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ITALIE.

Pour l'Italie, considérée dans son ensemble, il est, comme pour la Confédération germanique, une question qui prime la question politique, c'est celle des relations commerciales. Là est peut-être la seule réalisation possible de cette tendance vers l'unité, qui, dans l'ordre politique, n'a enfanté que des désastres. Déjà nous avons parlé du système autrichien, qui laisserait en dehors d'une grande union commerciale les Etats du roi de Sardaigne.

On prête aux gouvernements de Naples, des Etats pontificaux, de la Toscane et des duchés de Parme et de Modène, un projet qui consisterait à s'unir étroitement par une alliance défensive, afin de s'affranchir de l'occupation française et autrichienne, et de se prémunir contre les périls qu'on pensait devoir sortir des complications et des incertitudes de 1852.

Parmi les projets concertés entre les divers princes italiens, celui qui semble dominer tous les autres est la jonction des deux mers qui environnent la Péninsule, au moyen de lignes de chemins de fer. Venise et Ancône sur l'Adriatique; sur la Méditerranée, Naples, Civita-Vecchia, Rome, Livourne et Gênes voient le sort de leur commerce attaché aux plans qui seront adoptés, aux traités qui seront conclus sur cet objet important. De là les difficultés de s'entendre et de concilier tant d'intérêts opposés.

A ces tendances nouvelles s'opposent deux forces différentes qui, chacune dans un but opposé mais également égoïste, tendent à contre-balancer les progrès de l'Italie nouvelle. Ces deux forces sont, la démagogie d'une part, l'intérêt britannique de l'autre. Nous les retrouverons luttant contre les efforts de tous les gouvernements isolés, même de ceux qui les accueillent avec le plus d'imprudence.

C'est surtout l'organisation formidable de la grande société secrète dite l'Unita-Italia.

ÉTATS DU SAINT-SIÉGE.

Un royaume entier, la Grande-Bretagne, réjoui et raffermi

dans la foi par l'établissement de la sainte hiérarchie épiscopale; des concordats conclus avec plusieurs Etats catholiques; la liberté rendue à l'Eglise dans un grand empire, et un travail de délivrance qui se manifeste de tous côtés; plus de cinquante siéges épiscopaux créés dans l'ancien et dans le nouveau monde; une trentaine de vicariats apostoliques érigés dans des contrées dont la science connaît à peine le nom et la situation; dans l'Amérique méridionale, une résurrection du clergé, du corps des fidèles, et presque des gouvernements; dans l'Amérique septentrionale, le catholicisme faisant d'incroyables progrès, assurés par une hiérarchie de plus en plus nombreuse, tel est le spectacle que donne au monde le siége de l'unité catholique.

En Italie, son influence salutaire s'affermit de plus en plus. On sait quelles preuves de dévouement le roi de Naples n'a cessé de donner au vicaire de Jésus-Christ, et l'on sait aussi que l'empereur d'Autriche a, dans ses Etats d'Italie comme dans ses autres Etats, relâché ou rompu les liens dont une législation antichrétienne avait chargé l'Eglise. Tous les Etats italiens se trouvent donc en parfaite union avec Rome, sauf le Piémont qui tend à s'isoler et du reste de l'Italie et de l'Eglise, pour se livrer sans retour à l'Angleterre et à la révolution.

L'administration intérieure des Etats-Romains est aussi en progrès. Les finances se restaurent et la plaie du papier-monnaie se guérit; des lois organiqués ont donné au gouvernement temporel une forme plus en harmonie avec les vœux des puissances catholiques et avec les institutions qui régissent aujourd'hui les Etats; de grands travaux ont été entrepris ou poursuivis, et l'on annonce l'exécution prochaine des chemins de fer. Ainsi, les encouragements les plus éclairés sont donnés à l'agriculture, au commerce et à l'industrie; les beaux-arts sont protégés, et de nombreux travaux dans les catacombes, dans les églises et dans les palais apostoliques rappellent les temps les plus prospères et les plus florissants. Les fouilles de la Via-Appia, cette reine des voies de l'ancienne Rome, enrichissent l'archéologie et la sculpture de nouveaux trésors; un musée chrétien se forme au palais de Latran; la bibliothèque vaticane, les galeries publiques, les collections de toute espèce sont augmentées par la munificence

du souverain; à la Riccia, un pont gigantesque et qui rappelle les travaux des anciens Romains, fournirait cette année le sujet de la médaille qui se frappe à chaque anniversaire de la SaintPierre; la restauration de la basilique de Saint-Paul, hors des murs, se poursuivait, et le temps n'était pas éloigné où elle se montrerait, dans un nouvel éclat, au monde.

La plaie des finances est la plus lente à se fermer. Le gouver nement révolutionnaire avait bouleversé le système hypothécaire par un édit du 5 janvier 1849. Une notification du 2 août 1849, rendue par la commission gouvernementale, avait suspendu le renouvellement des inscriptions hypothécaires. Un édit du cardinal pro-secrétaire d'Etat, en date du 5 juin 1851, détruisit toutes ces mesures provisoires, reconnut la validité des inscriptions reçues depuis le 6 janvier 1849 et ordonna le renouvellement, avant le 31 décembre 1851, de toutes celles qui étaient restées en souffrance, sous peine d'invalidité, en cas de non rénovation avant cette époque.

Pour couvrir le déficit financier, le gouvernement établit deux impositions dont le produit rétablirait peu à peu l'équilibre. La première taxe consistait en un million à prélever sur toutes les personnes imposables de l'Etat. La répartition en était laissée aux administrations communales. L'autre taxe se composait du produit d'un trimestre de la dativa reale. La dativa est l'impôt foncier sur les biens ruranx et urbains. Cette dernière taxe, on le voit, n'atteint que la propriété. On espérait qu'elle produirait environ un demi-million.

Ces deux taxes n'auraient aucun caractère permanent. Elles seraient provisoires et n'affecteraient que l'année courante.

Dans la situation générale de la Péninsule, à côté de peuples qui tous ont adopté des voies de fer ou sont sur le point de compléter le réseau de leurs lignes, il n'est pas possible au saintsiége de continuer à s'abstenir et à s'isoler. Ce serait la mort du peu de commerce qui lui reste; ce serait la consommation de sa ruine temporelle, et son gouvernement est trop sage pour consentir à ce suicide.

Nous avons dit plus haut que l'occupation de Rome par les troupes françaises est restée nécessaire si on néglige les ques

tions d'influence politique, pour ne considérer que la question de police, on reconnaîtra encore cette nécessité. Il n'est pas possible de désarmer en face de cette partie peu nombreuse mais gangrenée de la population romaine dont les mauvais instincts ont été si habilement éveillés et exploités par la révolution démagogique. Là, vivent sourdement des espérances criminelles et, l'œil sur la France, les adeptes de Mazzini s'apprêtaient à profiter de ses agitations intérieures. Quand, dès les premiers jours de l'année, le parti modéré fut violemment désuni dans l'Assemblée française, les exaltés de Rome tentèrent une manifestation aux cris de Vive la République rouge et firent un appel impuissant à la révolte (16 janvier). Quelques arrestations eurent raison de ce mouvement sans importance fomenté par les démagogues étrangers. Mais, de temps à autre, l'apparition de quelque placard incendiaire, la saisie de quelque imprimerie clandestine venait rappeler au gouvernement romain les menées et les espérances secrètes des agitateurs.

ÉTATS-SARDES.

La lutte continue en Piémont entre l'esprit révolutionnaire et l'esprit de conservation; la démagogie y semble soutenue en secret par les excitations intéressées de la Grande-Bretage, et peutêtre faut-il reconnaître la main de l'anglicanisme dans les efforts dissolvants tentés contre l'église catholique. Le gouvernement sarde ne saurait, sans doute, être soupçonné de connivence avec ces inspirations détestables, et cependant l'église de Piémont se croit menacée dans ses conditions vitales, par une application future des lois nouvelles qui recèlent en germe l'institution du mariage civil etl'expropriation des biens ecclésiastiques.

A l'ouverture de la session, 23 novembre 1850, le discours de la couronne avait annoncé l'intention de persévérer dans cette voie. Parlant des difficultés élevées entre la cour de Turin et le saint-siége, le roi avait dit : « Il n'était pas permis au pouvoir de refuser ces lois aux nouvelles conditions politiques et légales de l'Etat : elles sont un des premiers besoins de l'ordre social. »

Ces dispositions hostiles prirent bientôt un caractère de persécution véritable.

Mgr Fransoni avait, le premier, souffert de cruelles épreuves : Mgr l'archevêque de Sassari fut retenu en prison pendant trente jours pour le même motif. Mgr l'archevêque de Cagliari, exilé pour avoir défendu les biens de l'église; l'évêque de Saluces, obligé d'abandonner son diocèse à l'occasion d'un mandement de carême; le prêtre Gogliardi, jeté deux mois en prison; le curé de Sparone et bien d'autres enlevés à leurs paroissiens pour des résistances semblables; le curé de Saint-Charles et les servites expulsés de Turin, le premier pour avoir obéi à ses supérieurs ecclésiastiques, les autres par cette seule raison qu'ils étaient servites, tel fut le commentaire pratique des lois Siccardi. Aussi la cour de Rome n'avait pas cru de sa dignité de négocier et elle avait refusé de recevoir les lettres de créance de M. Pinelli, envoyé du gouvernement sarde.

On croyait devoir maintenir, dans la chaire de droit canon à l'université de Turin, le professeur Nuytz, malgré la condamnation solennelle prononcée par le souverain Pontife contre ce légiste, malgré un libelle qu'il avait publié pour déclarer sa résolution de persister dans ses erreurs, et pour anathématiser à son tour le vicaire de Jésus-Christ. Ainsi, dans un royaume dont le statut fondamental porte à l'art. 1er que la religion catholique est la religion de l'Etat, on enseignait officiellement dans la première université du pays, par une bouche hostile, une doctrine condamnée comme hétérodoxe et destructive de la religion par le chef de l'Eglise. Et l'enseignement de ce légiste était imposé de fait à la jeunesse catholique de Turin au nom de la liberté. Fallait-il voir là tout un système?

Le gouvernement sarde n'avait mis aucun obstacle à la sortie d'une épée d'honneur offerte par les démagogues au condottiere Garibaldi. Mais quand M. l'abbé Caprile et M. le marquis François Rovereto voulurent s'embarquer pour porter à Mgr Fransoni, un calice, une croix pastorale et une mitre offerts par les catholiques. de Gênes, de Parme et de Lucques, deux agents de l'autorité mirent le sequestre sur cette propriété particulière. C'était là sans doute un abus d'autorité. Aussi, le gouvernement dut-il, après

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