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Voici la décomposition des nouvelles listes par catégories d'électeurs :

Inscrits comme payant la taxe personnelle depuis trois

ans.

ou 74 3711 p. 010.

Électeurs mis personnellement au rôle de la prestation en nature pour les chemins vicinaux, quoique ne payant pas la contribution personnelle. c'est-à-dire 6 314 p. 010.

Inscrits comme descendants majeurs vivant dans

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Comme majeurs servant habituellement chez leurs maîtres et demeurant depuis trois ans dans la même maison.

c'est-à-dire 1 7/8 p. 010.

5,028,973

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449,221

Inscrits comme majeurs travaillant habituellement chez leur patron et habitant depuis trois ans la maison de leur patron ou dans les bâtiments d'exploitation.

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c'est-à-dire 112 p. 010.

546,545

124,236

35,466

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On remarque entre ce total et celui indiqué plus haut (6 millions 809,281) une différence de 98,095. Ce chiffre représente les électeurs du département d'Ille-et-Vilaine, qui n'avaient pu être classés en temps utile.

Quant aux individus exclus en vertu des dispositions des articles 8 et 9 de la loi, le ministre déclarait que la majeure partie des maires n'avaient pas compris leurs instructions ou avaient

négligé de réunir les renseignements demandés ; il avait donc été impossible aux préfets de donner des chiffres satisfaisants.

On ne s'étonnera pas, en voyant ces chiffres significatifs, si des conservateurs sincères désiraient que des modifications fussent introduites, avant les élections de 1852, dans les dispositions d'une loi qui avait pu être utile dans un moment de crise, mais qui se montrait si radicale à l'application.

Quant à la Constitution, elle trouvait des adversaires ardents dans tous les partis, excepté dans le parti républicain.

Les uns lui imputaient toutes les difficultés de la situation, et s'en prenaient à la Constitution, faute de pouvoir s'attaquer ouvertement à la République elle-même.

Jamais, disaient-ils, la marche du gouvernement représentatif n'a été plus pénible, plus laborieuse, plus tourmentée, que sous l'empire de cette Constitution qui a prétendu tout simplifier et tout aplanir. Jamais l'union n'a été plus difficile à maintenir, jamais les divisions n'ont été plus fréquentes entre les pouvoirs de l'État que sous cette république dite une et indivisible. Le mot conflit est le terme le plus usuel du nouveau vocabulaire politique. Il n'y a qu'une Chambre, il est vrai, mais cette Chambre unique est divisée en quatre ou cinq partis principaux, incapables de se rallier dans une pensée commune. La République est donc ce qui nous divise le plus.

L'article 111 disposant que l'Assemblée nationale ne pourrait exprimer le vœu même de lá révision que dans la dernière année de la législature, et que le vœu de l'Assemblée ne pourrait être converti en résolution définitive qu'après trois délibérations consécutives, prises chacune à un mois d'intervalle et aux trois quarts des suffrages exprimés, cet article n'était-il pas en contradiction manifeste avec le principe fondamental de la République.

Qu'est-ce en effet, disait-on, qu'une constitution dans une république? qu'a-t-elle le droit de faire, et que fait-elle? Elle règle la forme du gouvernement et les attributions des pouvoirs publice. Mais est-ce qu'elle peut engager la nation elle-même, pour qui elle est une grande garantie, et non un frein ? Une telle Constitution n'a pas, comme les chartes monarchiques, le carac

tère d'un contrat entre un roi et ses sujets. Elle ne peut pas être un contrat de la nation avec elle-même. Un peuple, pas plus qu'un individu, ne saurait s'engager envers soi-même. Aussi l'article 1er de cette Constitution dit-il, que la souveraineté réside dans l'universalité des Français, et qu'elle est imprescriptible et inaliénable. Imprescriptible et inaliénable, cette souveraineté peut donc changer quand elle le veut ses institutions. Ses mandataires, qui ne sauraient supprimer son droit à cet égard, ne sauraient davantage le suspendre. Sans quoi, il y aurait un temps pendant lequel la souveraineté imprescriptible se trouve- rait prescrite, la souveraineté inaliénable serait aliénée.

Ce raisonnement est assurément irrécusable. Les membres de nos anciennes assemblées révolutionnaires en concluaient que le peuple doit être armé d'un droit d'initiative directe pour provoquer le changement de sa constitution, quand il croit cette mesure nécessaire à son salut et à son bien-être. Si, sous le principe de la souveraineté nationale, ce droit n'existe pas, c'est qu'il est difficile, peut-être impossible à organiser; mais si le peuple n'a pas ce droit, ses représentants doivent au moins s'imposer le devoir de rester toujours libres de le consulter. Comment! les mandataires du souverain se lieraient les mains, quand il s'agit, de quoi faire? de lui demander sa volonté. Vous entourez de précautions dérisoires et de dangereux délais, votre propre recours au peuple. Mais, sous prétexte de respecter son repos, ne cherchez-vous pas au contraire un moyen de vous soustraire temporairement à sa souveraineté, et d'y substituer la vôtre ?

Ce qu'on disait du droit de révision, on le disait également de toute solution déférée à l'arbitrage supérieur de la nation. Rééligibilité d'un président que la Constitution déclare inéligible, dissolution avant trois ans d'une assemblée triennale, tout cela est aussi inattaquable qu'une révision de la Constitution, faite en dehors des formalités inscrites dans l'art. 111, parce qu'aucune de ces choses ne se peut faire sans un recours au souverain. Or, ce que le peuple met dans ses votes, il le met par cela même dans la Constitution et le rend inviolable au premier titre. Ces principes sont le fond même du droit public actuel, et on ne comprendrait pas que des hommes se disant républicains les pussent

nier, si on ne savait que ces principes peuvent fournir des solutions pacifiques à une situation périlleuse, pour laquelle la Constitution n'en donne pas.

Ainsi donc les constituants de 1848 avaient méconnu le principe de la souveraineté nationale, quand ils avaient hérissé de difficultés de procédure, le droit inaliénable de révision. Ils l'avaient méconnu encore, quand ils avaient imposé des restrictions au droit qu'a la nation de choisir qui elle veut pour son chef. Eh quoi! la nation est souveraine, dites-vous, elle ne fait qu'un acte de souveraineté, un seul, et vous osez limiter sa liberté ! Encore une fois ce que le peuple met dans ses votes, il le met par là même dans la Constitution. Avouez donc loyalement que vous avez voulu enfermer la société dans une impasse, la tuer par ses institutions.

A cette revendication du droit de la nation, le parti démocratique répondait, non sans quelque raison: est-ce bien à vous qui avez nié pendant si longtemps la souveraineté du peuple, qui ne l'avez acceptée que comme une nécessité de circonstance, est-ce bien à vous de l'invoquer contre ceux-là même qui l'ont fait prévaloir? Par cela même que vous l'invoquez aujourd'hui, nous soupçonnons à bon droit un piége sous votre zèle inattendu. Voulez-vous donc, d'ailleurs, la perpétuelle mobilité des constitutions? On ne saurait s'arrêter dans cette voie. Si vous touchez à l'œuvre de vos devanciers, vous encouragez vos successeurs à mépriser la vôtre. Ce sera toujours à recommencer.

Nous l'avouons, disaient les représentants des diverses espérances monarchiques, le principe qui domine aujourd'hui a été établi sans nous, contre nous. Mais, s'il nous protége, que nous puissions au moins en revendiquer l'application complète. Est-ce bien à vous de nous le reprocher, vous qui en avez si souvent appelé à la souveraineté du peuple contre des institutions sous l'empire desquelles la France vivait calme et prospère. Quand vous niez la souveraineté de droit divin que s'attribuait l'antique monarchie, pouvez-vous attribuer à des constituants quelconques une sorte de droit divin temporaire, en vertu duquel ils enchaîneraient invinciblement à des institutions qui sont leur ouvrage nation dont ils ne sont que les mandataires? Où auraient-ils puisé

la

ce droit de régler, par leur volonté d'hier, la volonté nationale de demain? Ce n'est, dira-t-on, qu'une usurpation transitoire dans l'intérêt d'une stabilité relative. Mais vous ne pouvez pas plus usurper à temps qu'usurper à perpétuité sur le peuple. Peu m'importe, d'ailleurs, que vous ayez limité dans un court espace la durée de votre souveraineté arbitraire, si, dans ce court espace, la nation a le temps de souffrir beaucoup et peut-être même de périr.

Telles étaient les raisons données de part et d'autre; mais, de temps en temps, un mot, ou un acte plus précis, plus brutal révélait les passions personnelles cachées sous ces discussions théoriques. C'étaient comme ces coups de vent qui chassent les nuages amoncelés et découvrent un coin du ciel. La Montagne, au milieu de son activité peu réglée, avait souvent le privilége de ces franchises inattendues.

Parmi ces efforts on a déjà distingué ceux de M. Pascal Duprat qui, avec plus de bonne volonté que d'habileté, proposait d'établir des peines contre quiconque, par des écrits, des discours ou des manœuvres, appuierait la candidature à la présidence de la République de tous ceux dont la constitution interdisait l'élection. La commission d'initiative parlementaire, chargée d'examiner cette proposition, la considéra comme puérile et impuissante. En effet, disait-on, la lacération des bulletins inconstitutionnels pourrait avoir de graves inconvénients; elle se ferait sans contrôle, et, d'un autre côté, au lieu d'en connaître l'importance par voie d'addition, on l'obtiendrait par voie de soustraction. Au surplus, cette proposition serait incomplète; car il ne s'agirait pas seule ment de la réélection du Président actuel, qui pourrait passer pour inconstitutionnelle, mais aussi de l'élection d'autres candidats. La Constitution ayant repoussé la république sociale, tout candidat qui se présenterait comme socialiste devrait aussi être réputé candidat inconstitutionnel, et se voir appliquer les mêmes dispositions que M. Pascal Duprat invoquait pour le cas de l'élection du Président de la République.

Pendant que l'Assemblée semblait se recueillir sur le seuil de la discussion suprême de la révision, les partis extrêmes continuaient leur travail de désorganisation sociale.

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