Page images
PDF
EPUB

LE

DERNIER BOURBON

DROITS RÉSERVÉS

REPRODUCTION INTERDITE

PAR ÉMILE OUCHARD
33

LEES-MUSEUM

BIBLIOTHEEK

TE AMSTERDAM.

PARIS

E. DENTU, LIBRAIRE-ÉDIteur

PALAIS-ROYAL, 15, 17, 19, GALERIE D'ORLÉANS

1881

DC280 ..5 C3808

LE DERNIER BOURBON

I

Credo

Henry-Louis-Charles-Ferdinand-Marie-Dieudonné est né un vendredi, signe bien certain que son premier parrain « le destinait à sauver la France, comme il avait choisi le même jour pour faire mourir son fils, destiné à sauver le monde (1). >> << Voyez, s'est écriée sa mère avant que le cordon ombilical fût coupé, mon fils et moi nous ne faisons qu'un ! » Or, de tels prodiges marchent de pair avec des paraboles, et celle-ci veut clairement dire : « La France et lui ne font qu'un ! » On peut consulter làdessus, si l'on a peu de foi, tous les prophètes de la messiade de Dieudonné et Dieudonné lui-même. « Servir la France, c'est me servir moi-même (lettre à M. de Dreux-Brézé, 8 septembre 1842).» «La maison royale de France est indissolublement unie à la nation (Manifeste 25 octobre 1852).» «Français, je ne me sépare pas de vous! la France sait que je lui appartiens! » (Manifeste 5 juillet 1871.) « Français, la France a besoin de la royauté ; ma naissance m'a fait votre roi!» (Manifeste 2 juillet 1874.)» Je puis sauver la France, je le dois et je le veux (20 juillet 1879.) »

Le titre d' << Enfant de l'Europe,» qui lui fut décerné quand il

(1) Quotidienne, 30 septembre 1820.

M314066

était encore au berceau, fait bien voir que son génie politique était prédestiné aux alliances.

C'est le deuxième article du Credo légitimiste.

Il a rendu à la France « la notion du respect, » et la France retrouve en lui l'image de sa dignité et de sa fierté (2). » C'est le troisième.

Qu'un homme vienne dire :

Français, l'un de vous a égorgé mon père dans la rue, stupidement, par haine de son nom et de sa race; ma mère, vous l'avez emprisonnée, humiliée comme princesse et comme femme; auparavant vous aviez coupé le cou, en place publique, à mon grand-oncle et à mes tantes ; vous avez maudit, exécré, proscrit toute ma famille; obligés par les Allemands, les Cosaques et les Anglais d'en subir le retour, vous l'avez ignominieusement rechassée; mon grand-père est mort dans l'exil; élevé à l'étranger, je suis inconnu de la plupart d'entre vous, mais je brûle du désir de vous ouvrir les bras et de faire votre bonheur. Je n'ai aucune haine dans le cœur et seul je puis vous réconcilier tous ! Il ne faut pas prendre ce langage pour celui d'un fourbe ou d'un mauvais fils.

« Un Maure, dit la Bible, changerait-il sa peau et un léopard ses taches? Le chien est retourné à ce qu'il avait vomi, et la truie, après avoir été lavée, s'est vautrée de nouveau à son bourbier. >> Les lois physiologiques de la production et de l'évolution mentent en ce qui concerne le prince, lequel est le meilleur de sa race, « mais la nation sera conduite par le doigt de Dieu à retourner à son vemissement et à se rembourbonner ». C'est le quatrième article du Credo.

Voici le dernier : A lui seul se rapporte la notion du droit et du devoir; il n'y a pas de loi valable en dehors de celle qu'il établirait, pas d'honneur en dehors d'une fidélité canine à lui et à sa famille. Ce que nous appelons crime de lèsepatrie, il l'appelle loyauté; ce que nous appelons vertu civique, il l'appelle trahison; où nous voyons le Progrès il signale un retour à la barbarie. Depuis cinquante ans qu'il vit hors de France il connaît l'esprit de la France mieux que personne. «< Homme de son temps» surtout, il veut l'être et il en revendique le titre. Descendant d'une race illustre, il conservera dans l'histoire le reflet de sa splendeur déchue, et s'il ne parvient

(2) « Pour la première fois depuis cinquante années, la France manifeste la surprise de rencontrer un homme qui lui rend la notion du respect; elle s'incline devant l'image retrouvée de sa dignité et de sa fierté. » (Conférence de M. le vicomte de Mayol de Luppé, 19 juin 1880, Union).

pas à remonter sur le trône de ses pères, il sera demeuré, dans sa dignité intacte, le modèle de ceux qui sont encore appelés à montrer comment les dynasties finissent.

II

L'école des prétendants

Chaque prétendant travaille comme il peut. Les derniers Stuarts se servaient de l'or et des armes de la France pour revenir en Angleterre. Les oncles de Dieudonné ont réclamé la réciprocité du service. Louis XVIII avait raison de dire au Régent, quand il quittait Londres:

« C'est à la persévérance, aux efforts prolongés de sa guerre contre la France que je dois, après Dieu, mon rétablissement sur le trône de mes pères. » Plus tard, nous avons connu les coups de pistolet hardis à la porte des casernes, les débarquements avec l'aigle (et le lard dans le chapeau), l'embauchage réglé des colonels, les guet-apens nocturnes et l'ingénieuse manière de sortir de la légalité pour rentrer dans le droit.

En Espagne, le roi des boinas s'est fait voleur de grands chemins, détrousseur de diligences, Fra-Diavolo avec du canon. Mais en voici un qui n'a ni Vendée ni Biscaye à sa disposition, avec cela peu de goût pour les aventures de cape et d'épée.

La parade lui tient lieu de revue et chez lui on défile à la parade. La première fois, il avait vingt-quatre ans il voulut avoir son groupe, drapeau déployé, dans la Chambre censitaire de Louis-Philippe. Des juges et des députés qui avaient prêté serment à ce dernier passèrent la Manche et vinrent courber l'échine à Belgrave-Square. Le prétendant leur distribua les rôles. En même temps, il jouait au roi, envoyait des adresses à «< ses bonnes villes de France », correspondait avec tous les évêques ultramontains, félicitait les magistrats atteints et convaincus de forfaiture, envoyait de l'argent pour travailler à la réélection des députés flétris. « Les hommes qui gouvernent la France, écrivait » le prince (à M. Hyde de Neuville, 4 février 1844), cherchent à >> faire croire qu'animé de sentiments personnels ou d'une ambi>>tion vulgaire, je veux porter le trouble et la discorde dans >> notre pays; il faut démentir ces calomnies. » Tout en criant à la calomnie, on n'en travaillait pas moins d'arrache-pied à amener la révolution de Février. On réclamait « la réforme de » ces lois injustes qui privent le plus grand nombre des contri» buables de la participation légitime qui leur appartient dans

« PreviousContinue »