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GALERIE HISTORIQUE

DE LA

RÉVOLUTION FRANÇAISE.

VERGNIAUD

( PIERRE-VICTORIN)

Né à Limoges en 1759; mort à Paris, sur l'échafaud, le 31 octobre 1755,

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Fils d'un avocat de Limoges, Vergniaud avait embrassé la carrière de son père; mais le barreau de sa ville natale ne lui offrant point de causes dignes de son précoce talent, il se rendit à Bordeaux où il acquit bientôt une assez belle réputation. Quelques procès importants qu'il gagna, lui valurent une nombreuse clientelle; sa fortune s'accrut rapidement; elle fut devenue plus considérable sans une insouciance impardonnable qui lui fit négliger plus d'une fois ses propres affaires, et celles de ses cliens euxmêmes. Un jour, un riche négociant de la Réole apporte à Vergniaud un dossier volumineux. -« Tout mon avoir, lui dit-il,

TOME II.

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se trouve engagé dans le procès que voici. Votre talent et votre habileté me sont connus; je vous confie cette cause, prenez connaissance des pièces, et fixez vous-même votre salaire. » Vergniaud prend le dossier, le feuillette, paraît effrayé de son volume; puis, ouvrant sa caisse et voyant qu'elle est suffisamment garnie de numéraire, répond au visiteur que de nombreuses occupations lui interdisent de se charger de nouvelles affaires.

Vergniaud avait une aimable cliente, M" R..., orpheline de vingt-un ans. Héritière d'une ancienne famille de robe, on l'avait confiée, à la mort de son père, aux soins d'un tuteur de mauvaise foi, qui avait détourné avec une grande habileté la majeure partie de la fortune de sa pupille. La cause fut évoquée devant le parlement de la Guienne, et Vergniaud fut chargé de la plaider. Epris des charmes de sa cliente, il avait su lui inspirer une vive passion, un projet de mariage avait été formé entre eux, et le jeune avocat s'était bien promis de faire tous ses efforts pour gagner un procès si intéressant. Toutes ses dispositions étaient prises; sa plaidoirie était prête, lorsque quelques-uns de ses amis l'engagent à une partie de campagne Vergniaud, à qui les plus graves affaires ne pouvaient faire oublier ses plaisirs, accepte l'invitation, abandonne son cabinet et part pour Rions, où l'attendent ses compagnons joyeux. Mais à peine est-il sorti de Bordeaux, que son cheval se cabre, lui fait vider les arçons et le jette sans connaissance sur la grande route. Cet accident le retient au lit pendant trois mois. Cependant l'affaire de sa maîtresse est appelée devant le parlement; un autre avocat se charge de la plaider, et le procès est perdu. Trop fière pour se marier sans apporter une dot à son époux, MR... résiste alors à toutes les sollicitations de son amant et prend le voile dans un monastère de Carmélites. Vergniaud, inconsolable, jura de renoncer au mariage; il tint son serment, et garda toujours un tendre souvenir pour la jeune orpheline de Bordeaux.

Lorsque l'Assemblée nationale eut procédé à une nouvelle division de la France, Vergniaud fut nommé membre de son dépar

tement. En 1791, il fut envoyé à l'Assemblée législative. Un plus vaste champ était ouvert à son éloquence; elle rallia autour de lui quelques hommes généreux et doués de qualités sympathiques. Brissot, Condorcet, Guadet, Gensonné, le ministre Roland et le maire Pétion furent les fondateurs de ce parti girondin qui allait jeter un și grand éclat, et qui devait se retrouver plus nombreux et plus fort sur les bancs de la Convention.

Les Girondins visaient au ministère. Incertains sur l'avenir de la France, appelant de tous leurs vœux l'établissement d'une république, ils reculaient devant l'emploi des moyens violents. Ils souhaitaient qu'une révolution morale détachât peu à peu le peuple de la royauté, et amenât ainsi, sans secousses, le règne de la liberté et de l'égalité. Mais pour cela, il fallait que les Tuileries ne se missent pas en opposition continuelle avec le pays et que l'obstination de la cour à rester dans son système contre-révolutionnaire, ne provoquât point une insurrection prématurée. En obtenant les portefeuilles, ils espéraient prolonger un état provisoire, qui n'était pas encore ce qu'ils désiraient, mais qui leur permettait de faire l'éducation politique du peuple. La chute de Délessart leur fit atteindre ce but. Vergniaud prit une part très active aux attaques dont le ministre fut l'objet; non content de l'accuser, comme Brissot, d'une humiliante négociation avec l'Autriche, il lui imputa les massacres d'Avignon et les luttes sanglantes qui venaient de déchirer cette ville malheureuse (1).

« Ce n'est plus ma voix que vous allez entendre, s'écria-t-il ; c'est

(1) Avignon et tout le Comtat avaient été réunis à la France par un décret de l'Assemblée nationale. Ce pays était en proie à deux factions qui le déchiraient depuis les premiers jours de la révolution: les papistes et les agitateurs, qui couvraient leurs brigandages du manteau du patriotisme. Les bureaux ministériels avaient retardé, par leur lenteur et leur mauvaise volonté, le décret de réunion, et les anarchistes avignonnais en profitèrent pour se livrer à leurs féroces instincts. Dans la nuit du 16 au 17 octobre 1791, s'étant emparés des prisons, ils massacrerent environ soixante-cinq détenus, dont ils jetèrent les cadavres sur la glacière du palais des papes. C'est ce massacre que Vergniaud impute au ministre Déles

sart.

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