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pioche à la main sous le feu de l'ennemi, pluies torrentielles, chaleurs accablantes, nuits glacées, telles avaient été les conditions de cette campagne si rapidement terminée. 640 kilomètres avaient été parcourus en 80 jours, et, dans vingt-six rencontres victorieuses, la colonne du général de Saint-Arnaud avait eu 13 officiers tués, 42 blessés, 176 sous-officiers et soldats tués, 741 blessés, un homme touché sur huit.

Trois mois après, une colonne commandée par le gouverneur général, allait poursuivre dans l'est l'imposteur Bou-Bag hla chez les Maatkas, les Guechtoulas et les Flissas, et le rejetait chez les Beni-Sedka, après avoir pacifié le caïdat de Boghni. Pendant toutes ces opérations, le reste de l'Algérie jouissait d'une tranquillité parfaite, à l'exception des Nemenchas, tribu voisine de la frontière tunisienne qu'il fallut mettre à la raison.

A la fin de l'année, l'expédition dans la Kabylie commençait à porter ses fruits. L'est de la province d'Alger était complétement dégagé de préoccupations, et chacun y avait repris ses habitudes commerciales ou agricoles. Les tribus elles-mêmes châtiées avec rigueur, reconnaissaient l'inutilité de la lutte.

Signalons un excellent rapport de M. le ministre de la guerre au Président de la République sur l'organisation et l'administration par la France des tribus arabes (Moniteur du 27 janvier). M. Regnault de Saint-Jean-d'Angély y donnait de précieux renseignements, d'où il ressort que l'action de l'autorité française sur les Arabes a produit, dès la vingtième année de la conquête, des résultats beaucoup plus importants qu'on ne s'accorde généralement à le reconnaître. La création et l'organisation des bureaux arabes, due en partie à M. le général Daumas, chef de la direction des affaires de l'Algérie, ont été puissamment influentes sur la pacification et sur le gouvernement de notre possession africaine (voyez l'Annuaire précédent, p. 364). La pensée du rapport était dans ces derniers mots : « Ce n'est pas une fusion inintelligente et sommaire que nous poursuivons entre les Arabes et la population européenne, mais l'association des intérêts dans des intérêts communs. »

Colonies transatlantiques. Une loi sur les banques coloniales a fixé, cette année, le capital de ces établissements à 3 mil

lions de francs pour chacune des banques de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion; à 700,000 fr. pour celle de la Guyane. Pour les trois premières colonies, 2 millions de francs du capital social, pour la Guyane, 500,000 fr. seraient fournis par un prélèvement de pareilles sommes, effectué sur l'indemnité allouée aux colons par la loi du 24 avril 1849. Le complément, soit 1 million de francs pour chacune des trois principales colonies, et 200,000 fr. pour la Guyane, pourrait être formé au moyen de souscriptions volontaires reçues par l'administration.

Les Antilles françaises se relevaient péniblement de la secousse brutale qui leur avait été imprimée par une émancipation prématurée.

Guadeloupe. La surexcitation des passions mauvaises exaltées jusqu'au crime, et un commencement de répression favorisée par l'organisation plus forte de l'autorité, tels sont les deux incidents principaux de l'histoire de cette malheureuse colonie.

La nomination de M. le capitaine de vaisseau Aubry-Bailleul replaçait l'exercice des fonctions de gouverneur de la Guadeloupe dans la plénitude des conditions établies par l'organisation de 1827.

M. Aubry-Bailleul mérita, dès son entrée en fonctions, l'hostilité des anarchistes par la fermeté avec laquelle il se prononça contre les fauteurs de désordre. Son arrivée fut le signal d'une recrudescence dans les efforts des misérables partisans des doctrines démagogiques. Deux incendies causés par la malveillance désolèrent encore la Basse-Terre. Mais la main ferme du nouveau gouvernement allait bientôt mettre un terme à ces criminelles tentatives.

M. Aubry-Bailleul put, au reste, constater une augmentation de la récolte, qui s'était rapprochée, plus que la précédente, de la moyenne du produit au temps de l'esclavage, malgré l'état défavorable de l'atmosphère au moment des derniers travaux. Le nouveau gouverneur apportait une bonne promesse, celle de la création d'un conseil général qui devait être chargé de la gestion des intérêts locaux.

Cependant les sinistres causés par la malveillance n'avaient cessé d'inquiéter la colonie.

Le dernier et le plus grave de ces incendies eut lieu à la BasseTerre, dans la nuit du 28 au 29 novembre. Pendant deux heures on put craindre la destruction de la ville; il fallut des prodiges d'activité, de courage et de dévouement de la part des habitants de toute couleur, des troupes de la garnison et des autorités pour concentrer le fléau dans son foyer principal, et réduire le sinistre à la perte de trois maisons avec toutes les marchandises qu'elles contenaient. Les blessés furent au nombre de quatorze, parmi lesquels figuraient trois noirs et dix militaires; l'un de ces derniers succomba à la gravité de sa blessure. Parmi les travailleurs les plus empressés, au plus fort de l'incendie, le respect public distinguait le pieux évêque de la Guadeloupe, Mgr Lacarrière, qui, donnant l'exemple, servait les pompes comme le plus humble des citoyens.

Ainsi, cinq fois dans l'espace de deux mois, le feu, allumé par des mains coupables, et en exécution d'un plan systématique, avait éclaté sur divers points de l'île et jeté la consternation parmi les habitants.

Martinique. A la Martinique, une situation semblable exigeait également une répression sévère. Les révélations d'un sieur Joseph Cabon, incendiaire de l'habitation Belost, amenèrent quelques arrestations importantes, entre autres celle d'un sieur Cidias, dit Macaque.

La destination nouvelle donGuyane française.— Cayenne. née à notre colonie de la Guyane ramena l'attention sur cette possession, depuis si longtemps laissée dans un injuste oubli.

Des préjugés sans fondement ont détourné de cette colonie l'émigration de la métropole. On accuse la Guyane d'insalubrité. Cependant son territoire est plus sain que celui des Antilles, car il est exempt de la fièvre jaune. Il est vrai que des marais pestilentiels se sont formés à l'embouchure des fleuves, sur les terres basses, et que le séjour près de ces eaux stagnantes est souvent mortel. Mais les terres hautes sont parfaitement saines, et la civilisation avec les travaux aurait bientôt assaini les lieux bas eux-mêmes. Cayenne, où s'est formé le noyau principal de la colonisation, est aussi sain que notre France méridionale. La garnison n'y subit que la mortalité ordinaire; on l'emploie sans

danger aux travaux de fortification, et la population flottante qui passe dans la ville et dans toute l'étendue de l'ile, à l'exception des côtes marécageuses, n'est pas, comme dans les Antilles, sujette aux épreuves de l'acclimatation.

Cette année, toutefois, la Guyane était encore rudement éprouvée, non-seulement par la diminution continuelle du travail et des produits, mais encore par une épidémie typhoide qui décima la magistrature, le clergé, le service de santé et les sœurs si dévouées de Saint-Joseph, et qui enleva, entre autres personnes notables, le gouverneur par intérim, M. Maissin, capitaine de vaisseau, l'un des officiers les plus remarquables de notre flotte.

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Sénégal et Guinée. Le commerce français prend chaque jour plus d'extension sur la côte d'Afrique. Les châtiments même qu'il est, de temps à autre, nécessaire de faire subir aux naturels des deux rives, contribuent au développement de nos relations commerciales.

Au commencement du mois d'avril, il fallut encore donner une leçon à ces sauvages. Les naturels avaient commis plusieurs pillages et s'étaient retirés ensuite dans un vaste village de la Cazamance, à quatre-vingts lieues de Gorée. M. Charles Penaud, commandeur de la station, fit prévenir les chefs qu'il ne les condamnerait qu'à la restitution et à une légère amende, leur donnant d'ailleurs connaissance des forces dont il disposait et leur démontrant la folie d'une résistance. Les naturels firent répondre qu'ils étaient des hommes, et qu'ils boiraient dans le crâne des blancs français comme leurs voisins avaient bu dans le crâne des blancs anglais. Ils faisaient allusion, par là, à une expédition anglaise battue, quelque temps auparavant, dans le voisinage. Et ces insensés distribuèrent des cordes à leurs femmes pour attacher leurs prisonniers. Il fallut les châtier.

M. le commandant Penaud disposait de trois bâtiments de guerre, la frégate à vapeur l'Eldorado, sur laquelle il avait porté son pavillon; le Liamone, vapeur sous les ordres de M. Ropert et le brick le Prévoyant, commandé par M. Jaffrezie. M. Penaud effectua sa descente par une chaleur accablante, avec quatre cent cinquante hommes et trois obusiers de campagne.

Le choc fut de courte durée. Les naturels en grand nombre s'étaient développés pour entourer les troupes françaises et leur couper la retraite. On les chargea vigoureusement, on leur tua une vingtaine d'hommes et ils prirent la fuite de tous côtés. Le feu fut mis au village et les naturels perdirent une énorme quantité de bestiaux et de provisions.

Le lendemain, les chefs vinrent demander la paix.

Sur les côtes de Guinée, près du comptoir français du GrandBassam, ce sont des populations anthropophages dont il faut réprimer les excès. Le commandant de ce poste, M. Despallières, lieutenant d'infanterie de marine, fut forcé de donner une leçon semblable au roi Peter, chef d'une tribu de ces cannibales.

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