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pénible, mais nécessaire, que lui ont faite les événements de la révolution romaine.

L'occupation de Rome par les troupes françaises est devenue une véritable difficulté diplomatique. Ce n'est pas qu'une influence extérieure insiste pour le départ de la division d'occupation. Mais ce départ semble être devenu impossible, et la situation provisoire de 1848 menace de se perpétuer. Les forces de la division ont été, il est vrai, notablement affaiblies. Au moment du vote de la loi du 2 mai 1850, ces forces consistaient en 14,938 hommes et en 2,737 chevaux; depuis, elles avaient été réduites, et, durant l'année 1851, elles n'avaient pas excédé 10,000 hommes et 1,500 chevaux.

Comme on devait s'y attendre, les crédits nécessaires pour le maintien des troupes françaises en Italie, ramenèrent une fois de plus les déclamations ordinaires contre le saint-siége et contre la réaction (28 février). MM. Emmanuel Arago et Mathieu (de Drôme) tracèrent, de la situation de l'armée française à Rome, un tableau de fantaisie. A les en croire, nos troupes étaient employées à protéger un gouvernement qu'on ne craignit pas, du haut d'une tribune française, d'appeler abominable.

Etait-il possible de réduire l'effectif de l'armée d'occupation en Italie ? Pouvait-on, dès à présent, fixer l'époque où cette occupation cesserait d'être nécessaire ? M. Brenier, ministre des affaires étrangères, M. le général Oudinot, M. Passy, répondirent à ces questions. L'armée française, pour l'année 1851, avait été réduite à 10,000 hommes. On ne pourrait diminuer encore cet effectif sans le réduire à des proportions tout à fait insignifiantes, sans réduire l'occupation elle-même à une démonstration vaine, impuissante, illusoire. Or, tant que cette occupation serait jugée nécessaire, il fallait, pour l'honneur et la dignité de la France, qu'elle fût sérieuse, efficace. Voilà pour la première question. Quant à la seconde question, celle de savoir quand pourrait cesser l'occupation française, il était impossible, quant à présent, d'en assigner le terme. Tout ce que l'on pouvait dire, c'est que cette occupation devrait continuer aussi longtemps que se prolongeraient les circonstances qui l'avaient

rendue nécessaire dans le principe. La France, en envoyant une armée à Rome, avait voulu protéger l'indépendance de l'Italie centrale contre l'influence envahissante et la domination de l'Autriche. Tant que l'Autriche n'aurait pas retiré ses troupes des Etats romains, le moment ne serait pas venu, pour la France, de retirer les siennes et d'abandonner la garantie qu'elle avait voulu s'assurer par l'occupation de Rome.

Le résultat de cette discussion était inévitable: malgré les protestations violentes de la Montagne, un crédit de 3 millions 218,501 fr. fut voté par 465 voix contre 196 (30 avril).

En dehors de ces grandes questions de politique européenne, nous n'avons à constater que des traités commerciaux ou de propriété littéraire.

A la fin de l'année, les négociations entamées par la France, pour le renouvellement du traité de commerce avec la Belgique, paraissaient devoir amener un résultat justement désiré pour l'intérêt d'un des deux pays, pour l'honneur de l'autre, la suppression de cette piraterie qui a nom la contrefaçon littéraire.

Déjà des traités avaient été conclus ou consentis avec plusieurs nations européennes, pour établir et protéger la propriété intellectuelle. La Sardaigne, le Portugal, le Hanovre, l'Angleterre, étaient entrés ou allaient entrer dans cette voie. Il était permis d'espérer que l'Espagne, la Néerlande, le Zollverein ne tarderaient pas à imiter ces exemples.

Aussi longtemps qu'on avait prétendu combattre la contrefaçon en la chassant de la Belgique, on s'était épuisé en efforts inutiles. Il avait fallu, au lieu d'attaquer la contrefaçon dans sa source, en venir à la traquer dans les pays qui lui servaient de débouchés. La première mission spéciale de ce genre fut confiée à M. le baron de Billing, et, peu de temps après, la France avait réussi à signer avec le Portugal, la Sardaigne, le Hanovre et la Grande-Bretagne, des traités garantissant la propriété littéraire. Elle poursuivait encore, en Espagne et en Néerlande, des négociations qui promettaient d'excellents résultats. Enfin, on pouvait être sûr de rencontrer en Prusse les mêmes avantages. Il n'y avait, dans ce dernier pays, qu'une position à régulariser. Une loi de l'Etat y garantissait déjà le bénéfice de la réciprocité

aux auteurs, aux compositeurs, aux artistes, sujets de toutes les puissances qui reconnaîtraient, chez elles, la propriété littéraire ou artistique des sujets prussiens.

Un dernier coup porté à la contrefaçon belge, ce serait la conclusion de traités avec les Etats-Unis d'Amérique et la Russie.

Au reste, cette industrie déloyale n'était pas même une bonne spéculation. En 1851, elle n'avait exporté que pour une valeur de 1 million 200,000 fr. de livres contrefaits. Ce vol de tant de millions fait à l'industrie française, n'avait enrichi personne, puisque la situation des principales entreprises de ce genre était notoirement déplorable.

Depuis la mise à exécution du traité de commerce et de navigation signé à Turin, le 5 novembre 1850, entre la France et la Sardaigne, ce dernier pays avait conclu avec la Belgique et la Grande-Bretagne, deux arrangements, diplomatiques, en vertu desquels ces puissances avaient obtenu, pour leurs principaux produits, d'importantes modifications au tarif des douanes sardes. La Prusse venait encore, par un traité récent, d'obtenir la participation aux dégrèvements accordés à l'industrie belge et anglaise. Enfin, d'autres puissances, la Suisse entre autres et la Néerlande, avaient ouvert à Turin des négociations pour arriver au même résultat.

Le gouvernement français, s'appuyant sur les principes consacrés par l'article 14 de la convention de 1850, demanda que le régime de faveur consacré par les arrangements précités, fût étendu aux produits français. Cette demande fut accueillie par le gouvernement sarde, et la négociation se termina par la conclusion d'une convention nouvelle.

La seconde phase de notre politique extérieure présente un tout autre caractère. Les cabinets européens, rassurés par l'acte du 2 décembre sur les dangers d'une révolution démocratique, dont le contre-coup les eût ébranlés de nouveau, regardent d'abord avec surprise, puis avec inquiétude la renaissance des traditions et des souvenirs de l'empire. La Belgique et la Suisse s'inquiètent et semblent craindre pour leur indépendance. La Grande-Bretagne arme ses côtes en vue d'une agression possible. L'Autriche, et surtout la Russie, tout en sentant que la crise

de 1848 est terminée, peuvent redouter un instant qu'unè ère nouvelle ne s'ouvre pour les guerres territoriales. Mais bientôt les protestations et l'attitude pacifique du gouvernement nouveau viendront calmer ces terreurs plus ou moins vives, plus ou moins sincères.

L'Angleterre seule fut atteinte immédiatement dans sa politique extérieure, par le contre-coup de l'acte du 2 décembre. La chute de lord Palmerston suivit de quelques jours l'inauguration du gouvernement dictatorial en France.

La retraite du ministre habile, mais compromettant, `qui, depuis cinq ans, dirigeait les affaires extérieures de la GrandeBretagne, ne fut sans doute que hâtée par les événements accomplis en France. L'Angleterre y gagnait de sortir, dans un moment grave, de l'état d'isolement où l'avait placée une politique hostile à presque tous les cabinets de l'Europe. La Grèce, le Portugal, les Deux-Siciles, la France, l'Autriche, les puissances de second ordre, comme les petits royaumes, cette politique agressive avait tout attaqué, tout inquiété. En recevant officiellement les délégués des corporations qui organisaient des ovations populaires à M. Kossuth, lord Palmerston venait encore d'accroître les défiances des gouvernements conservateurs. L'Autriche avait dû menacer le gouvernement anglais de prendre des mesures sévères à l'égard des sujets britanniques résidant ou voyageant dans ses provinces, si les réfugiés autrichiens continuaient à recevoir ainsi des encouragements officiels.

La chute de lord Palmerston écartait donc de l'ensemble des difficultés européennes, un élément de trouble. Nous dirons plus loin (Voyez Grande-Bretagne), quelles furent les causes diverses de cet événement politique.

Chose singulière ! quelques jours avant de quitter la direction des affaires extérieures, et à la première nouvelle du coup d'Etat dų 2 décembre, lord Palmerston avait donné une adhésion un peu hâtive à cet acte politique. Sans doute la politique britannique a l'habitude d'accepter les événements accomplis au dehors, et de reconnaître tous les gouvernements réguliers, sans doute la neutralité est le fond même de sa conduite à l'extérieur, mais il y avait eu surtout dans la précipitation de lord Palmers

ton, une indépendance d'allures que ses collègues avaient cru devoir trouver choquante.

Deux autres affaires peuvent se rapporter, par leur date et par leur conduite, à la seconde phase de notre politique extérieure. L'une est l'expédition nécessitée sur les côtes marocaines par une insulte nouvelle, l'autre est l'affaire des Lieux-Saints.

Depuis plusieurs mois, des exactions et des violences nombreuses avaient été commises au détriment de nos nationaux dans l'empire du Maroc, et en dernier lieu, un navire marchand portant pavillon français avait été pillé dans le port même de Salé, avec l'assentiment tacite des autorités marocaines. Le gouvernement de l'empereur se refusait à accorder les légitimes satisfactions qu'exigeait le chargé d'affaires de France à Tanger, M. Bourée. Il devint nécessaire de donner une leçon nouvelle au faible et insolent voisin de notre colonie africaine.

L'affaire était pendante depuis le mois de juillet, lorsque, dans le milieu du mois de novembre, le gouvernement français se décida à poursuivre une réparation, même par la force. La saison était peu propice à un coup de main; il fallait profiter d'une série de beaux jours, agir promptement et avec le plus grand secret. Sur ces côtes si dangereuses, tout faux calcul eût compromís l'expédition. Le 19 novembre, les frégates à vapeur Sané et Gomer, le vaisseau le Henri IV, et deux petits vapeurs en tôle, le Caton et le Narval, se trouvèrent réunis de différents points dans la rade de Cadix. L'amiral Dubourdieu porta son pavillon sur le Henri IV. Le 24 novembre, la division appareilla, et ce ne fut que le 25, en vue de la terre, que chefs et soldats connurent leur destination.

Après deux sommations adressées aux caïds de Rabat et de Salé, la division se plaça à son poste de combat, et on fit prévenir le consul anglais de mettre en sûreté ses nationaux.

Le caïd de Rabat fit dire à l'amiral que si une affaire avait lieu, il ne s'en mêlerait pas. Les gens de Rabat étaient, d'ailleurs, comme ceux de Salé, dans une position critique. Les Kabyles, à la première nouvelle de l'arrivée d'une flotte ennemie, étaient descendus des montagnes. Ils s'étaient déjà emparés d'une des portes de Rabat, et attendaient une occasion favorable pour pil

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