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de cette intervention; mais ce n'était que le premier acte du drame, et il y manquait le dénoûment qui eut lieu sur l'autre rive de la Plata.

Urquiza s'embarqua sur la flotte brésilienne avec une armée de 18 à 20,000 hommes, Argentins, Correntins, Entre-Riens et Montévidéens ; cette armée, déposée sur le territoire de la Confédération Argentine, marcha sur Buenos-Ayres. En outre, 8,000 homines du Paraguay étaient campés sur la rive du Parana, et l'armée brésilienne, de 16,500 hommes, avait pris posi tion à la colonie del Sacramento, sur la rive gauche de la Plata, vis-à-vis Buenos-Ayres, et pouvait, en cinq ou six heures, arriver aux portes de la ville.

Tel était l'état des affaires à la fin de l'année 1851; il ne semblait pas douteux que le général Urquiza n'entrât à BuenosAyres aussi facilement qu'à Montévideo, et que Rosas n'eût le même sort que le général Oribe, car les populations des provinces commençaient à se réunir à Urquiza, et le général Rosas n'avait qu'une armée de 12,000 hommes, armée assez mal composée et peu préparée à une lutte sérieuse.

Le Brésil profita de cette occasion pour finir, avec ses voisins, les anciennes questions de limites qui semblaient tranchées par le traité de Saint-Ildefonse de 1777, mais que la guerre survenue en 1808, entre l'Espagne et le Portugal, avait fait déclarer nuls. Outre cela, il signa, avec l'Etat oriental, le général Urquiza et le Paraguay, des traités de subsides et de paix perpétuelle; le Brésil consentait à avancer à ses alliés les sommes nécessaires pour soutenir la guerre, mais il leur imposait le respect des propriétés, la restitution des choses confisquées et l'amnistie pour les hommes politiques. On déclarait, en outre, et c'est là le grand côté des concessions obtenues par la politique vigoureuse de l'Empire, la liberté de navigation sur les rivières qui forment la Plata; désormais le commerce étendrait ses bienfaits sur les peuples de l'intérieur et sur les provinces du Brésil qui occupen les rives supérieures du Paraguay, du Parana et de l'Uruguay. L'impulsion était donc donnée, et l'issue de cette courte guerre ne devrait être qu'agréable aux amis de la civilisation.

Par ces traités (voyez le texte à l'Appendice), le Brésil acqué

rait une immense influence sur tous les petits Etats de l'Améri– que du Sud : il y prenait une position semblable à celle qu'occupent les Etats-Unis dans l'Amérique du Nord; de même que l'Union s'est placée à la tête des peuples de race anglo-saxonne dans l'Amérique du Nord, le Brésil se met, dès aujourd'hui, à la tête des peuples de la race latine, et les dirige vers les progrès et la civilisation : c'est là son véritable rôle, et qu'il devrait avoir joué il y a plus de temps: un pays qui compte 7,500,000 habitants, neuf cents lieues de côtes, qui a une capitale de 286,000 habitants, la ville de Rio de Janeiro, si commerçante, si riche, et des villes de 140,000 âmes comme Bahia, de 70 comme Fernanbouc, de 40 comme Maranhao, de 35 comme Para, Santos, Porto-Alegre, un pays comme celui-là eût dû, depuis longtemps, devenir le centre d'influence de l'Amérique du Sud.

Espérons que les préjugés qui règnent encore au Brésil contre les étrangers, s'y affaibliront peu à peu, et que les races latines de l'Europe trouveront un meilleur accueil. L'immigration, l'introduction sur une large échelle de l'industrie, du commerce, de la civilisation de l'Europe favoriseront la situation nouvelle de l'Empire. Déjà on peut y signaler avec plaisir une véritable renaissance littéraire, et on peut citer comme dignes d'une attention sérieuse, les œuvres de MM. le vicomte de Saô Léopoldo, Pereira da Silva, Pizarro, Gonsalves Dias.

ETATS DE LA PLATA.

Dans les derniers jours de janvier, l'ouverture de la législature et le message annuel du Président furent ajournés par convention mutuelle. On annonçait seulement que les finances de la Ré. publique argentine étaient dans l'état le plus prospère. On disait que les recettes de 1850 dépassaient celles de l'année précédente de 10,396,608 dollars; que le chiffre des ressources disponibles pour 1851, était de 36,645,699 dollars.

Nous avons raconté plus haut (Voyez Brésil) comment l'intervention brésilienne avait mis fin à des difficultés, dont n'avait pu

triompher jusque-là la diplomatie européenne. L'histoire de la chute du dictateur Rosas appartient à l'année suivante.

Quelles seront les conséquences de cette révolution pour la République Orientale et pour l'Europe elle-même ? On peut se rappeler seulement ce qu'était Montevideo avant l'invasion argentine. A cette époque une émigration européenne assez importante s'y était donné rendez-vous. Montevideo avait doublé en cinq ans et avait alors 50,000 habitants. De tous côtés dans la campagne, les Européens s'étaient répandus, établissant des fermes (estancias), fondant des abattoirs (saladeros). Les Français surtout se sentaient attirés vers la République Orientale. Les Basques seuls y formaieut une colonie nombreuse et très-digne d'intérêt.

CHILI.

Depuis 1849, la Franche cherchait à régler, sur des bases mutuellement profitables, ses relations commerciales avec le Chili. Déjà avait été conclu un traité de commerce et de navigation, et des négociations nouvelles étaient ouvertes pour des articles additionnels à la convention primitive, quand le Chili modifia profondément sa législation maritime.

Une loi du 16 juillet 1850 prononça en principe, la suppression de toute espèce de surtaxe différentielle de douane ou de navigation au profit du pavillon des puissances étrangères qui consentiraient à accorder dans leurs ports, à la marine chilienne le bénéfice d'une entière assimilation au pavillon national. Cette suppression s'appliquait aux importations d'un pays tiers aussi bien qu'à l'intercourse directe. De plus, le président de la république chilienne fut autorisé à retirer le bénéfice de cette loi, ou à imposer de nouveau des surtaxes différentielles au pavillon des pays qui n'accorderaient pas la réciprocité.

En effet, un décret rendu en novembre 1850 porta qu'à dater du 1er janvier 1851, les navires des puissances n'accordant pas au Chili le bénéfice de l'assimilation au pavillon national seraient grevés dans les ports chiliens, 1° d'un droit extraordinaire de 3 francs par tonneau; 2o d'une surtaxe différentielle de douane de

10 pour cent sur le taux des droits établis par le tarif à l'importation des mêmes marchandises sous pavillon national.

En présence de ces changements intervenus dans la législation maritime du Chili, le gouvernement français s'empressa d'autoriser, par une dépêche du 14 octobre, le chargé d'affaires de France à San-Yago à déclarer que la France considérait le principe de l'assimilation des deux pavillons, en ce qui concernait la navigation directe, comme découlant virtuellement des stipulations de l'article 10 du traité approuvé par l'Assemblée et il saisit l'Assemblée d'un projet de loi concédant au Chili le traitement national dans les ports français.

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