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ment s'adresser à un autre prêtre qu'à son curé, ne péchera point en demandant les sacrements à son pasteur, quoiqu'il ait lieu de croire que celui-ci ne les lui administrera pas sans se rendre coupable de sacrilége. De même, si celui qui a besoin d'argent ne trouve personne qui consente à lui en prêter sans usure, il peut s'adresser à un usurier pour emprunter la somme qui lui est nécessaire, quoiqu'il prévoie que cet usurier exigera des intérêts usuraires Inducere hominem ad peccandum nullo modo licet, dit <«< saint Thomas; uti tamen peccato alterius ad bonum licitum est (1). »

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392. On doit regarder comme grandement coupables de scan dale: 1o ceux qui sont dans l'habitude de blasphemer; 2o ceux qui publient des ouvrages contraires à la religion, à la foi catholique ou aux mœurs ; 3° ceux qui vendent ou font lire ces sortes d'ouvrages à toutes sortes de personnes; 4o ceux qui composent, répandent ou chantent des chansons immorales; 5° ceux qui font, qui jouent, ou qui approuvent des pièces de théâtre ou de comédie dans lesquelles on ne respecte ni les pratiques de la religion, ni la sainteté des mariages, ni la vertu; 6o les artistes, les peintres, les sculpteurs dont les ouvrages blessent les lois de la décence et de la modestie; 7° les modistes, les coiffeurs qui exposent aux yeux des passants certains modèles, sur lesquels on ne peut arrêter la vue : « Quibus nempe repræsentantur mulieres immoderate nudatis uberibus; » 8° « Mulieres ipsæ et puellæ quæ immoderatas scapula« rum et uberum nuditates exhibent (2). »

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Un confesseur ne peut tolérer ces scandales.

393. Non-seulement nous devons éviter de donner du scandale; mais la charité nous fait un devoir de le prévenir et de l'arrêter dans les autres, autant que possible. Pour empêcher le scandale des faibles, nous sommes quelquefois obligés ou de faire le sacrifice d'une partie de nos biens temporels, ou de leur faire connaître la justice de nos prétentions. Une fois avertis, ils n'ont plus lieu de se plaindre et de se scandaliser; s'ils se scandalisent, leur scandale est un scandale pharisaïque. Or, nous ne sommes pas tenus d'abandonner nos biens aux méchants, qui en prendraient occasion de se livrer à toutes sortes d'injustices à l'égard des justes (3).

Mais est-on obligé de renoncer à des biens spirituels pour empêcher un scandale? On ne doit pas renoncer aux biens nécessaires

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1) Sum. part. 2. 2. quæst. 78. art. 4. — (2) Voyez le n° 319. — (3) S. Thomas, part. 2. 2. quæst. 44. art. 8.

au salut, pour prévenir un scandale passif, quel qu'il soit. Quant aux biens qui ne sont point de nécessité de salut, on peut, on doit même s'en priver, jusqu'à ce qu'on ait fait cesser le scandale par une explication convenable : « Usque reddita ratione hujusmodi * « scandalum cesset (1). » Si, après cette explication, le scandale persévère, il faut l'attribuer à la malice, le regarder comme un scandale pharisaïque; et alors on n'est plus obligé de faire aucun sacrifice pour l'arrêter : « Et sic propter ipsum non sunt hujusmodi "spiritualia opera dimittenda (2). »

394. On ne doit jamais faire ce qui est mauvais de sa nature, pour empêcher le scandale du prochain. Il n'est pas permis, par exemple, de mentir même véniellement, pour faire éviter un péché mortel : « Non faciamus mala ut eveniant bona (3).

Il n'est pas permis non plus d'omettre un précepte quelconque, afin de prévenir un scandale pharisaïque; mais on doit, en certains cas particuliers, non ad longum tempus, sed tantum pro una et altera vice (4), omettre un précepte positif, pour empêcher le scandale qui provient de l'ignorance ou de la faiblesse. On doit, à plus forte raison, s'interdire une pratique de dévotion qui n'est point d'obligation, ou un acte indifférent de sa nature, jusqu'à ce qu'on ait pris les précautions que l'on croit nécessaires pour faire cesser le scandale dont il s'agit. Si après cela le scandale continue, ce n'est plus qu'un scandale pharisaïque qu'on peut mépriser (5).

395. Les théologiens ne s'accordent pas sur la question de savoir s'il est permis de conseiller un moindre mal, pour en empêcher un plus grand que le prochain est déterminé à commettre. Les uns pensent que cela n'est pas permis. La raison qu'ils en donnent, c'est que s'il n'est pas permis de faire le mal pour qu'il en arrive un bien, l'on ne doit pas non plus le conseiller pour empêcher un plus grand mal. Les autres, au contraire, croient qu'il est permis de conseiller un moindre mal, afin d'arrêter l'exécution du projet qu'on a formé d'en commettre un plus grand. Saint Alphonse de Liguori soutient ce sentiment comme plus probable que le premier: « Secunda sententia probabilior tenet licitum esse minus « malum suadere, si alter jam determinatus fuerit ad majus malum

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(1) S. Thomas, Sum. part. 2. 2. quæst. 44. art. 7. (2) Ibidem. — (3) Rom. c. 3. v. 8. — (4) S. Alphonse de Liguori, Collet, le P. Antoine, etc. 15) S. Thomas, S. Alphonse, Collet, Billuart, le P. Antoine, etc.

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exequendum (1).» Celui qui donne ce conseil, ajoute ce saint docteur, ne cherche point le mal, mais le bien qu'il voudrait procurer en proposant un moindre mal : « Ratio, quia tunc suadens non quærit malum, sed bonum, scilicet electionem minoris mali (2). En effet, le conseil dont il s'agit n'est pas un conseil proprement dit, un conseil positif et direct qui puisse faire croire qu'on approuve et qu'on désire le moindre mal, une chose réellement mauvaise; il ne peut être considéré, eu égard à la circonstance, que comme moyen d'empêcher un plus grand mal, et peut-être même le moindre mal, quoiqu'on ait l'air de le conseiller.

396. Il est permis de ne pas ôter l'occasion de voler à un enfant, à un domestique, à un ouvrier, afin qu'après l'avoir pris en flagrant délit on puisse le corriger. Autre chose est de laisser faire le vol, quand on a quelque bonne raison d'agir ainsi, autre chose est de l'approuver (3). Plusieurs auteurs, dont l'opinion parait assez probable à saint Alphonse de Liguori (4), permettent même de leur fournir l'occasion de voler, afin qu'on puisse prévenir les délits qu'ils pourraient commettre dans la suite; mais ne serait-ce pas les induire en tentation? Nous n'osons prononcer.

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397. Il n'est pas permis de coopérer formellement au péché du prochain, mais on peut quelquefois y coopérer matériellement. La coopération formelle est celle qui influe sur la mauvaise volonté d'un autre, et ne peut être sans péché : « Cooperatio formalis est quæ concurrit ad voluntatem alterius, et nequit esse sine pec«cato (5). » Elle a lieu de la part de celui qui commande ou conseille le mal, qui approuve un mauvais dessein, qui se rend complice d'une mauvaise action, en se livrant, par exemple, à la fornication, à l'adultère; de la part de celui qui protége un malfaiteur, afin que celui-ci puisse commettre le crime avec plus de sécurité, et, généralement, de la part de quiconque concourt directement et prochainement à l'exécution d'une mauvaise action, ou qui y concourt sans aucune raison qui puisse disculper sa coopération.

398. On appelle matérielle la coopération qui, pour une cause plus ou moins grave suivant les circonstances, concourt à l'action d'un autre, contre l'intention du coopérateur : « Cooperatio mate«rialis est illa quæ concurrit tantum ad malam actionem alterius " præter intentionem cooperantis (6). »

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(1) Theol. moral. lib. 11. no 57. — (2) Ibidem. — (3) Ibid. no 57. —(4) Ibid. n° 58. - (5) Ibid. no 63. — (6) Ibidem

La coopération matérielle est licite; mais elle ne l'est qu'autant qu'elle réunit trois conditions. Il faut : 1° que l'acte de coopération soit bon ou indifférent de sa nature; 2° qu'on ne soit point tenu, d'office, par état, d'empêcher le péché d'autrui; 3o que l'on ait une cause juste et proportionnée, eu égard à la nature de l'action mauvaise, et à la manière plus ou moins prochaine, plus ou moins efficace dont on concourt à l'exécution de cette action. Plus notre coopération est prochaine, plus elle est efficace, plus aussi la cause qui nous excuse doit être grave (1). Ainsi, par exemple, pour ce qui regarde les aubergistes, on excuse plus facilement, toutes choses égales d'ailleurs, celui qui donne de la viande à ceux qui en demandent un jour d'abstinence, que celui qui donne du vin aux ivrognes qui en abuseront. Il faut une raison plus forte pour le second que pour le premier cas.

399. Celui qui s'est rendu coupable de scandale en matière grave, soit par coopération formelle, soit de toute autre manière, est obligé, sous peine de péché mortel, de réparer le scandale, autant que possible. Ceux qui ont eu le malheur de soutenir, de professer, de vive voix ou par écrit, des erreurs contraires à la foi catholique ou à la morale chrétienne, sont obligés de les rétracter de la manière la plus propre à les détruire dans l'esprit des personnes qu'ils ont scandalisées.

Quant au scandale qui résulte d'une conduite immorale, il faut que celui qui en est l'auteur le répare par une conduite vraiment chrétienne, profitant de toutes les occasions qui peuvent se présenter pour donner au public des preuves non équivoques d'un retour sincère à de meilleurs sentiments. Celui qui n'a rien fait et qui ne veut rien faire pour réparer les scandales qu'il a commis, est indigne d'absolution.

CHAPITRE IV.

De la Vertu de Religion.

400. La vertu de religion est une vertu morale, qui nous porte à rendre à Dieu le culte qui lui est dû (2). C'est une vertu morale,

(1) Voyez S. Alphonse de Liguori, Theol. moral. lib. 11. no 59, etc. Thomas, Sum. part. 2. 2. quæst. 81. art. 1, etc.

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et non une vertu théologale; car, à la différence de la foi, de l'espérance et de la charité, la vertu de religion n'a pas Dieu pour objet immédiat, mais le culte que nous lui rendons (1). Elle tient le premier rang parmi les vertus morales, en tant qu'elle nous rapproche davantage de Dieu, de notre fin dernière : « Religio præe« minet inter alias virtutes, » dit saint Thomas (2).

ARTICLE I.

Des Actes de la Vertu de Religion.

401. Les principaux actes de la vertu de religion sont l'adoration, le sacrifice, la dévotion, la prière, le serment, le vœu et la sanctification des jours de dimanche et de fête, spécialement consacrés au culte divin. Nous parlerons de ces trois derniers articles, en expliquant les deuxième et troisième commandements de Dieu.

L'adoration, à prendre ce mot dans sa signification stricte et rigoureuse, est un acte de religion par lequel nous rendons un culte à Dieu comme au créateur et au souverain Seigneur de toutes choses. Ce culte, qu'on appelle culte de Latrie, ne convient qu'à Dieu : « Dominum tuum adorabis, et illi soli servies (3); » et il est nécessaire de nécessité de moyen. Nous sommes obligés, sous peine de damnation, d'adorer Dieu comme notre souverain maître, reconnaissant sa majesté infinie et notre néant, son indépendance absolue et notre dépendance, et dans l'ordre de la nature et dans l'ordre de la grâce. Mais nous devons l'adorer en esprit et en vérité, nous livrant aux mouvements de notre cœur, qui réclament le secours de la parole, des cantiques, des larmes et des prosternements: « Spiritus est Deus; et eos qui adorant eum, in Spiritu et « veritate oportet adorare (4).

402. On distingue ce culte du culte de Dulie et du culte d'Hyperdulie. Le culte de Dulie est celui que l'Église rend aux anges et aux saints, en tant qu'ils ont été comblés de dons de la part de Dieu; ce culte se rapporte à Dieu lui-même, comme à l'auteur de tout don, de tout bien.

L'Hyperdulie est le culte spécial qu'on rend à la sainte Vierge, comme étant élevée, par sa qualité de mère de Dieu, au-dessus des anges et des hommes, au-dessus de toutes les créatures.

(1) Voyez le n° 281. (2) Matth. c. 4. v. 10. (3) Ibidem,- (4) Joan. C. 4. v. 24.

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