, soit à raison de 1 pour 1000, soit de 2 pour 1000, parfois plus, suivant la décision du Sénat (2). L'impôt est

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unique et semble avoir pour base le capital car on fait entrer dans la fortune même les objets de luxe; la terre ne fournit qu'un des éléments (1). Ce n'est donc pas encore un impôt foncier; mais c'est une taxe juste, élastique, déjà perfectionnée.

L'impôt de Servius Tullius eut d'abord le caractère du tributum des temps primitifs considéré comme emprunt forcé, remboursé en cas de butin suffisant (2), il n'était perçu que dans les circonstances graves. Mais à l'époque des grandes guerres de la République, quand il fallut une armée permanente que l'état dût solder et équiper, il changea de caractère et devint annuel vers l'an 350 (3).

Bientôt Rome est victorieuse dans tout le bassin méditerranéen la destruction de Carthage, la conquête de la Grèce y font affluer d'immenses richesses: le trésor regorge et à partir de la bataille de Pydna (4), le tributum n'est plus perçu (585).

Non seulement, d'après le droit des gens antique les vaincus perdent leurs richesses mobilières mais encore leur territoire devient la propriété du vainqueur le droit de posséder en propre est l'apanage du citoyen Romain, et Gaïus dit expressément : « que sur le sol provincial la propriété appartient à l'Etat Romain ou au prince; les habitants n'en ont que la possession ou

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la jouissance. » (1) Cette maxime parfois appliquée par Rome tombe vite en désuétude, et aux VI et VII" siècles surtout, Rome laisse aux vaincus une partie de leurs terres moyennant une redevance (2), sorte de fermage dont le montant varie suivant la charte donnée à la province, la formula provinciæ. Elle garde le reste qui forme le domaine de la République l'ager publicus.

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Selon les provinces, la quotité, l'assiette, les choses perçues, variaient le Sénat romain, en politique habile, avait pour règle de changer le moins possible les habitudes des peuples qu'il soumettait.

En premier lieu l'impôt pouvait être exigé sous forme de dîme, à un taux fixé différemment suivant les formulæ en Sicile où l'on conserva les impôts du roi Hiéron le procédé était avantageux pour les populations, le total demandé variant avec l'abondance de la récolte. C'est cet impôt dont Ciceron nos montre en détail le fonctionnement dans la III action contre Verrès. D'autres fois la dîme était combinée avec un bail (censoria locatio) qui en déterminait le taux à certaines époques. (3) C'était le mode en usage dans la province d'Asie.

Enfin, la plupart des peuples soumis en dehors de

(1) Gaïus. II. 7.

(2) Accarias. Précis de D. Romain. T. 1. p. 461.

(3) In Verrem. III Les interprètes ont échafaudé plusieurs systèmes sur ce passage assez obscur de la troisième action contre Verrès l'absence de documents complémentaires sur le censoria locatio nous oblige à le considérer comme de simples hypothèses auxquelles nous ne croyons pas devoir nous arrêter.

l'Italie, furent frappés d'une tribut fixe, vectigal certum, annuum, qui, perçu soit en argent, soit en nature, devint l'impôt foncier. La Sardaigne, l'Afrique, l'Espagne, la Gaule enfin, furent imposées ainsi : notre pays fut frappé par César d'un impôt fixe de 40.000.000 de sesterces (8 millions de francs); sauf le titre en vertu duquel il était exigé, c'était là un véritable impôt foncier.

Le tribut, avons-nous dit, était payé soit en argent, soit en nature. Ce dernier mode de perception, indiced'une administration primitive encore et d'une civilisation peu riche, ne pouvait subsister longtemps la contribution dut de plus en plus se fixer et s'acquitter en argent, Néanmoins depuis les Gracques, l'usage des distributions gratuites de blé étant devenu une nécessité politique, on conserva toujours des provinces qui fournirent le blé en nature: l'Egypte en envoyait chaque année à Rome 20 millions de modii (270 millions de livres). (1) Cette transformation que la logique seule nous eût conduit à admettre est prouvée par plusieurs textes dont l'un, cité par M. Giraud, montre en même temps la transformation des prestations en nature en impôts pécunaires, et l'extension rapide de ces derniers à la majorité des provinces. C'est un passage d'Hyginus, agrimensor de l'époque de Trajan : « Agri autem vectigales multas habent constitutiones.. In quibusdam provinciis fructus partem constitutam præstant: alii quintas,

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