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dans le cas où il ne se trouverait pas de causes qui dussent en faire quelque exception. Ainsi, Justinien a excepté de cette règle les legs pieux. Ainsi, on peut en excepter les cas où l'héritier serait de mauvaise foi. Et si, par exemple, un héritier avait tenu caché un codicille contenant des legs, il serait sans doute condamné à la restitution des fruits et intérêts de ces legs si ce codicille venait à paraître. Mais lorsqu'on ne peut imputer à l'héritier aucune mauvaise foi, et qu'il n'a pas tenu à lui que les légataires n'aient eu connaissance du testament, et reçu leurs legs, les circonstances pourraient justement décharger l'héritier de la restitution de ses jouissances. Ainsi, par exemple, si un testament ayant été ouvert en justice, ou déposé chez un notaire au lieu du domicile du testateur, et par là connu et rendu public, il y avait des légataires dont on ignorât le domicile, ou qui fussent même inconnus ou absens dans un pays éloigné, de sorte qu'il ne fùt pas possible de les avertir, l'héritier qui, d'une part, doit demeurer en possession des biens et en prendre soin, et qui de l'autre doit demeurer propriétaire de ce qui ne pourrait être acquis aux légataires, soit qu'ils ne pussent ou ne voulussent recevoir leurs legs, ou que même ils en fussent incapables, peut sans injustice demeurer en possession de tous les biens de l'hérédité, et jouir de ce qui aurait été légué, ainsi que du reste. De sorte que sa jouissance n'étant pas une usurpation, et pouvant avoir quelques justes causes, autres même que la négligence du légataire, il est assez juste que cet héritier, dans ces circonstances, n'ait pas à craindre une recherche d'une restitution de fruits qu'il aurait perçus sans mauvaise foi. Ainsi, la règle qui le décharge de cette restitution a son équité dans les circonstances qui peuvent le justifier de mauvaise foi, et elle a aussi son utilité pour le bien public, à cause des inconvéniens qu'elle fait cesser d'une infinité de difficultés qui arriveraient si les héritiers étaient obligés indistinctement à restituer tous les fruits qu'ils auraient perçus depuis la mort du testateur. Et comme le retardement du paiement des legs peut arriver, ou par la mauvaise foi de l'héritier, ou sans qu'on puisse lui imputer de mauvaise foi, et qu'elle ne doit pas être présumée sans preuves, il a été juste de présumer la bonne foi de l'héritier qui peut avoir diverses excuses. Mais cette loi n'étant fondée que sur la présomption de la bonne foi de l'héritier, et sur les conséquences du bien public, qui demande qu'on fasse cesser les occasions des procès autant qu'il se peut, elle serait inutile pour justifier la conscience d'un héritier qui, quoiqu'on ne pût découvrir et lui imputer sa mauvaise foi, devrait se l'imputer lui-même, et, s'il se faisait justice, restituer les fruits injustement perçus d'un fonds légué qu'il pouvait re

mettre.

4. Les legs de deniers et autres choses qui de leur nature ne

produisent aucun revenu, doivent être acquittés comme tous les autres au terme porté par le testament, ou sont dus après la mort du testateur s'il n'y a point de terme. Mais, quoiqu'ils ne soient pas acquittés au terme, il n'en est dû aucun intérêt que depuis la demande (1) (C. civ. 1005, 1011, 1208), si ce n'est que le testateur eût ordonné que le légataire aurait les intérêts.

Les intérêts en ce cas ne seraient pas usuraires; car ce ne serait pas un prêt, mais une libéralité du testateur qui augmenterait le legs.

Si un légatare universel institué par testament olographe a été envoyé en possession d'une succession, il ne suffit pas aux héritiers du sang, autres que ceux au profit desquels la loi a établi une réserve, de méconnaître l'écriture du testateur, pour réclamer provisoirement la saisine des biens (2).

5. Si la chose léguée était de telle nature qu'elle dût produire au légataire des profits d'autre sorte que des fruits d'un fonds ou des intérêts, comme si c'était un certain nombre de jumens, un attirail ou appareil d'outils ou machines pour quelque manufacture, l'héritier qui serait en demeure devrait les profits que pouvaient produire ces sortes de choses. Mais si le legs était d'un haras, les poulains feraient partie du legs, et seraient au légataire, quoique l'héritier ne fût pas en demeure de le délivrer (3).

6. L'héritier qui n'acquitte pas les legs pieux dans le temps réglé par le testateur, s'il a donné un terme, ou dans le délai nécessaire selon la qualité de sa disposition, devrait les fruits, les intérêts et autres revenus selon la nature de la chose léguée, à compter depuis le terme s'il y en avait un, ou depuis la mort du testateur, s'il n'y avait point de terme (4). (C. civ. 1015, 1014.)

Quoique cette règle ait sa justice, non-seulement sur la faveur des legs pieux, mais aussi sur cette considération particulière que ces legs peuvent être ignorés ou négligés par les personnes qui en devraient faire le recouvrement, comme des administrateurs d'un hôpital, et autres qui peuvent en être chargés; on n'observe pas cette exactitude, qui pourrait quelquefois tourner en rigueur. Et il est même de la prudence des administrateurs des hôpitaux de ne pas exiger les legs pieux d'une manière qui soit à charge aux familles. Car cette conduite pourrait quelquefois détourner ceux qui en seraient blessés, de faire en faveur de ces hôpitaux de semblables dispositions, et les porter à disposer autrement de ce qu'ils auraient à laisser aux pauvres.

SECTION IX.

Comment est acquis au légataire son droit sur le legs.

Il a été remarqué à la fin du préambule de la sect. 10 des tes

(1) L. 1. C. de usur, et fruct. legat. (2) Rejet, 2 février 1818. (3) L. 26, ff. de legat. L. 8, ff. de usur. L. 39, eod. (4) L. 46, § 4 et 5. C. de Episc. et Cler. V. Nov. 131. C. 12.

tamens, où il est traité du droit de transmission, qu'il en serait aussi parlé en ce lieu dans quelques articles qui regardent ce droit. Mais on ne doit pas prendre ce qui sera dit dans ces articles pour des redites de ce qui a été dit dans cette sect. 10 des testamens. Car on y a expliqué les règles de la transmission en général, et ici on ne fera qu'appliquer ces règles à quelques cas où il est nécessaire d'en faire voir l'usage.

1. Comme le droit du légataire lui est acquis par un testament ou autre disposition à cause de mort, et que ces sortes de dispositions sont confirmées et ont leur effet au moment de la mort de celui qui a disposé, le droit au legs est acquis au légataire dans ce même instant (1) (C. civ. 1003, 1014, 895), si ce n'est que la volonté même du testateur y apporte quelque changement; ce qui dépend des règles qui suivent. (C. civ. 967.)

2. Il faut distinguer deux sortes de legs: ceux qui sont purs et simples, c'est-à-dire dont la validité ne dépend d'aucune condition; et ceux qui sont conditionnels, et qui n'ont leur effet que par l'événement de la condition d'où ils dépendent: comme si un testateur lègue une terre en cas que le légataire vienne à avoir des enfans (2). Et le droit sur ces divers legs est différemment ac quis aux legataires par les règles suivantes.

3. Si le legs était pur et simple, le droit en est acquis an légataire au moment de la mort du testateur, soit qu'il ait su ou ignoré et le testament et cette mort. Et si la chose léguée est un fonds ou un meuble de l'hérédité, ou autre chose qui y soit en nature, elle passe directement du défunt à lui, et il en est le maitre sans que l'héritier y ait aucun droit (3). (C. civ. 1014.) Ou si c'est une chose qui ne soit pas dans l'hérédité, ou une somme d'argent, il a son droit acquis pour en avoir la délivrance lorsque l'héritier sera tenu de la faire.

4. Si un legs étant conditionnel, la condition était arrivée du vivant du testateur, ou dans le temps de sa mort, cet événement ferait que ce legs serait comme pur et simple, ainsi que le droit en serait acquis au légataire au temps de cette mort.

5. Si la condition n'arrive qu'après la mort du testateur, le droit du légataire ne lui sera pas acquis au temps de cette mort, quand même la condition dépendrait de son fait, et qu'il offrit de l'exécuter, à moins que l'héritier n'acceptât son offre. Mais le legs ne lui sera dû qu'après qu'il aura accompli la condition, ou que, si elle était indépendante de son fait, elle sera arrivée (4`.

(1) L. 5, § 1, ff. quand. dies leg. vel fid. ced. L. 7, eod. V. l'art. 1o de la sect. 10 des testamens. (2) L. 5, § 1, ff. quand. dies leg. vel fideic. ced. Dict L. § 2. (3) L. 5, § 1, ff. quand. dies leg. vel fideic. ced. L. 80, ff. de leg. 2, 1. 75, § 1, eod. L. 64, in fin. ff. de furt. L. ult. C. quaud. dies leg. vel fideicomm. ced. L. 3, eod. (4) L. 5, § 2, ff. quand. dies leg, vel fid. ced. L. un. $7. C. de cad. toll.

6. Il faut distinguer trois sortes de legs par rapport au temps où le légataire peut avoir son droit acquis, et au temps où il peut exercer ce droit : les legs purs et simples sans aucun terme, les legs à un terme, et les legs conditionnels. Et cette différence a l'effet qui sera expliqué par les règles qui suivent.

7. En toute sorte de legs il faut distinguer deux divers effets du droit du légataire : l'un qui le rend maître de la chose léguée, soit qu'il puisse en demander la délivrance, ou qu'il ne le puisse pas encore; et l'autre qui le met en état de demander cette délivrance. C'est de ce premier effet dont on dit qu'alors le temps est venu où le légataire a son droit acquis, et où le legs est dû; et c'est du second dont on dit qu'alors le temps est venu où le légataire peut demander le legs. Ainsi, quand le legs est pur et simple et sans terme, le moment de la mort du testateur a ces deux effets; et le temps est alors venu où le droit au legs est acquis au légataire, et où il peut demander la chose léguée. Ainsi, lorsqu'il y a un terme au legs pur et simple, le premier de ces deux effets arrive le jour de cette mort, et le second n'arrive que le jour du terme. Ainsi, lorsque le legs est conditionnel et sans autre terme, il a ces deux effets au moment que la condition est arrivée; ou s'il y a un terme, le second effet est suspendu jusques à ce terme. Et si la condition n'est pas arrivée, le temps n'est pas venu qui acquiert le legs, et encore moins le temps de le demander (1). (C. civ. 1003, s. 1014, S. 1041.)

8. Il s'ensuit des articles précédens, que si le légataire vient à mourir avant que d'avoir reçu la chose léguée, le legs peut passer ou ne point passer à ses héritiers, selon l'état où se trouve son droit au temps de sa mort. Et il transmet le legs si le droit lui en était acquis, ou ne le transmet point si le temps n'était pas venu le legs lui fût dû (2). (C. civ. 1041, 1014, 1040.)

que

9. De quelque nature que soit le legs, si le légataire était mort au temps du testament, ou s'il meurt avant le testateur, son héritier n'aura aucun droit au legs. Car le légataire même n'y en pouvait avoir qu'au temps de la mort du testateur qui devait donner l'effet à son testament. (C. civ. 1039.)

10. Si le legs est conditionnel, et que le légataire meure avant que la condition du legs soit arrivée, il meurt sans avoir jamais eu aucun droit au legs; ainsi, il n'en transmet aucun à son héritier. (C. civ. 1040, 1039.)

11. Lorsque le legs est pur et simple, soit qu'il y ait un terme pour le paiement ou qu'il n'y en ait point, le legataire qui a survécu au testaleur ayant son droit acquis, le transmet à son héritier, soit qu'il meure avant ou après le terme. (C. civ. 1041, 1014, 781.)

(1) L. 9, ff. ut legat. ser. fideic. serv. caus. caveat. L. 21, ff. quand. dies leg. vel fideic. ced. L. 213, ff. de verb. signif. (2) L. 5, ff. quand. dies leg. vel fideic. ced. L. 1, § 2, ff. de condit. et demonstr.

12. Il ne faut pas mettre au nombre des legs conditionnels tous ceux où le testateur pourrait s'être servi du mot de condition. Car, comme il a été dit en son lieu, on confond souvent les conditions avec les charges que les testateurs imposent aux legs; ce qui rend équivoque ce mot de condition. Mais on ne doit appeler conditionnels que les legs dont la validité dépend d'une condition, de sorte que, jusqu'à ce qu'elle soit accomplie, le légataire n'ait encore aucun droit. Ainsi, par exemple, si un testateur lègue une somme en cas que le légataire soit marié au temps de la mort du testateur, ou qu'il ait des enfans, ou qu'il soit pourvu d'une charge; ce sont des legs conditionnels, encore que le mot de condition ne soit pas exprimé dans le testament. Mais si le testateur lègue un fonds à condition que le légataire y souffrira une servitude pour l'usage d'un autre fonds qu'il lègue à quelque autre, cette expression imposera bien au légataire la charge de cette servitude, mais ne rendra pas le legs conditionnel; et si le légataire meurt avant que le droit de la servitude ait été mis en usage, le legs ne laissera pas d'être transmis à l'héritier de ce légataire. (C. civ. 1040, 1041.)

13. Si la condition d'un legs était que le légataire eût des enfans, le testateur ayant ordonné que quand il en aurait, l'héritier lui donnerait, ou une somme, ou un certain fonds, et que ce légataire mourût sans avoir encore d'enfans, mais sa femme étant enceinte d'un enfant qui naquît ensuite, ce legs aurait son effet, et ce légataire aurait transmis son droit à son héritier. Car cet héritier serait cet enfant que le testateur avait eu en vue, et de qui la naissance aurait accompli la condition (1). (C. civ. 1049.)

14. Si le testateur avait fait dépendre le legs d'une condition ou injuste ou malhonnête ou impossible, comme cette condition n'obligerait à rien, ainsi qu'il a été dit en son lieu; ce legs serait de la nature d'un legs pur et simple, et le légataire venant à mourir avant que de l'avoir reçu, transmettrait son droit à son héritier (2). (C. civ. 1014, s. 900.)

15. Les legs dont l'effet dépend d'un temps incertain, c'est-àdire dont il n'est pas certain qu'il arrivera, sont de la même nature que les legs conditionnels. Car ils renferment la condition qu'ils n'auront leur effet qu'en cas que ce temps arrive. De sorte que si le légataire d'un legs de cette nature venait à mourir, ce temps n'étant pas encore arrivé, il ne transmettrait pas le legs à son héritier. Ainsi, par exemple, si un testateur avait légue une somme à un légataire en cas qu'il parvint à l'âge de majorité, ce légataire venant à mourir avant sa majorité, son héritier n'aurait rien au legs (3). (C. civ. 1039, 1040.)

(1) L. 18, ff. quand. dies legat. ced. 1. 20, ff. ad senat. Trebell. (2) L. 5, 3 et 4, ff. quand. dies leg. ced. V. l'art. 18 de la sect. 8 des testamens. (3) L. 49, ff. de legat. 1. L. 48, ff. de condit. et dem. V. I. 74, § 1, ff. ad

senat. Trebell.

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