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Encore faut-il reconnaître qu'un grand nombre de personnes antérieurement imposées, n'occupant plus que des locations inférieures à 201 fr., avaient été rayées des rôles et reportées au tableau des contribuables exonérés.

Le contingent mobilier, établi sur les bases du dernier recensement, devait s'élever, tant en principal qu'en centimes additionnels, à 6 millions 285,766 fr. Les valeurs locatives passibles de l'impôt étant, ainsi que nous venons de le préciser, de 61 millions 125,696 fr., si on leur appliquait le tarif actuel, on obtenait, pour le montant du rôle à établir, une somme de 3 millions 603,676 fr., qui, déduite du chiffre ci-dessus énoncé de 6 millions 283,766 fr., laissait à prélever sur les produits de l'octroi une somme de 2 millions 689,089 fr. La Ville, ayant évalué dans son budget ce prélèvement à 2 millions 700,000 fr., trouverait dans cette combinaison un imperceptible bénéfice, mais l'inconvénient des tarifs, en pareille matière, est de créer les plus étranges anomalies. Dès qu'on arrive à l'extrémité d'une classe de contribuables pour passer à la classe supérieure, la transition est tellement brusque, qu'elle produit la plus choquante inégalité entre les taxes imposées à des contribuables qui ne sont souvent séparées que par une minime différence dans le prix des loyers. Ainsi un loyer de 400 fr., à raison de 2 fr. 50 c. d'imposition pour 100, doune lieu à une taxe de 10 fr. Qu'on ajoute à ce loyer 5 fr. seulement, l'imposition sera portée à 14 fr. 18 c., c'est-à-dire qu'elle s'accroîtra d'environ 42 pour 100. Les tarifs ont, en outre, l'inconvénient grave de convertir l'impôt proportionnel, conforme aux lois, en un impôt progressif, formellement contraire aux principes de la répartition.

Pour éviter de porter atteinte aux bases fondamentales de la distribution des charges publiques et remédier aux anomalies de la division par classes, le préfet avait soumis au conseil diverses propositions judicieuses, au développement desquelles nous regret

tons de ne pouvoir consacrer assez d'espace. Le conseil municipal avait considéré, entre autres arguments favorables à ces propositions, que le nouveau mode de répartition présenté par le préfet avait sur le système d'un tarif gradué le double avantage d'éviter la formation de nombreuses classes de contribuables, et de faire disparaître les différences de taxes peu justifiées qui se présentaient toujours quand il s'agissait de passer d'une classe intérieure à une classe plus élevée. Il avait pris, en résumé, les décisions suivantes : Les habitants qui ne paient qu'un loyer de 200 fr. et au-dessous continueraient d'être exemptés de toute cotisation dans la répartition de la contribution personnelle et mobilière de 1851.

Ceux dont les loyers s'élèvent de 201 à 400 fr. seraient taxés, comme les années précédentes, à raison de 2 c. 112 par fr. du montant de leur loyer.

La même taxe de 2 c. 112 par fr. serait appliquée à tous les contribuables sur 400 fr. de leur loyer, et pour le surplus ils seraient soumis à une taxe uniforme de 5 c. pr fr.

Le conseil persista, du reste, dans ses observations antérieures sur l'accroissement incessant du contingent de la contribution foncière mis à la charge de la ville de Paris. Il déclara, en propres termes, dans sa délibération, qu'il attendait de la sollicitude du Gouvernement la proposition et la prompte adoption de mesures propres à renfermer ce contingent dans des proportions plus justes, ou du moins à en arrêter l'augmentation.

Dépréciation de l'or. On commençait à se préoccuper vivement de la dépréciation survenue dans la valeur de l'or. Ce mouvement nouveau mériterait d'être examiné au point de vue des intérêts nationaux et pourrait nécessiter avant un long temps des réformes dans notre système monétaire.

Jusqu'au milieu de l'année 1850, l'or avait obtenu une prime qui avait varié, dans les années ordinaires, de 10 à 15 fr. par 1,000, et qui avait atteint des chiffres bien plus élevés à la suite de la révolution de février. Dans les six derniers mois de 1850 et pendant toute l'année 1851, cette prime avait disparu et l'or avait baissé d'environ 1 1/2 p. 010. Si cette dépréciation devait s'arrêter là, aucun danger ne serait à redouter. Mais si l'or devait tomber au-dessous du pair, si l'argent devait prendre le dessus,

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n'y aurait-il pas à craindre pour la richesse publique et la sécurité des transactions?

Cette dépréciation de l'or était due à plusieurs causes. C'était d'abord la démonétisation récemment opérée en Néerlande (voyez l'Annuaire précédent, p. 405). Ce changement de système avait jeté sur le marché une quantité considérable d'or, qui circulait avec faveur, à sa valeur nominale, non-seulement en Hollande, mais en Belgiqne et en Allemagne. En perdant tout à coup et partout leur caractère monétaire, les guillaumes, ainsi qu'on les appelait, étaient devenus une marchandise, et une masse d'or, de 300 à 350 millions de francs selon les uns, et de 250 à 300 millions selon les autres, était entrée brusquement dans le commerce des métaux. La perturbation produite en Autriche par l'invasion du papier monnaie, avait également fait sortir de ce vaste empire une partie de l'or qui s'y trouvait, et l'avait fait refluer vers les pays qui jouissaient de plus de sécurité.

Mais à ces causes de dépréciation tout à fait exceptionnelles et transistoires s'en joignaient d'autres plus graves et plus durables. La production de l'or s'était accrue et tendait incessamment à s'accroître encore davantage. L'exploitation des mines de la Russie, qui était insignifiante au commencement du siècle, avait pris un développement immense; elle rendait aujourd'hui deux fois plus qu'en 1840; elle fournissait le double de l'or que donnait l'Amérique avant 1848, et elle était loin encore d'avoir atteint son maximum. Puis était venue la découverte des gisements aurifères dans les vallées californiennes. A s'en rapporter aux documents officiels des Etats-Unis, la Californie aurait déjà produit 340 ou 375 millions de francs, dont près des quatre cinquièmes proviendraient du travail de cette année seulement. Enfin on annonçait la découverte de gisements considérables en Australie.

Pendant ce temps, au contraire, la production de l'argent restait à peu près stationnaire. On l'estimait à 900,000 kilog. il y a cinquante ans, et on ne la portait guère aujourd'hui qu'à un million de kilogrammes.

Un arrêté du 14 décembre 1850 avait, on se le rappelle, fornié une commission pour examiner la question des monnaies d'or.

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Cette commission formula son avis dans les derniers jours de janvier.

Selon elle, d'après les faits constatés, il n'y avait lieu d'apporter aucune modification à notre régime monétaire. Sur le fait principal, la dépréciation actuelle de l'or, on ne pouvait pas ne pas partager l'opinion de la commission: sans doute, cette dépréciation était très-faible: sans doute des causes accidentelles y avaient contribué. Mais peut-être y avait-il quelque chose à faire. Peut-être convenait-il d'introduire quelques modifications dans notre régime monétaire.

Non, sans doute, disaient des économistes distingués, quant à présent les détenteurs de pièces d'or ou de matières d'or n'ont pas lieu de s'inquiéter. L'or n'a pas perdu sa qualité de métal très-précieux, dont une petite quantité s'échange contre une grande masse de la plupart des marchandises, et il n'est pas à la veille de la perdre. Mais il est bon d'avoir présent à l'esprit que le rapport des valeurs de deux métaux précieux, l'or et l'argent, peut éprouver prochainement une variation dont, au reste, en ce moment il est impossible de deviner l'étendue. Les exemples de ces variations sont nombreux dans l'histoire. Le législateur, dont le métier est de prévoir, doit, quand il en pressent quelqu'une qui puisse être forte, aviser autant qu'il dépend de lui à ce qu'il n'en résulte aucune perturbation. Si donc quant à présent rien n'autorise la panique dont sont saisies quelques personnes, il n'en est pas moins opportun de prendre des précautions, et il est urgent qu'on s'en occupe, parce que le moment le plus favorable. pour y procéder est celui où le mal n'est pas fait encore.

Ecoutons l'excellente définition du rapport monétaire donnée par un illustre économiste, M. Michel Chevalier.

La monnaie, qu'elle soit d'or ou d'argent, est une marchandise qui, dans les transactions, sert de commune mesure des valeurs, et par elle-même est un équivalent. L'unité monétaire, chez nous le franc, n'est point quelque chose d'idéal et de fantastique C'est un poids rigoureusement, absolument déterminé par la loi, d'argent fin, qu'on allie d'un peu de cuivre pour que les pièces résistent mieux au frottement. On paie communément un hectolitre de blé 20 fr.: cela signifie que la quantité de métal fin qui

est contenue dans vingt pièces de 1 fr. est une marchandise de valeur égale communément à la quantité de blé contenue dans un hectolitre. Ainsi la monnaie n'est point, comme on le dit souvent, et comme on l'a trop répété dans cette discussion, un signe représentatif; il n'est pas exact de prétendre qu'elle n'ait qu'une valeur de convention; les pièces de monnaie sont des disques de métal ayant une valeur positive qui dépend de circonstances analogues à celles qui déterminent la valeur du fer ou du cuivre, celle des denrées et des matériaux, de toutes les marchandises enfin. La valeur des marchandises de toute espèce, de l'or comme de toute autre, est subordonnée à chaque moment et en chaque lieu à la rareté ou à l'abondance, relativement au désir qu'en ont les hommes; mais elle gravite sans cesse vers un point relativement fixe qui est le montant des frais de toute espèce dont la production est grevée, y compris les frais de conduite au marché, les impôts et les bénéfices légitimes des producteurs et des agents commerciaux. Si, à Paris, 1,000 kilogr. de houille s'échangent sur le marché contre 40 pièces de 1 fr., c'est-à-dire contre 180 grammes d'argent fin, ce n'est point par l'effet d'un règlement de l'autorité ou d'une convention arbitraire, c'est uniquement parce qu'il en coûte autant pour retirer des entrailles de la terre, épurer et conduire à Paris 180 grammes d'argent que 1,000 kilogr. de houille; et si, en l'an x1, il fut établi par le législateur que, au lieu de 40 pièces de 1 fr., 180 grammes d'argent fin, il serait licite de donner une pièce d'or dite de 40 fr., contenant 11 grammes 612 milligrammes d'or, c'est que la difficulté d'avoir à Paris cette quantité d'or était la même que pour s'y procurer la quantité quinze fois et demie plus grande de 180 grammes en argent. Pour employer une formule plus simple, c'est que la valeur de l'or était quinze fois et demie celle de l'argent.

Mais ce rapport de 1 à 15 112 n'est rien moins que fixe. L'or et l'argent sont deux marchandises distinctes, tout comme le plomb et le cuivre, le froment et le seigle, le vin de Madère et le vin de Bordeaux. Il n'y a pas plus de raison pour que 1 kil. d'or demeure éternellement l'équivalent de 15 kilog. 112 d'argent, qu'il n'y en a pour qu'un hectolitre de madère vaille constamment deux hectolitres de bordeaux, ou pour que 1 kilog, de froment soit l'équi

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