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différer moins de six mois ne serait qu'un péché véniel. Plus on diffère ce vœu, plus on dérobe au service de Dieu, auquel on s'est voué.

Si le vœu n'est pas perpétuel, comme par exemple le vœu de jeûner, de faire un pèlerinage, plusieurs théologiens, entre autres saint Alphonse, pensent qu'on ne peut le différer au delà de deux ou trois ans, sans se rendre coupable de péché mortel. D'autres sont moins sévères. Quoi qu'il en soit, on convient généralement que le délai pour l'accomplissement d'un vœu en matière grave est péché mortel, toutes les fois qu'en différant de l'accomplir on s'expose au danger de le violer, ou qu'on se met hors d'état de l'observer.

507. Quand on détermine un certain temps pour l'exécution d'un vou, ou l'on a principalement en vue le temps qu'on prescrit, comme fait celui qui promet à Dieu de jeûner la veille de la fète du saint dont il porte le nom; ou l'on ne regarde ce temps que comme un terme au delà duquel on ne veut pas différer l'accomplissement de sa promesse. Dans le premier cas, on n'est pas obligé, quoi qu'il arrive, d'accomplir son vœu dans un autre temps que celui qui est prescrit. Il en est de l'obligation de ce vœu comme de l'obligation d'entendre la messe le dimanche; si on est empêché ce jour-là, on n'est pas tenu de l'entendre un autre jour. Dans le second cas, l'impossibilité d'accomplir son vœu au jour indiqué n'en détruit pas l'obligation.

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508. Ce que nous disons du vœu absolu s'applique au vœu conditionnel, dont la condition est accomplie : « Si in intentione et << voluntate voventis est obligare se ad statim solvendum, dit saint Thomas, tenetur statim solvere ; si autem ad certum tempus, vel << sub certa conditione, non statim tenetur solvere, sed nec debet « tardare ultra quam intendit se obligare (1). » Marie fait vœu d'entrer au couvent des Carmélites, si son père lui permet d'entrer en religion; le père donne son consentement sans restriction; Marie est obligée d'entrer au couvent le plus tôt qu'elle pourra, moralement parlant. Vous avez promis à Dieu de faire reconstruire une église qui tombe en ruine, s'il rend la santé à votre enfant qui est dangereusement malade; l'enfant recouvre la santé, votre vœu devient obligatoire.

509. Pour que le vœu conditionnel oblige, il ne suffit pas que la condition soit remplie dans son équivalent : elle doit l'être spé

(1) Sum. part. 2. 2. quæst. 88. art. 3.

cifiquement, in propria forma; c'est le sentiment de saint Alphonse de Liguori (1) et de plusieurs autres docteurs. Exemple : vous avez fait vœu d'entrer en religion, si votre sœur trouve un mari qui la mette en état de se passer de vos services; elle meurt ou elle se fait elle-même religieuse, vous n'êtes point tenu d'accomplir votre vœu,

Tout vœu qui se fait sous une condition impossible, honteuse, immorale, est nul de plein droit.

510. Le vœu personnel n'oblige que celui qui l'a fait; il ne peut être accompli par un autre. Celui qui a fait vœu de jeûner, par exemple, ne satisferait pas à son vœu, en faisant jeûner quelqu'un pour lui: s'il meurt avant de l'avoir accompli, l'obligation tombe; elle ne passe point à ses héritiers : « Vota personalia non implentur nisi per voventem (2). »

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Il n'en est pas de même d'un vœu réel, celui-ci peut être acquitté par un autre que par celui qui en est l'auteur; aussi ses héritiers sont tenus de l'accomplir, s'il meurt avant de l'avoir accompli lui-même ; c'est une dette de succession, dette sacrée qu'ils doivent payer, si toutefois la succession est capable de la supporter: « Certe « hæres tenetur solvere vota realia defuncti, sicut alia debita (3), »

511. Suivant saint Alphonse (4), celui qui, sans se rappeler son vou, fait ce qu'il a promis, n'est pas tenu de le faire de nouveau ; car chacun a la volonté générale de faire d'abord les choses d'obligation, et ensuite celles de pure dévotion.

Celui qui doute de l'accomplissement du vœu qu'il sait certainement avoir émis, est obligé de l'accomplir, comme nous l'avons fait remarquer dans le Traité de la Conscience (5).

ARTICLE IV.

Des Causes qui font cesser l'obligation des Vœux.

512. L'obligation d'un vœu cesse par le changement de la matière, l'annulation, la dispense et la commutation. Pour ce qui regarde le changement, il éteint l'obligation du væu, lorsque, à raison des circonstances survenues dans la chose ou dans la position de celui qui en a fait la promesse, l'exécution du vœu devient illicite, ou impossible, ou extrêmement difficile. C'est une règle

(1) Theol. moral. lib. 1. no 219. - (2) S. Alphonse, ibidem. no 217. (3) Ibidem. no 214. - (4) Ibidem. no 224. — (5) Voyez le Traité de la Conscience, no 33.

générale, que toute circonstance nouvelle et non prévue, dont la prévision eût suffi pour empêcher prudemment de faire tel ou tel vou, suffit par là même pour faire tomber l'obligation de ce vœu : « Illud quod votum fieri impediret, dit saint Thomas, si præsens « esset, etiam voto facto, obligationem aufert (1). Toutefois, comme le remarque saint Alphonse, cette règle n'est pas applicable aux vœux solennels, ni, probablement, au vœu simple de chasteté (2). Dans le doute si le changement est assez notable pour faire cesser l'obligation du væu, on doit l'accomplir, car l'obligation possède, ou recourir à l'Ordinaire pour en obtenir dispense.

Le vœu cesse d'obliger, non-seulement quand la chose qui en est l'objet cesse d'être licite, mais aussi quand elle cesse d'être de meliori bono.

513. Si l'empêchement qui rend la chose impossible doit durer toujours, l'obligation du vœu est entièrement éteinte; si, au contraire, l'empêchement n'est que temporaire, l'obligation est seulement suspendue vous avez fait vœu de jeûner un mois entier; dans le courant de ce mois, vous éprouvez une indisposition qui ne vous permet pas de jeûner trois, quatre, cinq ou six jours; vous ne jeûnerez pas; mais votre indisposition disparaissant, l'obligation du jeûne revit. De même, quand la matière du vœu est divisible, si, une partie devenant impossible, l'autre demeure possible et peut sortir son effet, celle-ci reste obligatoire. Vous avez promis de donner mille francs aux pauvres de votre paroisse; par suite d'un accident, vous ne pouvez plus en donner que la moitié; vous êtes obligé de donner cinq cents francs. Si, au contraire, la chose est indivisible, vous ne serez obligé d'accomplir votre vœu qu'autant que vous pourrez l'accomplir en entier. Vous avez fait vœu de bâtir une église; vous ne pouvez la bâtir qu'en partie; vous n'êtes tenu à rien.

514. Un vou, quoique divisible, serait encore entièrement caduc, si des deux parties qu'il comprend, celle qui est regardée comme principale devenait impossible; l'accessoire suit le principal, sed non vice versa. Vous avez promis de faire un pèlerinage à Rome, et d'y faire une offrande à l'église de Saint-Pierre : si vous ne pouvez faire ce voyage, vous êtes dispensé d'envoyer votre offrande (3).

L'obligation du vœu cesse, quand la fin principale, la cause dé

(1) In 4 Dist. 38, quæst. 1. art. 3. Voyez aussi ce que dit S. Alphonse, Theol. moral, lib. ш. no 226. —(2) Ibidem. lib. iv. no 50. —(3) Ibidem. lib ш. no 225.

terminante de ce vœu cesse totalement. Vous avez fait vœu de donner dix francs par mois à Pierre, parce qu'il est pauvre ; Pierre devient riche ou cesse d'être pauvre, vous n'êtes plus obligé de lui faire l'aumône.

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515. La seconde cause qui fait cesser l'obligation des vœux est l'annulation, que nous appelons aussi irritation. Le droit d'annuler ou d'irriter les vœux appartient aux supérieurs, à l'égard des inférieurs qui sont sous leur puissance, quant à leur personne, ou quant à leur volonté, ou quant aux choses qui sont la matière du vœu Votum, dit saint Thomas, est promissio quædam Deo facta. Nullus autem potest per promissionem se firmiter obligare « ad id quod est in potestate alterius, sed solum ad id quod est « omnino in sua potestate. Quicumque autem est subjectus alicui, quantum ad id in quo est subjectus, non est suæ potestatis facere quod vult, sed dependet ex voluntate alterius. Et ideo non po« test se per votum firmiter obligare in his in quibus alteri subjicitur, sine consensu sui superioris (1). »

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Le vœu d'un inférieur, de celui qui est sous la puissance d'autrui, n'est pas nul de droit; mais il peut être annulé par le supérieur. Cependant l'inférieur ne pèche point en faisant ce vœu; car il ne le fait que sous cette condition tacite : si le supérieur y consent, ou ne s'y oppose point: « Vota eorum qui sunt in potestate aliorum, habent conditionem implicitam, scilicet si non revo« centur a superiore, ex qua licita redduntur et valida, si conditio « existat (2).

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516. On distingue l'irritation directe ou proprement dite, et l'irritation indirecte ou improprement dite. L'irritation directe, qu'on appelle ainsi parce qu'elle tombe directement sur le vœu, rend absolument nul, en sorte qu'il ne peut revivre que par un nouvel acte de la part de celui qui l'a fait. L'irritation indirecte est plutôt une suspension du vœu qu'une annulation; l'obligation n'est point éteinte, elle n'est que suspendue.

Celui qui a droit d'irriter les vœux d'un inférieur, peut le faire validement sans aucune raison : « Certum est pro valore irritationis nullam causam requiri (3). » Mais pèche-t-il en les cassant arbitrairement? Les uns pensent qu'il pèche; les autres prétendent qu'il n'y a pas de péché, si ce n'est en tant que l'irritation du vœu empêcherait l'avancement spirituel de celui qui l'a fait. Toutefois,

(1) Sum. part. 2. 2. quæst. 88. art. 8.—(2) S. Alphonse de Liguori, lib. I. · (3) Ibidem.

0° 228.

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on convient communément qu'une annulation sans cause ne serait qu'un péché véniel, et qu'un motif quelconque, pourvu qu'il fût raisonnable, excuserait de toute faute, même légère : « Sufficit « vero quævis causa rationabilis ad excusandum a veniali (1). »

Celui qui permet à un inférieur de faire un vou, ou qui ratifie ce vœu, ne renonce pas à l'exercice de son droit; il peut par conséquent révoquer cette permission. Cependant, s'il la révoque sans aucune raison légitime, il pèche au moins véniellement. Toutes choses égales d'ailleurs, il faut, à notre avis, une plus forte raison pour retirer une permission qu'on a cru devoir accorder, que pour la refuser dans le principe.

517. Le père, ou celui qui tient la place du père, peut irriter directement tous les vœux, tant réels que personnels, d'un enfant qui n'a pas encore atteint l'âge de puberté, c'est-à-dire l'âge de douze ans accomplis, si c'est une fille, ou de quatorze ans également accomplis, si c'est un garçon. Les canons sont exprès. Le père étant mort ou interdit, ce pouvoir est dévolu à la mère seule, si elle est tutrice, et, à défaut de père et de mère, au tuteur, parent ou non des enfants.

Les enfants qui ont atteint l'âge de puberté peuvent, même avant leur émancipation, faire des vœux personnels, indépendamment de la volonté de leurs père et mère. « Post annos pubertatis, << dit saint Thomas, possunt jam se voto religionis obligare, vel « simplici, vel solemni, absque voluntate parentum (2). » Ainsi les parents n'ont pas le droit d'irriter, ni directement ni indirectement, ceux des vœux personnels d'un mineur en âge de puberté, qui ne sont point incompatibles avec les obligations d'un enfant de famille; tels sont, par exemple, les vœux de chasteté; d'entrer en religion; de remplir certains devoirs de piété un jour de dimanche ou de fête de commandement; de se confesser ou de communier une fois le mois. Mais ils peuvent irriter du moins indirectement, c'est-à-dire par voie de suspension, les vœux personnels d'un enfant qui contrarieraient les intérêts de la famille, ou qui entraveraient l'exercice légitime de l'autorité paternelle; comme serait, par exemple, le vœu de faire un long voyage de dévotion, de s'abstenir de l'usage de la viande pendant un temps considérable, de passer une grande partie de chaque nuit dans la prière ou dans la méditation. « Ex quo homo venit ad annos pubertatis, si sit liberæ

(1) S. Alphonse de Liguori, Theol. moral. lib. in. no 228. — (2) Loco citato,

art. 9.

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