Page images
PDF
EPUB

rents aspects sous lesquels on peut considérer les caisses d'épargne; celui des avantages immenses qui en résultent pour la moralité des classes ouvrières ou celui des charges qu'elles peuvent imposer au trésor public.

Un des motifs qui avaient contribué à faire adopter un chiffre aussi minime que celui de 1,000 francs pour maximum des versements, c'était la faculté que chaque membre d'une famille a de se faire ouvrir un compte personnel. Aussi, devait-on s'attendre à voir augmenter le nombre des nouveaux livrets. Inconvénient bien faible, si on le comparait à celui qui résulterait de la confusion, dans un même compte, d'intérêts souvent différents, bien que vivant côte à côte.

Quant à la réduction des intérêts, on sait que ce n'est pas l'appât d'un gros intérêt qui attire la plupart des déposants de la classe ouvrière. Ils recherchent avant tout la sûreté du placement et la facilité du retrait. (Voyez le texte de la loi à l'Appendice p. 36.)

Réforme hypothécaire, crédit foncier. - L'Assemblée effleura, sans la résoudre, la difficile question des institutions de crédit immobilier. Ce n'est pas là seulement une question politique, c'est une question sociale. Tout ce qui touche au crédit a, dans les temps modernes, une importance énorme, car une grande partie des abus signalés par les utopistes pourra un jour disparaître, grâce à ce puissant levier de travail et de production.

C'est dans l'organisation du crédit que se trouve la solution de ces questions sociales qui troublent la France et l'Europe depuis 1848. Elles sont pour les agitateurs des instruments de discorde; pour les hommes qui croient au progrès, elles doivent être l'objet d'études sérieuses et approfondies. En effet, le but des institutions de crédit est de faciliter la circulation des capitaux dans le sein des classes laborieuses, et il est hors de doute que si ce but était atteint, la prospérité et la sécurité publique trouveraient dans ce résultat un notable accroissement.

Malheureusement, la France, cette puissance civilisatrice par excellence, semble avoir abdiqué sur cette question l'initiative. qu'elle revendique avec raison en toute autre matière. Pour les institutions de crédit personnel, les Etats-Unis et l'Angleterre

[ocr errors]

sont bien en avance sur nous; pour les institutions de crédit foncier nous nous sommes laissés devancer par l'Allemagne. A quoi tient cette défiance et cette persistance dans la routine qui paralysent le développement de notre richesse nationale? Peutêtre en trouverait-on la cause dans nos révolutions successives, qui, constamment accompagnées de sinistres financiers, ont rendu les capitaux justement craintifs; toujours est-il que la France est un des pays les plus arriérés en cette matière.

Cependant les institutions de crédit foncier sont d'une nature à rassurer les capitaux intimidés. On n'exige pas d'eux qu'ils s'aventurent sur la foi d'une simple signature, ou qu'ils s'associent aux chances aléatoires d'une entreprise industrielle; on leur offre une garantie, et la plus solide de toutes, un gage reposant sur la propriété territoriale. D'un autre côté, la nature même de ce gage indique à quel emploi sont destinés les capitaux demandés aux institutions de crédit foncier. Ils sont réclamés par l'agriculture. De bons bras et une bonne terre ne suffisent pas pour rendre un champ productif. La terre est avide d'argent et elle ne rend qu'à proportion qu'on lui donne. Or, tout le monde sait que ce qui manque à l'agriculteur en France, c'est l'argent. Cette disette de capitaux le maintient dans une routine désastreuse, et pour la richesse du particulier, et pour celle du pays. Tout le monde sait aussi que les campagnes sont dévorées par une usure odieuse, et qui s'explique néanmoins par l'enfance dans laquelle sont restées nos institutions de crédit. C'est à cet état de choses que le gouvernement et l'Assemblée avaient à chercher un remède.

La commission nommée pour examiner les différents projets et propositions déposa, le 29 avril, son rapport sur : 1o un projet de loi présenté par le gouvernement; 20 une proposition de M. Woloswki; 5o une de M. Loyer; 4o une de M. Martin (du Loiret).

Le rapporteur, M. Chégaray, avait essayé de concilier ces diverses études.

Trois systèmes se trouvaient en présence, celui de M. Wolowski, système d'importation germanique qui pouvait sembler timide aux esprits ardents, mais qui paraissait être réalisable; celui de M. Loyer, plus hardi, et celui de M. Martin (du Loiret), qui avait

pour effet de créer de véritables banques foncières. La commission ne fit pas de choix; elle les adopta tous les trois, de telle sorte que si le projet de la commission avait été voté, la France se fùt trouvée dotée d'un système gradué de crédit foncier.

Ce dangereux éclectisme n'eut pas de suite, car, après une discussion générale très-insuffisante (10 juin), le projet disparut de l'ordre du jour.

On se sou

Situation financière. Etablissements de crédit. vient que les caisses d'épargne, pour faire emploi des fonds de leurs clients, avaient acheté, ou plutôt, que la caisse des dépôts avait acheté pour leur compte: 1o 8 millions de rentes quatre pour 100, 2o et environ 2 millions de rentes cinq pour 100 et trois pour 100, sans parler d'actions des canaux représentant une valeur d'environ 20 millions. En remboursant aux déposants le montant de leurs créances, l'Etat devenait libre. possesseur de ces rentes; la loi qui statua sur la liquidation prononça l'annulation de 8 millions de rentes quatre pour 100, qui furent en effet rayées du Grand-Livre. Quant aux rentes cinq et trois pour 100, elle décida qu'elles seraient attribuées au trésor, et que l'emploi en serait réglé ultérieurement. Le 18 mai 1850, une loi, rendue à la demande du ministre des finances, ordonna que ces rentes seraient vendues par adjudication publique. Les dispositions de cette loi s'appliquaient pareillement à une somme d'environ 80,000 francs de rentes trois pour 100 ayant appartenu à la compagnie du chemin de fer de Lyon, qui avaient fait retour à l'Etat en vertu de la loi qui avait mis celui-ci aux heu et place de la compagnie elle-même. Le 7 décembre: l'adjudication fut indiquée pour le 23. Elle devait porter sur: 1° 1 million 545,547 francs de rentes cinq pour 100, jouissance du 22 septembre 1850; 2o 495,217 francs de rentes trois pour 100, jouissance du 22 décembre 1830. Si le ministre des finances usait avant la fin de l'année de la faculté de vendre que lui accordait la loi du 18 mai, c'est que les fonds dont il s'agissait figuraient en première ligne au nombre des ressources dont, en exposant le plan financier de l'année 1850, il comptait se servir pour tenir la dette flottante dans de justes limites.

L'adjudication des 1,543,547 fr. de rentes cinq pour 100 (jouis

sance du 22 septembre 1850, et des 193,217 francs de rentes trois pour 100 jouissance du 22 décembre 1850, eut lieu le 31 décembre 1850, au ministère des finances.

M. Lemercier de Nerville, au nom des receveurs généraux réunis, offrit 94 fr. 66 cent. Sa compagnie fut déclarée adjudicataire des rentes cinq pour 100.

Quant au trois pour 100, ce fut encore la même compagnie qui fut déclarée adjudicataire, à 56 fr. 50 c.

Au milieu des discussions violentes qui suivirent la révocation de M. le général Changarnier, en présence de la lutte ouverte entre les deux pouvoirs, le ministre des finances prit une résolution hardie en apparence, mais qui ne faisait, en réalité, que prouver l'état relativement prospère de la fortune publique.

A partir du 13 janvier, l'intérêt attaché aux bons du Trésor public fut fixé ainsi qu'il suit: à deux et demi pour 100 par an pour les bons de trois à cinq mois d'échéance; à trois et demi pour 100 par an pour les bons de six à onze mois d'échéance; à quatre et demi pour 100 pour les bons à un an.

Cette résolution était motivée par l'abondance même où se trouvait le Trésor. L'argent affluait de tous côtés. Le produit des contributions continuait à s'accroître. Les versements des caisses d'épargne, des établissements publics et des communes étaient également en progression. Enfin, la vente des lots de rente récemment adjugés, avait encore assuré de nouvelles ressources à l'État. Dans cette situation, il y avait avantage à diminuer la partie de la dette flottante qui présente toujours le plus d'inconvénients, celle qui est exigible à échéances fixes.

Sans doute, au premier abord, cette mesure pouvait sembler extraordinaire en présence des débats passionnés de l'Assemblée. Mais elle ne contrastait pas plus singulièrement avec les agitations parlementaires que l'attitude même de l'opinion publique. Le pays était resté calme au milieu de tout ce tumulte, de toutes ces intrigues. Les affaires avaient suivi leur cours, les transactions avaient toujours été aussi actives, et la rente éprouvait une hausse sensible. (Le trois pour 100 était à 57 fr., le cinq pour 100 à 94-90.)

Toutefois, on pouvait remarquer dans le mouvement de la

Banque un engorgement significatif, indice d'un manque de confiance. Au 27 février, la situation de la Banque présentait ce curieux résultat, que l'encaisse métallique à Paris et dans les succursales était égal, à quelques milliers de francs près, à la somme des billets en circulation (509,551,978 fr. d'encaisse, contre 509,574,200 fr. de billets).

Les opérations totales de la banque de France et de ses succursales pendant l'année 1851, présentent les résultats sui

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

Pendant les trois premiers trimestres, le numéraire augmente, tandis que le portefeuille diminue.

Deux nouvelles succursales ont été établies cette année; l'une à Avignon (décret du 31 décembre 1850), l'autre à Troyes (décret du 21 janvier 1851 ).

Nous renvoyons à l'histoire spéciale des colonies pour l'organisation nouvelle des banques coloniales.

Le rapport annuel de la caisse d'épargne, présenté par M. F. Delessert, président du conseil des directeurs, dut différer, par ses données, des résultats présentés dans les exercices précédents, parce qu'au mouvement régulier des comptes, vinrent se joindre, à dater du 30 juin, l'effet produit par la loi nouvelle et l'abaissement du maximum des livrets à 1,000 fr.; sur les 175,996 déposants ayant des comptes ouverts au 31 décembre 1851, 146,413 ne possédaient que de 1 à 500 fr. (ensemble 15,999,056 fr. 17 cent.), soit 109 fr. en moyenne par chaque livret; 24,627 de 501 fr. à 1,000 francs (ensemble 18,255,059 fr. 96 cent.), soit 740 fr. en moyenne; et enfin 4,744 dépassaient le maximum de 1,000 fr. Sur ce dernier nombre, 971 comptes étaient devenus improductifs d'intérêts.

« PreviousContinue »