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paternité pour cause d'impossibilité morale de cohabitation, résultant de titres ou de simples présomptions contre la paternité du mari. Les faits de cette espèce· se trouvaient très-favorables au désavouant. Il était défendeur. Il était resté séparé amiablement de sa femme pendant trente cinq ans. L'enfant issu de cette dernière réclamait la situation de légitime, après avoir conservé l'état d'enfant adultèrin pendant près de vingt cinq ans. On comprend qu'il eut été difficile, en pareille hypothèse, d'appliquer toutes les sévérités de la jurisprudence coutumière. Cette modification provenait d'une idée équitable, que les rédacteurs du Code Civil ne devaient point abandonner. Notre art. 325 confirme, en effet, la théorie du Parlement de Paris, dans les espèces où le désaveu n'est qu'une défense du mari contre une réclamation d'état intentée par l'enfant. Cependant Merlin n'osait admettre la doctrine du Parlement. « Cette décision est bien hardie, <«< dit-il dans son répertoire, si elle est rapportée fidè«<lement. On ne voit dans les circonstances retracées << par l'arrêtiste ni impuissance physique, ni absence suffisante pour faire cesser la règle pater is est quem nuptiæ demonstrant; et ce sont cependant les deux << seules exceptions que l'on puisse adapter à cette règle si l'on veut ne pas abandonner ces sortes de questions à un arbitraire effrayant. » Malgré les résistances qu'elle dut soulever, cette doctrine fut consacrée par un nouvel arrêt du Parlement en date du 13 mars 1758. Le Code Civil, auquel nous arrivons, s'y est conformé en permettant, dans certains cas limitativement déterminés, et moyennant l'existence de plusieurs conditions, le désaveu d'un enfant pour cause d'impossibilité morale de cohabitation entre les époux.

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132.

Règle pater is est reproduite par l'art. 312 (premier alinéa.)

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133. Il n'existe de présomption de paternité que dans le mariage.

134. La règle de l'art. 312 s'applique au mariage putatif.

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130. — « Il existe une règle d'autant plus sacrée qu'elle n'a d'autre origine que l'origine même de la «< société ; d'autant plus respectable, que tous les peu«ples l'ont respectée, et d'autant plus nécessaire qu'elle assure la tranquillité et la perpétuité des fa

« milles : c'est la loi qui veut que le mariage indique « le père ».

Ainsi s'exprimait Cambacérès dans son discours sur le deuxième projet du Code Civil, prononcé durant la séance du 23 fructidor an II, à la Convention. La règle romaine devait donc rentrer dans la nouvelle législation et devenir le principe fondamental de notre matière. Le Code Civil ne fut achevé que dix ans après cette époque, mais aucune variation ne fut introduite sur ce point. Les projets consécutifs ont tous reproduit cette règle dans des termes à peu près identiques. Dans la séance du 2 germinal an XI, le tribun Duveyrier, présentant au corps législatif la loi qui devait former le titre de la paternité et de la filiation, prononçait les paroles suivantes : « Dans l'impossibilité d'em« prunter à la nature un signe évident et infaillible de « la paternité, et néanmoins dans la nécessité de l'ob« tenir pour fonder les sociétés sur l'exacte division « des familles et la succession certaine des individus <<< et des biens, l'homme a saisi la présomption la plus << voisine de la preuve..... cette conjecture d'une force << presque égale à l'évidence, a été le guide sûr des << fondateurs de toute société..... cette règle fonda<«< mentale est aussi la base de la loi proposée. »> Immédiatement après la lecture de cet exposé des motifs, le projet était adopté et devenait partie intégrante du Code Civil.

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Nous arrivons donc immédiatement à la législation actuelle, sans vouloir nous arrêter aux divers incidents des travaux préparatoires. Les remarques à faire sur chacune des différentes rédactions ne présentent

Fenet, tom. 10 pag. 204.

qu'une importance minime. D'ailleurs, nous indiquerons en leur lieu et place les arguments à en tirer pour la solution des nombreuses controverses que nous allons rencontrer.

131. On a peine à concevoir, au premier abord, que le nombre des difficultés soit aussi considérable, en cette matière. On serait porté à accuser de légèreté les rédacteurs du Code. Les inconvénients que l'on voulait faire disparaître étaient présents à tous les esprits. On se rappelait les fortes paroles de d'Aguesseau démontrant que les relations de filiation et de paternité devaient être fixées par des règles précises et immuables; on sentait combien il était temps d'en finir avec le régime du vague et de l'arbitraire des tribunaux; comment expliquer que l'on ait laissé persister de l'incertitude sur des points aussi nombreux? Cette critique est d'autant plus aisée à faire aujourd'hui, que la plupart des questions délicates se sont posées et ont été tranchées plusieurs fois. Mais au moment de la confection du Code, pouvait-on facilement les prévoir ? On cherchait a faire disparaître les abus que l'on connaissait, les incertitudes qui avaient toujours dominé la matière; mais il ne faut point oublier qu'elle n'avait jamais été régie par des textes certains, ou du moins que ces textes ne nous sont pas parvenus. De là, deux écueils à éviter le premier, de laisser subsister les abus antérieurs. Ici les législateurs ont fait leur possible et ont réussi, les résultats anciens, ces sentences qui avaient provoqué tant de critiques souvent acerbes, ne peuvent plus se reproduire aujourd'hui.

Quant à la seconde difficulté, elle consistait à poser un texte tellement précis et logique, qu'il ne laissât

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