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partage aussi les prisonniers de guerre, les animaux : chacun est également riche, chacun paie une même somme tel il fut dans la Rome primitive. L'égalité entre les fortunes ne subsiste que peu de temps, mais le procédé persiste étant doué d'une certaine élasticité, nous le trouvons encore en Kabylie sous le nom de lesma, et d'achour dans les douars du Tell. En Turquie il se combine avec la dîne; en Russie avant l'affranchissement des serfs, existait aussi un impôt basé sur le nombre des esclaves.

2° L'impôt peut porter sur le revenu brut: ce mode d'assiette correspond à une civilisation déjà bien plus avancée. La dime, que nous trouvons établie dans les lois de Manou et dans la Bible, existe encore en Turquie et chez la plupart des peuples de l'Orient. En France elle a persisté jusqu'en 1789 sans soulever trop de plaintes; elle parut même si parfaite à Vauban qu'il voulût en faire la source unique de nos finances. C'est pourtant une méthode bien primitive encore et qui présente de graves inconvénients: non valeurs pour l'Etat, obligation pour lui de recourir à des intermédiaires dont on connaît les abus, ou de se faire acheteur et vendeur du dixième des produits du sol, ce qui est chimérique dans un pays étendu. Ses inconvénients économiques sont plus graves encore; on donne à l'Etat un rôle contraire à celui qu'il doit remplir; on favorise les cultivateurs qui négligent leurs terres au détriment de ceux qui les soignent intensivement, puisque cette manière de cultiver oblige à plus d'avances;

enfin on frappe plus lourdement le pays dans les années de disette que dans celles d'abondance.

3o L'impôt foncier peut être assis sur le capital, sur la valeur vénale de la terre. Ce procédé et le suivant, qui consiste à asseoir l'impôt sur le revenu net, se partagent les suffrages des économistes: Rome l'avait adopté. Nous l'avons abandonné ainsi que les peuples qui nous entourent : avec raison? -- Il est permis d'en douter, comme nous essayerons de le prouver plus tard. Qu'il nous suffise de dire ici que cette méthode semble avoir pour elle le mérite d'une grande simplicité, d'une base large et stable dont la constatation est autrement facile que celle du revenu.

4° Enfin l'impôt peut frapper le revenu net de la terre. C'est là le procédé le plus moderne, celui de l'Etat Français et des peuples Européens. Ses partisans y voient l'avantage d'une grande justice, d'une souplesse parfaite et d'une concordance absolue avec la règle économique qui veut que l'impôt soit un prélèvement de l'Etat sur les bénéfices que les particuliers réalisent grâce à sa protection. Il se rapproche en outre de l'idéal qui semble être une taxe portant sur le revenu recherché spécialement et grèvé en tant que tel. Mais il en diffère en ce que le revenu n'est ni recherché spécialement ni avoué, mais induit de certains signes.

L'impôt foncier peut encore revètir d'autres caractères il peut être de quotité ou de répartition. On peut même cumuler les avantages des deux systèmes :

C'est ce que nous voyons dans l'impôt romain et ce qui existe en Chine. Chez nous, l'impôt est de répartition, procédé assez grossier inspiré par des considérations politiques et non économiques.

L'impôt foncier peut être proportionnel ou progressif. Nous ne voulons point entrer ici dans la discussion des doctrines de l'égalité de protection et de l'égalité de sacrifice, nées toutes deux de la première règle d'A. Smith. Qu'il nous suffise de dire qu'en matière d'impôt foncier une pregressivité raisonnable nous semblerait possible et que, tout en nous attachant fermement à l'école de l'égalité de protection et sans aller aussi loin que Montesquieu, on pourrait, croyons-nous, en atténuer les injustices: l'impôt foncier offre une base solide, certaine, facilement appréciable; les petits propriétaires terriens sont dignes du plus grand intérêt quelque allègement à leur dure condition nous semblerait équitable.

Nous avons essayé de montrer dans cette rapide esquisse, sous quelles nombreuses formes on peut concevoir l'impôt foncier et que le nôtre n'a point toutes les qualités dont il serait susceptible. On voit donc quelle pourra être l'utilité de cette étude: l'impôt romain avec son admirable cadastre, son mode d'assiette large et précis, son double caractère de quolité et de répartition pourrait sous certains rapports servir de modèle. au nôtre. L'étude de l'impôt foncier dans l'ancienne. France aura l'avantage de nous le présenter sous deux de ses formes les plus caractéristiques, la dime et la

taille et de montrer quels abus on dut éviter pour arriver à créer l'instrument relativement perfectionné que nous possédons.

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