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Godefroy sans rien changer à la fausse donnée de son prédécesseur fut frappé du sens d'impôt terrien de la plupart des textes, et adopta le système de l'impôt foncier, mais toujours unique. Pour expliquer les qualificatifs de humana, plebeia, animalium, etc., qui suivent souvent le mot capitatio, il imagina une ingénieuse hypothèse avec le sol était imposé tout ce qu'il portait, tout ce qui en augmentait la valeur : esclaves, animaux, arbres, etc. Le prince voulait-il alléger la charge de l'impôt, il dispensait de faire entrer dans la matière imposable les accessoires, et la contribution devenait purement foncière, te rena.

Cette théorie, tout hypothétique dans sa conception, se trouve réfutée par les textes qui montrent que la capitatio personnelle frappait indistinctement tous les esclaves, qu'ils fussent ou non attachés à la culture (1). Les lois 14 et 23 De agricolis C. Just la loi 14 de annona C. Th. la désignent comme une charge personnelle du colon, et distincte de la contribution foncière le maître en faisait parfois l'avance, mais ce n'était là qu'une particularité de perception analogue à celle qui existe chez nous en sens inverse, le fermier faisant l'avance de l'impôt foncier qui grève en somme le propriétaire.

D'autres textes sont absolument inconciliables avec la théorie de Godefroy. Les biens des mineurs étaient frapppés de l'impôt foncier : ceci ressort clairement de

(1) Loi 4 de excutation. C. Th.

la loi 4 de Censu C. Th. qui accorde un délai pour réclamer contre la taxation, avec des points de départ différents suivant qu'on est majeur ou mineur : d'un autre côté le mineur, d'après les lois 3 de CensibusDiy. Lois 4 et 7 de Census C. Th. Loi 3 de muneribus C. Th. etc., jouit d'une immunité de capitatio. Il est bien évident que ces textes, en apparence contradictoires, visent des impôts différents.

Gibbon reconnut le vice du système de Godefroy; mais toujours hanté par l'idée de l'impôt unique, il proposa une nouvelle théorie que malheureusement il ne put soutenir par aucun texte : l'impôt, personnel en la forme, était foncier au fond: il frappait des têtes idéales de contribuables, représentant une certaine étendue de terre.

De nos jours enfin, un nouveau système a été émis par M. Walter (1). Reconnaissant l'existence de deux impôts sous le nom de capitation, ce qui nous parait difficilement contestable depuis le beau travail de M. de Savigny, l'éminent professeur soutient, que si la plebeia capitatio est un impôt pesant sur le capital, c'est-à-dire l'ancien tributum de Servius, rétabli à une époque indéterminée. C'est en somme à peu près la doctrine de Godefroy, élargie par l'admission de la capitatio plebeia, qui pèse seule sur tous les contribuables non propriétaires fonciers. Pour expliquer le nom de cupitatio ou iugatio, il admet, comme unité de

(1) Notes sur Nieburh et Schultz 1834, et Histoire du Droit romain.

répartition, non plus une étendue de terre d'une certaine valeur, mais une somme de 1000 solidi, formée par tous les éléments du patrimoine, mobiliers et immobiliers.

Nous ne pouvons admettre cette théorie contre laquelle l'histoire, les textes et la logique nous semblent fonrnir des arguments décisifs.

Il parait bien invraisemblable en effet que le cens de Servius ait été rétabli, puis étendu aux provinces, sans qu'aucun historien en ait parlé; or Walter se déclare incapable de prouver cette révolution par des textes.

Un Census existe sous l'empire, cela est vrai; mais ce n'est pas celui de Servius. Dans deux textes, Ulpien nous parle de cette institution au § 8 du titre I de Regulæ, il la déclare abandonnée, et, dans la loi 4 de Censibus Dig. il en expose le fonctionnement actuel: le mot Census comprend évidemment deux choses différentes. Or, d'après Ulpien, on ne recensait que la terre et ses produits : si la terrena jugatro eût pesé sur tout le capital, les documents eûssent mentionné les créances, les marchandises, l'argent monnayé, les bijoux, comme au temps de Servius.

Si nous examinons le fonctionnement de l'impôt de Walter, nous nous heurtons à de flagrantes iniquités ainsi deux personnes également riches en biens mobiliers demeurent l'une dans une maison louée, l'autre dans un immeuble qui lui appartient; la première ne paiera que la plebeia capitatio fort

minime on le sait, l'autre paiera la jugatio terrena pour tout son patrimoine, mobilier et immobilier. Dans notre système l'inconvénient, s'il reste, est bien moindre : ni I'nne ni l'autre de ces deux personnes ne paie d'impôt direct pour ses biens mobiliers, mais si l'une paie la terrena capitatio ce n'est que pour sa maison, et l'autre paie du moins la capitatio plebeia.

Enfin il semble bizarre, qu'on ait grevé à nouveau, d'un grand nombre d'impôts fort lourds, tels que la vicesima hereditatum, la collatio lustralis etc..., des richesses déjà atteintes, par l'impôt sur le revenu.

A notre avis, la théorie de Walter, fort ingénieuse du reste, doit être rejetée et nous proposons de nous en tenir au système de Savigny : impôt foncier sur les propriétaires, impôt personnel sur les non-propriétaires; la dualité est fort équitable, donne à la taxe une grande élasticité, et le fonctionement nous en semble tout simple.

CHAPITRE III

LE CENS

L'existence d'un impôt exclusivement foncier étant mise hors de doute, nous devons rechercher maintenant comment on arrivait à la détermination de la matière imposable, afin de la pouvoir grever avec justice.

Nous trouvons ici une institution qui, bien qu'importée en Italie, n'en devint pas moins une des plus caractéristiques de ce peuple sérieux, pratique, économe (1), que Rome fit vraiment sienne par l'importance et le développement qu'elle lui donna, jusqu'à en faire pour ainsi dire la base de son organisation sociale, et le moyen de sa puissance.

Bien que le cens, tel qu'il avait été établi par Servius Tullius, 553 avant J.-C., avec ses recherches inquisitoriales, son importance politique et militaire, fût tombé en désuétude; bien qu'à partir d'Auguste il fût

(1) On pourrait faire un rapprochement entre cette institution, qui permet, dit Florus, d'administrer la République comme la maison d'un particulier, et la coutume nationale des registres familiaux constatant les ressources de chaque maison.

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