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Ainsi, le mariage étant institué pour la multiplication du genre humain par l'union de l'homme et de la femme, liés de la manière dont Dieu les unit, toute conjonction hors du mariage est illicite, et ne peut donner qu'une naissance illégitime (C. civ. 331,s.); et cette vérité est le fondement des lois de la religion et de la police contre les conjonctions illicites, et de celles qui règlent l'état des enfans qui en naissent.

Le lien du mariage, qui unit les deux sexes, est suivi de celui de la naissance qui lie au mari et à la femme les enfans qui naissent de leur mariage. (C. civ. 312, s.)

3. C'est pour former ce lien que Dieu veut que l'homme reçoive la vie de ses parens dans le sein d'une mère; que sa naissance soit le fruit des peines et des travaux de cette mère; qu'il naisse incapable de conserver cette vie où il est entré; qu'il y soit long-temps dans un état de faiblesse et de besoin du secours de ses parens pour y subsister et y être élevé. Et comme c'est par cette naissance que Dieu forme l'amour mutuel qui unit si étroitement celui qui, engendrant son semblable, lui donne la vie, et celui qui la reçoit, il donne à l'amour des parens un caractère proportionné à l'état des enfans dans leur naissance, et à tous les besoins qui sont les suites de cette vie qu'ils leur ont donnée, pour les lier, par cet amour, aux devoirs de l'éducation, de l'instruction, et à tous les autres. Et il donne à l'amour des enfans un caractère proportionné aux devoirs de dépendance, d'obéissance, de reconnaissance, et à tous les autres où l'engage le bienfait de la vie (C. civ. 371, s.), qu'ils tiennent tellement des parens dont Dieu les fait naître, qu'il nous apprend que sans eux ils ne les auraient point (1); ce qui les oblige à rendre aux parens tous les secours et tous les services dans leurs besoins, et surtout en ceux du déclin de l'âge et des autres faiblesses, infirmités et nécessités où les enfans peuvent rendre à leurs parens des devoirs qui répondent aux premiers bienfaits qu'ils en ont reçus. (C. civ. 205 s.)

C'est cet ordre de la naissance qui, formant les engagemens entre les parens et les enfans, est le fondement de tous leurs devoirs dont il est facile de voir l'étendue par les caractères de ces différens engagemens. Et c'est de ces principes que dépend tout ce que les lois civiles ont réglé des effets de la puissance paternelle et des devoirs réciproques des parens envers leurs enfans et des enfans envers leurs parens. (C. civ. 203) Selon que ce sont des matières de la police; comme le sont les droits que les lois et les coutumes donnent aux pères pour la conduite de leurs enfans, pour la célébration de leurs mariages (C. civ. 144), pour l'administration et la jouissance de leurs biens (C. civ. 384), les rébellions des enfans contre l'obéissance aux pa(1) Eccles. 7, 28, 29, 30.

rens (C. civ. 375, 376, 377, s.), l'injustice des parens ou des enfans qui se refusent les alimens, et les autres semblables. (C. civ. 205, 206, s.)

Dès le jour où le Code civil a été exécutoire, les lois romaines, les ordonnances, les coutumes générales et locales, les statuts, les réglemens, ont cessé d'avoir force de loi générale ou particulière dans les matières qui sont l'objet du Code (1); sont abrogées les dispositions des lois anciennes relatives à des matières sur lesquelles le Code contient un système complet, par cela seul que ces dispositions n'y sont pas reproduites (2).

C'est encore sur ce même ordre, dont Dieu s'est servi pour donner la vie aux enfans par leurs parens, que sont fondées les lois qui font passer aux enfans les biens des parens après leur mort (C. civ. 718, s.); parce que, les biens étant donnés aux hommes pour tous les différens besoins de la vie, et n'étant qu'une suite de ce bienfait, il est de l'ordre naturel qu'après la mort des parens les enfans recueillent leurs biens, comme un accessoire de la vie qu'ils ont reçue d'eux. (C. civ. 723, 724.)

Le lien de la naissance qui unit les pères et les mères à leurs enfans, les lie encore à ceux qui naissent et descendent de leurs enfans; et cette liaison fait considérer tous les descendans comme les enfans, et tous les ascendans comme étant dans le rang des pères ou des mères. (C. civ. 733, s., 750, s.)

On peut remarquer, sur la différence des caractères de l'amour qui unit le mari et la femme, et de celui qui lie les parens et les enfans, que c'est l'opposition de ces différens caractères, qui est le fondement des lois qui rendent illicite le mariage entre les ascendans et les descendans en tous degrés, et entre les collatéraux en quelques degrés (C. civ. 161, 162, 163, s.); et il est facile d'en voir les raisons par de simples réflexions sur ce qu'on vient de remarquer de ces caractères, sur quoi il n'est pas nécessaire de s'étendre ici.

4. Le mariage et la naissance qui unissent si étroitement le mari et la femme, et les parens avec les enfans, forment aussi deux autres sortes de liaisons naturelles qui en sont des suites; la première est celle des collatéraux, qu'on appelle parenté; et la seconde est celle des alliés, qu'on appelle alliance ou affinité.

La parenté lie les collatéraux, qui sont ceux dont la naissance a son origine d'un même ascendant commun. On les appelle ainsi, parce qu'au lieu que les ascendans et descendans sont dans une même ligne de père en fils, les collatéraux ont chacun la leur qui va se joindre à l'ascendant commun. Ainsi ils sont l'un à côté de l'autre, et le fondement de leur liaison et de leur parenté est leur union commune aux mêmes parens dont ils ont leur naissance.

Il n'est pas de ce lieu d'expliquer les degrés des parentés; c'est une matière qui fait partie de celle des successions. Et il suffit de (1) Loi du 12 germinal an 12, ou 21 mars 1804. (2) Pau, 20 mars 1822.

remarquer ici que cette liaison des parentés est le fondement des diverses lois, comme de celles qui défendent le mariage entre les proches, de celles qui les appellent aux successions et aux tutelles, de celles des récusations des juges (pr. 44), et des reproches des témoins, parens des parties, et des autres semblables.

Les alliances sont les liaisons et les relations qui se font entre le mari et tous les parens de la femme, et entre la femme et tous les parens du mari. Le fondement de cette liaison est l'union si étroite entre le mari et la femme, qui fait que ceux qui sont liés par la parenté à l'un des deux, sont par conséquent liés à l'autre : et cette alliance fait que le mari considère le père et la mère de sa femme comme lui tenant lieu de père et de mère; et les frères et sœurs, et les autres proches, comme lui tenant lieu de frères; de sœurs et de proches; et que la femme regarde de même le père, et la mère, et tous les proches de son mari.

Cette relation des alliances est le fondement des lois qui défendent le mariage entre les alliés en ligne directe, des descendans et des ascendans en tous degrés, et entre les collatéraux, jusqu'à l'étendue de certains degrés; et aussi des lois qui appellent les alliés aux tutelles, de celles qui rejettent les juges et les témoins alliés des parties, et des autres semblables.

CHAPITRE IV.

De la seconde espèce d'engagemens.

par

1. Comme les engagemens du mariage et de la naissance, dans les parentés et dans les alliances, sont bornés entre certaines personnes, et que Dieu a mis les hommes en société pour les lier l'amour mutuel, de telle manière que tout homme soit disposé à produire envers tout autre les effets de cet amour, selon que l'occasion peut l'y obliger, il a rendu nécessaire dans la société une seconde espèce d'engagemens qui approchent et lient différemment toutes sortes de personnes, et suivent même ceux quì sont l'un à l'autre les plus étrangers (1).

C'est pour former cette seconde sorte d'engagemens, que Dieu multiplie les besoins des hommes, et qu'il les rend nécessaires les uns aux autres pour tous ces besoins. Il se sert de deux voies pour mettre chacun dans l'ordre des engagemens où il le destine.

La première de ces deux voies est l'arrangement qu'il fait des personnes dans la société, où il donne à chacun sa place, pour lui marquer par sa situation les relations qui le lient aux autres, et quels sont les devoirs propres au rang qu'il occupe; et il place chacun dans le sien, par la naissance, par l'éducation, par les inclinations et par les autres effets de sa conduite, qui rangent les hommes. C'est cette première voie qui fait à tous les hommes (1) Luc. 10, 33.

les engagemens généraux des conditions, des professions, des emplois, et qui met chaque personne dans un certain état de vie, dont les engagemens particuliers doivent être les suites.

La seconde voie est la disposition des événemens et des conjonctures, qui déterminent chacun aux engagemens particuliers, selon les occasions et les circonstances où il se rencontre.

2. Toutes ces sortes d'engagemens de cette seconde espèce sont, ou volontaires, ou involontaires. Car, comme l'homme est libre, il y a des engagemens où il entre par sa volonté; et comme il est dépendant de l'ordre divin, il y en a où Dieu le met sans son propre choix : mais, soit que les engagemens dépendent de la volonté, ou qu'ils en soient indépendans dans leur origine, c'est par sa liberté que l'homme agit dans les uns et dans les autres; et toute sa conduite renferme toujours ces deux caractères, l'un, de la dépendance de Dieu, dont il doit suivre l'ordre, et l'autre, de sa liberté, qui doit l'y porter. Ainsi toutes ces sortes d'engagemens sont proportionnés, et à la nature de l'homme, et à son état pendant cette vie.

3. Les engagemens volontaires sont de deux sortes: quelquesuns se forment mutuellement entre deux ou plusieurs personnes, qui se lient et s'engagent réciproquement l'une à l'autre par leur volonté; et d'autres se forment par la volonté d'un seul qui s'engage envers d'autres personnes, sans que ces personnes traitent avec lui.

On distinguera facilement ces deux sortes d'engagemens par quelques exemples: ainsi, pour les engagemens volontaires et mutuels, on voit que pour les divers besoins qu'ont les hommes de se communiquer les uns aux autres leur industrie et leur travail, et pour les différens commerces de toutes choses, ils s'associent, louent, vendent, achètent, et changent, et font entre eux toutes les autres sortes de conventions.

Ainsi, pour les engagemens qui se font par la volonté d'un seul, on voit que celui qui se rend héritier s'oblige envers les créanciers de la succession (c. civ., 793, s. 883), que celui qui entreprend la conduite de l'affaire d'un absent, à son insu, s'oblige aux suites de l'affaire qu'il a commencée; et qu'en général tous ceux qui entrent volontairement dans quelques emplois, s'obligent aux engagemens qui en sont les suites. (C. civ., 112, s.)

4. Les engagemens involontaires sont ceux où Dieu met les hommes sans leur propre choix. Ainsi, ceux qui sont nommés à ces charges, qu'on appelle municipales, comme d'échevins, consuls et autres, et ceux que la justice engage dans quelques commissions, sont obligés de les exercer, et ne peuvent s'en dispenser, s'ils n'ont des excuses. (i, 384, 385. C. civ. 427, 428.) Ainsi, celui qui est appelé à une tutelle est obligé, indépendamment de sa volonté, à tenir lieu de père à l'orphelin qu'on met sous sa

charge. (C. civ., 419.) Ainsi, celui dont l'affaire a été conduite en son absence et à son insu par un ami qui en a pris le soin, est obligé envers cet ami, de lui rendre ce qu'il a raisonnablement dépensé, et de ratifier ce qu'il a bien géré. (C. civ., 1372.) Ainsi, celui dont la marchandise a été sauvée d'un naufrage par la décharge du vaisseau, d'où l'on a jeté d'autres marchandises, est obligé de porter sa part de la perte des autres, à proportion de ce qui a été garanti pour lui. (Cod. 415, s.) Ainsi, l'état de ceux qui se trouvent dans la société, et sans biens, et dans l'impuissance de travailler pour y subsister, fait un engagement à tous les autres d'exercer envers eux l'amour mutuel, en leur faisant part d'un bien où ils ont droit. Car tout homme étant de la société, a droit d'y vivre; et ce qui est nécessaire à ceux qui n'ont rien, et qui ne peuvent gagner leur vie, est, par conséquent, entre les mains des autres; d'où il s'ensuit qu'ils ne peuvent sans injustice le leur retenir. Et c'est à cause de cet engagement que, dans les nécessités publiques, on oblige les particuliers, même par des contraintes, à secourir les pauvres selon les besoins. Ainsi, l'état de ceux qui souffrent quelque injustice, et qui sont dans l'oppression, est un engagement à ceux qui ont le ministère et l'autorité de la justice, de la mettre en usage pour les protéger. (i. 22, s.)

5. On voit dans toutes ces sortes d'engagemens, et dans tous les autres qu'on saurait penser, que Dieu ne les forme, et n'y met les hommes que pour les lier à l'exercice de l'amour mutuel, et que tous les différens devoirs que prescrivent les engagemens, ne sont autre chose que les divers effets que doit produire cet amour, selon les conjonctures et les circonstances. Ainsi, en général, les règles qui commandent de rendre à chacun ce qui lui appartient, de ne faire tort à personne, de garder toujours la fidélité et la sincérité, et les autres semblables, ne commandent que des effets de l'amour mutuel. Car aimer, c'est vouloir et faire du bien; et on n'aime point ceux à qui on fait quelque tort, ni ceux à qui on n'est pas fidèle et sincère. Ainsi, en particulier, les règles qui ordonnent au tuteur de prendre le soin de la personne et des biens du mineur qui est sous sa charge, ne lui commandent que les effets de l'amour qu'il doit avoir pour cet orphelin. (C. civ., 1370, s.) Ainsi, les règles des devoirs de ceux qui sont dans les charges et dans toute autre sorte d'engagemens généraux ou particuliers, ne leur prescrivent que ce que demande la seconde loi, comme il est facile de le reconnaître dans le détail des engagemens, et il est si vrai que c'est le commandement d'aimer qui est le principe de toutes les règles des engagemens, et que l'esprit de ces règles n'est autre chose que l'ordre de l'amour qu'on se doit réciproquement, que s'il arrive qu'on ne puisse, par exemple, rendre à un autre ce qu'on a de lui, sans blesser cet ordre, ce devoir est suspendu jusqu'à ce qu'on puisse l'accomplir selon

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