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Le maléfice, quel qu'en soit l'objet, et de quelque manière qu'il se pratique, a toujours été regardé comme un crime, aussi contraire à la justice qu'à la vertu de religion : « Maleficos non patie« ris vivere (1).

Pour faire cesser un maléfice, il faut avoir recours à la pénitence, à la prière, aux jeûnes, aux exorcismes et autres remèdes spirituels approuvés par l'Église; comme sont le sacrifice de la messe, les sacrements, l'invocation du saint nom de Jésus et de celui de la sainte Vierge Marie, le signe de la croix, l'intercession des saints.

On doit aussi recourir aux remèdes naturels, propres à calmer les humeurs et l'imagination de la personne qui est ou se croit sous l'influence d'une puissance infernale. C'est même par la médecine qu'il convient, le plus souvent, de commencer, surtout quand il n'est pas constant qu'il y a réellement maléfice. Nous savons par expérience qu'on se fait souvent illusion sur ce point, en attribuant à une intervention diabolique le mal qu'on peut regarder comme l'effet, ou d'une imagination exaltée, ou de quelque accident naturel, ou de la scélératesse d'un méchant, d'un empoisonneur.

Au reste, il n'est jamais permis de recourir à celui que l'on croit l'auteur d'un maléfice, pour en obtenir la cessation par le moyen d'un autre maléfice. Ce serait vouloir guérir le mal par le mal, par un acte essentiellement contraire à la vertu de religion.

422. La vaine observance est une espèce de superstition, par laquelle on se sert de moyens frivoles, qui n'ont point naturellement la vertu de produire l'effet que l'on attend, et qui n'ont pas été institués de Dieu ni par l'Église pour cela; comme, par exemple, lorsqu'on use de certaines paroles, figures, images ou caractères pour guérir ou se préserver d'une maladie; se garantir de la foudre, de la rage, de la morsure des bêtes féroces, de la peste, du choléra; ou lorsqu'on porte sur soi certaines herbes pour être heureux au jeu, pour découvrir les secrets des autres.

Mais ce n'est point une pratique vaine ou superstitieuse de porter sur soi, par dévotion, une relique, l'image ou la médaille de la sainte Vierge, d'un saint; pourvu qu'à la confiance que ces choses inspirent aux fidèles, on n'ajoute rien qui tienne de la superstition. 423. Il en est de la vaine observance comme de la divination; elle est péché mortel, toutes les fois qu'elle est accompagnée de

(1) Exod. c. 22. v. 18.

M. I.

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l'invocation expresse du démon. A défaut de cette invocation, elle peut devenir vénielle, par l'ignorance ou par la simplicité des fidèles. L'ignorance excuse même de tout péché celui qui, faute d'avoir été instruit, ne regarde pas telle ou telle observance comme superstitieuse, quoiqu'elle soit vraiment vaine, illicite.

Dans le doute si un effet, une guérison, par exemple, doit être regardé comme naturel ou diabolique, on doit le présumer naturel. On peut donc employer un remède qui paraît extraordinaire, mais qui n'est pas manifestement superstitieux; surtout si, pour dissiper tout scrupule, on a soin de protester qu'on ne consent à aucune intervention du démon (1).

Nous ne finirions pas, si nous voulions rapporter toutes les vaines observances qui ont cours dans les différents pays. Un curé doit instruire exactement ses paroissiens sur les pratiques superstitieuses qui sont en vogue dans sa paroisse; mais il doit s'en tenir là, de crainte de donner aux fidèles la pensée d'essayer les observances qu'ils ignorent heureusement. La superstition est contagieuse. Il aura soin aussi qu'aucune superstition ne se glisse dans le service divin, ni dans le culte des saints, des images et des reliques, ni dans les processions qui se font pour demander à Dieu la cessation d'un fléau, d'une calamité publique.

424. Quand un pénitent s'accuse d'avoir péché par superstition, le confesseur doit examiner s'il y a eu pacte exprès, ou seulement pacte tacite avec le démon; si ce pénitent a agi par malice ou par impiété, ou par ignorance. Dans le premier cas, le confesseur exigera absolument que le pénitent renonce à tout pacte avec l'ennemi du salut, qu'il détruise les caractères, figures et autres emblèmes de la superstition. Dans le second cas, c'est-à-dire, si le pénitent a eu l'intention de nuire, suivie de son effet, le pénitent ne peut recevoir l'absolution qu'autant qu'il est disposé à réparer, par tous les moyens possibles, le tort qu'il a fait. Dans le troisième cas, le pénitent qui aurait renoncé à Jésus-Christ, ou qui aurait blasphémé contre Dieu ou contre les saints, ou qui aurait tenu des discours injurieux à l'Église, ne doit participer aux sacrements qu'après avoir abjuré ses erreurs et rétracté ses blasphèmes, avec la disposition de faire tout ce qui dépendra de lui pour réparer le scandale dont il s'est rendu coupable.

Quant au quatrième cas, concernant les personnes qui font des

(1) Voyez S. Alphonse de Liguori, Theol. moral. lib. I. n° 20; Sanchez, Laymann, Sporer, Elbel, etc.

actes de superstition par ignorance ou par simplicité, le confesseur les instruira, et les engagera à renoncer à toutes pratiques superstitieuses. Il évitera toutefois, par prudence, de taxer de péché mortel telle ou telle observance, et de leur faire promettre qu'elles y renonceront, s'il n'a pas lieu d'espérer l'exécution de cette promesse. C'est en vain, par exemple, qu'on tenterait de détruire le préjugé superstitieux de certaines femmes qui, après leurs couches, ne veulent pas commencer à aller à la messe un vendredi ; ou qui ne veulent pas filer ni faire la lessive en certains jours, craignant qu'il leur arrive quelque malheur : « Quis infirmatur et ego non infirmor (1).

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425. Comment doit se comporter un confesseur à l'égard de ceux qui magnétisent ou qui se font magnétiser ? Il s'agit du magnétisme animal, dont les effets plus ou moins surprenants exercent en ce moment les savants et les moralistes. Il nous est difficile de répondre catégoriquement: car, quoiqu'il existe deux décisions, dont l'une de la Sacrée Pénitencerie et l'autre du Saint-Office, en réponse à des cas particuliers, la question générale de la licité ou de l'illicité du magnétisme, considéré en lui-même, demeure encore indécise. En 1842, nous avons consulté le Souverain Pontife sur la question de savoir si, Sepositis abusibus rei et rejecto omni cum dæmone fædere, il était permis d'exercer le magnétisme animal, et d'y recourir comme à un remède que plusieurs regardent comme naturel et utile à la santé. Son Éminence le cardinal Grand-Pénitencier a bien voulu nous écrire que la solution que nous avions sollicitée se ferait attendre, parce que la question n'avait pas encore été sérieusement examinée par le saint-siége. N'ayant pas reçu d'autre réponse, nous pensons qu'on doit tolérer l'usage du magnétisme, jusqu'à ce que Rome ait prononcé. Quand nous examinons de près les effets du magnétisme, il n'est pas évident pour nous qu'on doive les attribuer à l'intervention du démon. Mais la réponse du vicaire de Jésus-Christ, quelle qu'elle soit, lèvera toutes nos difficultés.

En disant qu'un confesseur doit tolérer l'usage du magnétisme, nous supposons, premièrement, que le magnétiseur et le magnétisé sont de bonne foi; qu'ils regardent le magnétisme animal comme un remède naturel et utile; secondement, qu'ils ne se permettent rien, ni l'un ni l'autre, qui puisse blesser la modestie chrétienne, la vertu; troisièmement, qu'ils renoncent à toute intervention de

(1) II Corinth. c. 2. v. 29.

la part du démon. S'il en était autrement, on ne pourrait absoudre ceux qui ont recours au magnétisme. Nous ajouterons qu'un confesseur ne doit ni conseiller ni approuver le magnétisme, surtout entre personnes de différent sexe, à raison de la sympathie trop grande et vraiment dangereuse qui se forme le plus souvent entre le magnétiseur et la personne magnétisée.

ARTICLE III.

De l'Irréligion.

426. Les péchés opposés à la vertu de religion par défaut, par irréligion, sont la tentation de Dieu, le parjure, le blasphème, sacrilége et la simonie. Nous parlerons du blasphème et du parjure dans le deuxième précepte du Décalogue.

Tenter Dieu, c'est dire ou faire une chose pour éprouver sa puissance, sa sagesse, sa bonté, sa justice, ou quelque autre perfection divine. On distingue deux manières de tenter Dieu, l'une formelle et l'autre implicite. La tentation est formelle, lorsque quelqu'un, doutant d'une perfection de Dieu, pousse l'impiété jusqu'à vouloir la mettre à l'épreuve. Cette tentation est un péché mortel qui n'admet pas de légèreté de matière.

La tentation est implicite, lorsque, sans avoir l'intention expresse de tenter Dieu, on fait cependant comme celui qui le tente en effet; ce qui arrive toutes les fois qu'on attend une chose de Dieu, sans prendre les moyens nécessaires pour l'obtenir. Par exemple, c'est tenter Dieu que d'espérer de sa bonté la guérison d'une maladie, sans employer les remèdes de l'art. C'est tenter Dieu que de se jeter, sans nécessité, dans un danger imminent de perdre la vie, espérant que sa puissance nous préservera de tout accident. C'est tenter Dieu que de vouloir juger de l'innocence ou de la culpabilité d'une personne par les épreuves de la croix, de l'eau ou du feu, dont l'usage a été proscrit par l'Église.

427. La tentation de Dieu, même implicite, est péché mortel, à moins qu'on n'ait pour excuse ou l'ignorance, ou le défaut de réflexion, ou bien encore, suivant le sentiment qui nous paraît le plus probable, le peu d'importance de la matière; comme si, par exemple, la maladie étant légère, on attendait la guérison de la divine Providence, sans recourir à la médecine (1).

Il ne faut pas regarder comme une tentation de Dieu, la demande qu'on lui fait d'un miracle pour la conversion des infidèles, (1) S. Alphonse de Liguori, Theol. moral. lib. m. no 30; Suarez, Sanchez, etc.

des hérétiques, ou pour le bien de la religion, pourvu toutefois que cette demande se fasse avec humilité, et avec résignation à la volonté divine. C'est ainsi que les Apôtres demandaient au Seigneur qu'il se fit des miracles au nom de Jésus-Christ, afin de manifester sa vertu aux infidèles : « Et nunc, Domine, respice in minas eorum, et da servis tuis cum omni fiducia loqui verbum tuum, in • eo quod manum tuam extendas ad sanitates et signa et prodigia fieri per nomen filii tui Jesu (1). »

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428. Le sacrilége, en général, est la profanation d'une chossacrée. Il est personnel, réel ou local, selon qu'il a pour objet une personne, une chose, un lieu, consacrés au culte de Dieu. Il y a sacrilége personnel, lorsqu'on frappe un clerc, un religieux, une religieuse, ou qu'on commet un péché d'impureté avec une personne qui est liée par le vœu de chasteté. Quant aux autres péchés commis par une personne consacrée à Dieu, ce ne sont pas proprement des sacriléges, s'il n'y a pas d'ailleurs profanation des choses ou des lieux saints : « Illud solum peccatum sacræ personæ sacrilegium est, dit saint Thomas, quod agitur directe contra ejus sanctitatem; puta, s. virgo Deo dicata fornicetur (2). »

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Suivant les canons, c'est encore un sacrilége personnel de traduire un clerc devant les tribunaux séculiers. Mais la législation française ne reconnait plus le privilége du for ecclésiastique.

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429. On se rend coupable d'un sacrilége réel, 1o lorsqu'on administre invalidement ou illicitement un sacrement; 2° lorsqu'on le reçoit indignement; 3° lorsqu'on profane les images ou les reliques des saints qui sont exposées à la vénération des fidèles ; 4o quand on vole ou qu'on emploie à des usages profanes les vases sacrés, les calices, les patènes, les ciboires, et généralement toutes les choses qui, par une bénédiction particulière, sont destinées au culte divin, telles que les ornements et linges nécessaires pour la célébration des saints mystères. Il en est de même des saintes huiles; on ne peut s'en servir pour d'autres usages que ceux pour lesquels l'Église les a consacrées; 5° lorsqu'on abuse de l'Écriture sainte, soit en appliquant les paroles sacrées à des choses honteuses, soit en s'en servant pour soutenir l'erreur; 6° lorsqu'on représente par bouffonnerie les cérémonies de l'Église; 7o quand on supprime les legs pieux qui ont reçu leur destination, ou qu'on usurpe les biens ecclésiastiques, du moins ceux des biens, soit

(1) Act. c. 4. v. 29, 30. Voyez S. Thomas et S. Alphonse de Liguori, etc. (2) Sum. part. 2. 2. quæst. 99. art. 3.

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