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DÉPÊCHE.

A M. Drouyn de Lhuys, ambassadeur à Londres.

Paris, le 14 mai 1850.

>> Monsieur,

>> Comme j'avais l'honneur de vous l'an noncer hier, le conseil a délibéré sur la réponse du cabinet de Londres à la de mande que vous aviez été chargé de lui transmettre. Mes précédentes dépêches vous auront fait pressentir la résolution du gouvernement de la République. La France, dans un esprit de bienveillance et de paix, s'était décidée à interposer ses bons offices dans le but de terminer, à des conditions honorables, le différend qui s'était élevé entre la Grande-Bretagne et la Grèce. Il avait été convenu que les mesures coercitives déjà mises en usage par l'Angleterre seraient suspendues pendant la durée de la médiation, et que, si un arrangement jugé acceptable par le médiateur français était repoussé par le négociateur britannique, ce dernier devrait en référer à Londres avant de recourir de nouveau à l'emploi de la force. Nous avions reçu, sur ce dernier point, les promesses les plus formelles; elles n'ont pas été tenues. 11 en est résulté cette déplorable conséquence, qu'au moment même où un projet de convention, négocié directement et définitivement arrêté entre les cabinets de Paris et de Londres, était sur le point d'arriver à Athènes, où déjà les bases essentielles en étaient connues, la Grèce, attaquée de nouveau par les forces navales britanniques, malgré les vives représentations de l'envoye français, a dû, pour échapper à une ruine complète, accepter sans discussion les clauses d'un ultimatum bien autrement rigoureux. En apprenant cet étrange résultat de notre médiation, nous avons voulu n'y voir que l'effet de quelque malentendu. Nous avons espéré que le cabinet de Londres, considérant comme non avenus des faits regrettables pour tout le monde, et qui n'avaient eu lieu que par suite de la violation d'un engagement pris envers nous, maintiendrait le projet de convention que nous avions arrêté avec lui. Vous avez été chargé de lui en faire la demande. Cette demande n'ayant pas été écoutée, il nous a paru que la prolongation de

votre séjour à Londres n'était plus compatible avec la dignité de la République. Le président m'a ordonné de vous inviter à rentrer en France après avoir accrédité M. de Marescalchi en qualité de chargé d'affaires.

» Il m'a ordonné également de vous exprimer toute la satisfaction du gouvernement de la République pour le zèle, l'habileté, l'esprit de conciliation et de fermeté tout à la fois que vous avez constamment portés dans une négociation dont il n'a pas tenu à vous d'assurer le succès.

>> Vous voudrez bien donner lecture de la présente dépêche à lord Palmerston.

» Signé général DE LA HITTE. »

DEPECHE adressée par le ministre des

affaires étrangères de la GrandeBretagne au marquis de Normanby, après le rappel de l'ambassadeur français.

«Le vicomte Palmerston au marquis de Normanby.

» Ministère des affaires étrangères, 19 mai 1850.

» Milord,

>> Le gouvernement de la reine a appris avec grand regret, par les dépêches de Votre Excellence, et par les conversations que j'ai eues avec M. Drouyn de Lhuys, avant son retour à Paris, que les circonstances ayant trait au récent arrangement du différend entre le gouvernement de la reine et celui de la Grèce, ont produit une impression défavorable sur les esprits des membres du gouvernement français, et que le gouvernement français croit que la marche des événements à Athènes a démontré, de la part du gouvernement anglais, un manque de considération pour la France, et a constitué une deviation de l'entente établie entre les deux gouvernements.

Le gouvernement de la reine avait espéré n'avoir pas besoin d'assurer le gouvernement français, comme Votre Excellence le fera, que rien ne pouvait être plus éloigné de sa pensée ni de sou intention que de traiter légèrement le gouver nement de France, ou de manquer d'aucune façon, ni dans aucune occasion, de cette considération pour la France qui

lui est si justement due par le gouvernement de la reine, à cause du rang élevé de la France parmi les puissances du monde, et à cause des relations amicales qui ont existé entre elle et l'Angleterre. En ce qui touche l'intelligence qui existait entre les deux gouvernements au sujet des négociations d'Athènes, je compte que les explications que vous don nerez feront disparaître de l'esprit du gouvernement français l'impression que l'on s'est écarté de cette entente.

» Pour comprendre la question, il faut revenir à ma note à M. Drouyn de Lhuys, du 12 février, signifiant l'acceptation par le gouvernement de la reine des bons offices de la France offerts par la note de M. Drouyn de Lhuys du 7 février.

(Lord Palmerston cite ici des notes connues, et veut en faire ressortir que, dès le principe, ce que le gouvernement de la reine acceptait n'était pas un arbitrage, mais de bons offices, dans l'intention d'obtenir par ce moyen la satisfaction et la réparation qui eussent pu être obtenues autrement que par la continuation de l'emploi de la force, disant que le gouvernement de la reine ne pour rait renoncer à aucune des demandes faites, et que la principale négociation que l'on avait en vue était une négociation entre l'agent diplomatique français et le gouvernement grec. Puis il poursuit :)

» Une convention, demandée par M. Drouyn de Lhuys ayant été stipulée, j'envoyai les pièces officielles le 19 avril par un courrier qui devait arriver à Trieste assez à temps pour prendre le paquebot en partance à la date du 25 et destiné à être rendu à Athènes le 2 mai. En effet, j'ai appris par des dépêches de M. Wyse qu'il était arrivé le 2 à Athènes. Toutefois, en convenant d'envoyer le projet de convention à Athènes, j'avais expliqué que si, avant son arrivée dans cette ville, un arrangement différent avait été conclu par les ministres sur les lieux, que cet arrange ment fût pire ou meilleur pour les créanciers anglais, dans l'un et l'autre cas, cet arrangement serait bon, et qu'alors la convention envoyée serait caduque.

>> Ceci paraissait être une condition nécessaire, attendu qu'il eût été évidem ment difficile et qu'il y eût eu objection à défaire des arrangements déjà peut-être exécutés, et à y substituer un autre arran

gement qui est peut-être différent dans ses effets sur l'intérêt de certaines parties. Ce qu'avait prévu le gouvernement de la reine est arrivé à Athènes; un autre arrangement de la question en litige avait été conclu, mais il ne l'avait pas été par tous les trois ministres engagés dans la négociation; il était résulté des communications directes entre les ministres anglais et grec, et il avait été amené par la reprise de l'action de l'escadre anglaise.

»Bien que l'on dût s'attendre à ce que le baron Gros, organe des bons offices pour amener les deux parties à une convention, dût communiquer librement à chacune les demandes, les réponses ou les propositions de l'autre, le baron Gros paraît s'être considéré comme n'ayant pas mission, en vertu de ses instructions, de communiquer au gouvernement grec, aucune demande ni proposition du ministre anglais, que lui, baron Gros, ne croyait pas susceptibles d'être adoptées par le gouvernement grec. Ces instructions, qui ne semblent pas avoir été d'accord avec les termes dans lesquels ont été acceptés les bons offices du gouvernement français, ont été cause des négociations et communications entre le baron Gros et M. Wyse.

» Le baron Gros a fréquemment prétendu, soutenu, qu'il avait ordre de ne rien présenter au gouvernement grec qu'il n'approuvât pas lui-même, et, en cas de divergence d'opinion avec M. Wyse, il devait prier celui-ci de maintenir le statu quo, et d'en référer à Londres pour des instructions sur les points de différence. M. Wyse soutenait, au contraire, que ses instructions portaient qu'il avait droit d'attendre que le baron Gros transmettrait au gouvernement grec toutes les propositions que lui (M. Wyse) jugerait devoir faire en vertu de ses ins

tructions.

(Après avoir rendu compte de divers pourparlers de MM. Wyse et Gros, lord Palmerston ajoute :)

» Je ne vois pas ce qui peut, soit dans la conduite de M. Wyse, soit dans celle du gouvernement anglais, être considéré comme indiquant un manque de respect pour le gouvernement français, ou comme constituant la violation d'engagements contractés.

» Je n'hésite pas à dire que le gouver

nement de la reine ayant accepté les bons offices de la France, et son négociateur à Athènes ayant donné une attention tout amicale et pris beaucoup de peines au sujet de cette affaire, regrette que l'arrangement n'ait pas été conclu formellement par suite des bons offices de la France. Mais, sans vouloir critiquer la conduite du négociateur français, le gouvernement de la reine doit faire observer que la retraite spontanée du baron Gros, en dépit des vives représentations de M. Wyse, est ce qui a ramené les choses dans les mains de sir W. Parker; mais, quoique l'affaire n'ait pas été arrangée sous les auspices du négociateur français, il n'y a pas de doute que les communications entre lui et le gouvernement grec, pendant le cours de la négociation doivent avoir beaucoup contribué à amener les choses à une solution à l'époque et de la manière dont elles ont été arrangées; et sous ce rapport, le gouvernement et le peuple grecs ont beaucoup gagné aux bons offices du gouvernement de France.

» Ma dépêche du 11 mai vous enjoignait de signaler au gouvernement français qu'il y a très-peu de différence entre les conditions de l'arrangement du 27 avril, et celui de la convention envoyée à M. Wyse le 19 avril.

(Le noble lord rapproche ici les stipulations des deux conventions pour faire voir qu'il y a bien peu de différence essentielle; il ajoute :)

» Vu cette presque similitude, ma dépêche du 11 mai vous disait de déclarer au gouvernement français que le gouvernement de la reine n'avait pas de très-forte préférence pour une convention plutôt que pour l'autre. Mais en même temps, les choses qui ont été faites, et les arrangements qui ont été exécutés, ne sauraient, après un long intervalle de temps être renversés...

» Je ne terminerai pas sans prier Votre Excellence de dire au gouvernement français le profond regret du gouvernement de la reine qu'une négociation, entamée par le gouvernement de la reine dans l'espoir qu'elle formerait un nouvel anneau dans les relations amicales des deux pays, ait, par des circonstances accidentelles, donné naissance à une mésintelligence entre les deux gouvernements. Votre Excellence assurera

le ministre français que ce que le gouvernement regretterait par-dessus tout (would above all things regret), serait que cette més intelligence, seulement temporaire, ainsi que l'espère le gouvernement de la reine, amenât quelque éloignement durable entre les deux gouvernements, ou quelque diminution des relations amicales qui, au grand avantage des deux parties, et au profit des grands et généraux intérêts de l'Europe, ont jusqu'ici heureusement subsisté entre l'Angleterre et la France.

>> Votre Excellence lira cette dépêche au général de Lahitte, et lui en donnera copie.

» Signé, PALMERSTON. »

SUISSE.

PROCLAMATION du Conseil fédéral rerelative aux réfugiés.

« Berne, le 25 février 1851.

» Fidèles et chers confédérés,

>> Dans les années 1848 et 1849, la Suisse se vit surchargée d'une grande masse de réfugiés de toutes les nations, qui, en suite des événements politiques survenus, soit en Italie, soit en Allemague, vinrent chercher un refuge sur le territoire de la Confédération. Comme ils venaient directement du théâtre de la guerre et étaient poursuivis par des troupes, ou ne pouvait pas leur refuser un asile temporaire, en partie par des considérations d'humanité, en partie pour prévenir des mouvements militaires à la frontière qui auraient pu compromettre notre territoire. Bien que, d'après les principes de notre droit public fédéral, l'asile soit en première ligne l'affaire des cantons, et que, dans la règle, la Confédération ne puisse pas contraindre les cantons à donner asile, mais plutôt restreindre ce droit à la teneur de l'article 57 de la Constitution fédérale, il fallut alors déroger à ce principe par des considérations d'un ordre plus élevé et dans l'intérêt de l'ordre et de la tranquillité publiques. Le Conseil fédéral dut exceptionnellement prescrire l'asile, établir une direction

entrale, et astreindre les cantons à se charger d'un certain nombre de réfugiés. Déjà alors le Conseil fédéral vous fit connaître son intention d'aviser à tous les moyens convenables pour que les cantons n'eussent pas à supporter trop longtemps une charge qui dépassait de beaucoup les limites de l'asile. (Circulaire du 5 juillet 1849). Ce but se réalisa successivement, en partie par l'effet d'une intercession en vue d'une amnistie, en partie au moyen de secours tirés de la caisse fédérale, en partie par suite d'expulsion pour cause d'inconduite ou de fausses déclarations de réfugiés prétendant avoir besoin de l'asile, en partie enfin par l'accélération de leur départ, et cela même au prix de sacrifices pécuniaires considérables.

» Grâce au concours de toutes ces circonstances, le nombre des réfugiés, qui en juillet 1849 dépassait le chiffre de 11,000, a diminué à tel point, qu'il ne s'en trouve actuellement plus qu'en viron 500 sur le contrôle général fédéral. Il y a déjà quelque temps que le Conseil fédéral s'est en conséquence occupé de la question de savoir s'il ne conviendrait pas de ramener l'affaire des réfugiés à la base ordinaire, et de laisser les réfugiés entièrement sous le régime des cantons, sauf le contrôle et les mesures statuées par les articles 57 et 90 de la Constitution fédérale. Jusqu'à présent la seule difficulté qui s'est opposée à cette disposition est la considération que plusieurs cantons ont encore proportionnellement un nombre considérable de réfugiés qui ne peuvent rentrer chez eux sans s'exposer à de grands dangers, et qui ne possèdent pas les moyens nécessaires pour se trausporter dans des pays plus éloignés. Cette difficulté se trouve maintenant écartée par le fait que le gouvernement français, eu égard à l'intercession du Conseil fédéral, et avec un empressement qu'on ne saurait trop reconnaître, a offert de se charger à partir de la frontière suisse, des frais de transport jusqu'en Angleterre ou en Amérique pour tous les réfugiés non Français. Les circonstances étant telles, le Conseil fédéral se trouve engagé à décréter la mesure mentionnée, déjà en projet depuis longtemps. Par là on n'impose non-seulement aucune charge nouvelle aux can

tons, mais au contraire l'occasion leur est offerte de se libérer du fardeau qu'ils ont eu à supporter jusqu'à ce jour, ainsi que tous les inconvénients qui s'y rattachent. Si, dans cet état de choses, les cantons font largement usage du droit d'éloigner les réfugiés, on ne saurait leur adresser justement le reproche de dureté, si l'on songe pendant combien de temps ils ont accordé l'asile dans une mesure précédemment inconnue et en faisant des sacrifices considérables, et que lors de l'admission des réfugiés on n'avait assurément pas l'intention de s'en charger en permanence, mais plutôt de les soustraire à un danger et de leur procurer les moyens de s'entretenir et de pourvoir à leur avenir; que, de plus, les réfugiés d'autres pays ont la faculté de se rendre dans d'autres pays où ils peuvent séjourner sans aucun danger, et qu'enfin on leur offre les moyens de voyager dont ils peuvent avoir besoin. Vous n'ignorez d'ailleurs pas, fidèles et chers confédérés, que, pour un grand nombre de réfugiés, c'est le manque de moyens qui jusqu'à ce jour les a empêchés d'émigrer.

» Par ces motifs, le Conseil fédéral a arrêté :

» 10 L'obligation imposée en juillet 1849 aux cantons de recevoir les réfugiés politiques, est abolie;

» 20 En conséquence, tout engagement de la Confédération envers les cantons cesse à partir de l'époque où le départ des réfugiés deviendra possible, et tout danger d'heimathlosat de réfugiés incombe exclusivement aux cantons;

» 3o Le département fédéral de justice et police fera, relativement à cette époque, les communications ultérieures aux cantons;

» 4° Les arrêtés antérieurs du Conseil fédéral sur l'internement et le renvoi, etc., demeurent en vigueur.

» En vous rappelant encore que le présent arrêté ne concerne pas les réfugiés français, dont le nombre est d'ailleurs fort restreint, nous saisissons cette occasion de vous recommander, fidèles et chers confédérés, avec nous, à la protection divine.

>> Au nom du Conseil fédéral suisse ; » Le président de la Confédération,

» J. MUNZINGER.

» Le substitut du chancelier de la

Confédération,

D N. VON Moos, »

ARRETE rendu par le Conseil fédéral, en exécution du règlement du 11 mars, concernant le retrait des monnaics suisses.

Art. 1er. Le retrait officiel des anciennes monnaies suisses dans le canton du Valais commencera le 1er septembre prochain, pour toutes les anciennes monnaies mentionnées à l'art. 1er dudit règlement du 11 mars 1851.

Art. 2. Dès et compris le 1er septembre 1851, le nouveau pied monétaire suisse entrera en vigueur dans le canton du Valais, et les anciennes monnaies n'y auront plus cours qu'en nouvelle valeur. Art. 3. Dès et compris le 1er octobre 1851, les caisses de retrait et celles des postes et des péages dans un canton seront seules tenues de recevoir en payement les anciennes monnaies suisses, personne d'autre n'étant plus obligé de les accepter, à quelque taux que ce soit.

Art. 4. A dater du 1er novembre 1851, toutes les anciennes monnaies suisses seront hors de cours dans le canton du Valais, même pour les caisses de retrait et celles des postes et des péages.

Art. 5. Le retrait dans le canton mentionné ci-dessus se fera d'après le tarif pour le rechange ou le retrait des anciennes monnaies suisses, arrêté par le conseil fédéral le 26 mars 1851, et en échange d'espèces légales au nouveau pied monétaire.

Art. 6. Le gouvernement du canton du Valais procédera conformément au règlement sur le retrait des monnaies suisses du 11 mars 1851, lettre A, concernant les cantons et le public, et lui donnera toute la publicité nécessaire, ainsi qu'au tarif du 26 mars 1851. Berne, le 8 août 1851.

Au nom du Conseil fédéral suisse ;
Le président de la Confédération,
MUNZINGER.

Le chancelier de la confédération suisse
SCHIESS.

ITALIE.

SARDAIGNE et PIEMONT. DÉCRETS relatifs à des modifications ministérielles.

<< Victor-Emmanuel II, etc.

>> Sur la proposition du président du conseil, avons décrété et décrétons : La gestion du ministère des affaires étrangères, confiée, pendant l'absence du ordonnance du 12 juillet dernier, au chevalier Massimo d'Azeglio, par notre chevalier Alphonse La Marmora, ministre secrétaire d'Etat des affaires de la guerre, a cessé à dater d'aujourd'hui.

>> Notre président du conseil, ministre secrétaire d'État des affaires présent décret, qui sera enregistré au étrangères, est chargé de l'exécution du bureau du contrôle général.

» Donué à Moncolieri, le 15 septembre 1851.

» VICTOR-EMMANUEL.

» AZEGLIO. »

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