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le prélat dispense de bonne foi sur un motif qui n'est certainement pas suffisant, la dispense est nulle. Dans le doute si la raison est suffisante ou non, on doit regarder la dispense comme valide; la possession est en faveur de la validité (1).

527. A la différence de la dispense, la commutation n'éteint point l'obligation du væu; elle en change seulement la matière en une autre qui est ou meilleure, ou égale, ou d'un moindre prix. Selon l'opinion la plus commune, chacun peut de lui-même changer la matière de son vœu en quelque chose qui soit évidemment meilleur. Ainsi, celui qui a fait vou de réciter tous les jours le chapelet, peut y substituer la récitation du petit office de la sainte Vierge. Toutefois, il faut excepter de cette règle les vœux réservés au Pape; on ne peut les commuer d'autorité privée (2), suivant plusieurs docteurs.

La commutation d'un vœu peut se faire en une œuvre certainement égale, sans le recours à l'autorité : cette opinion est assez probable; mais l'opinion contraire ne l'est pas moins; elle est même plus probable, au jugement de saint Alphonse, probabilior(3). Nous la préférons à la première, du moins dans la pratique, à raison du danger qu'il y a de se faire illusion, dans le cas dont il s'agit, en jugeant dans sa propre cause. Au reste, on convient qu'il faut recourir à l'Ordinaire, toutes les fois qu'il y a doute sí l'œuvre qu'on veut substituer à celle du vœu est d'une égale valeur. Il en est de même, à plus forte raison, quand il s'agit de commuer un vou en une œuvre d'un mérite inférieur. Mais on peut sans aucune raison commuer un vœu en une chose qui est certainement d'une valeur supérieure. Si la commutation se fait en une œuvre moindre ou égale, il faut avoir des motifs; motifs plus puissants quand il s'agit d'une œuvre moindre que lorsqu'il s'agit d'une œuvre d'égal mérite. Les mêmes raisons qui légitiment une dispense suffisent, même à un degré plus faible, pour légitimer une commutation. Dans le doute si la cause est suffisante ou non pour la commutation, on s'en rapportera au jugement du supérieur : « Si esset causa apparens per quam saltem in dubium ver« teretur, posset stare judicio prælati dispensantis, vel commutantis,» dit saint Thomas (4).

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528. Quiconque a la faculté de dispenser d'un vœu peut, a for

(1) S. Alphonse de Liguori, lib. ш. n° 251.

(2) Ibidem. no 243; Collet, Traité des Dispenses, lib. m. ch. 2. § 4.-(3) Lib. ut. no 244. — (4) Sum. part. 2. 2. quæst. 88. art. 12.

tiori, le commuer : « Non debet cui plus licet quod minimum est « non licere (1). » Sed non vice versa : celui qui peut commuer n'a pas pour cela le pouvoir de dispenser. C'est pourquoi il ne peut commuer les vœux qu'en œuvres égales moralement parlant, ou à peu près égales, en sorte qu'il n'y ait pas une différence notable (2). Mais il peut commuer un vœu personnel en un vœu réel, et un vœu réel en un vœu personnel (3). On excepte les vœux réels qui sont au profit d'un tiers, lorsqu'ils ont été acceptés par celui en faveur duquel ils ont été faits.

Celui qui a la faculté de commuer les vœux ou d'en dispenser, peut user de cette faculté pour lui comme pour les autres (4).

La commutation d'un vœu étant faite, on peut toujours y revenir, quand bien même, dit saint Alphonse, la commutation aurait été faite en une œuvre meilleure; à moins cependant que, par un nouveau vou, l'on n'ait pris l'engagement de tenir à l'œuvre substituée (5).

ARTICLE V.

Des Vœux solennels et de l'Etat religieux.

529. L'état religieux est un ordre stable et permanent, approuvé par l'Église, dans lequel les fidèles s'engagent à vivre en commun, et à tendre à la perfection, par l'observation des vœux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance. L'approbation de l'Église est nécessaire pour former un ordre religieux; cette approbation ne peut émaner que du Souverain Pontife; une congrégation dont la règle n'a pas été confirmée et sanctionnée par le saint-siége, n'est point un ordre religieux proprement dit.

Le caractère du vrai religieux n'est pas d'être parfait au moment qu'il entre en religion, mais de tendre à la perfection, en suivant exactement et ce qui est de précepte pour tout chrétien, et ce qui étant de conseil de sa nature se trouve prescrit par la règle de l'ordre, comme moyen pour les religieux d'avancer dans la vie spirituelle de là tout ce qui est péché dans un simple fidèle est péché, et même, toutes choses égales d'ailleurs, péché plus grave dans un religieux. Mais tout ce qui est péché dans un religieux

(1) Voyez le Traité des Lois, no 186. — (2) S. Alphonse de Liguori, lib. 1. n° 247. (3) Ibidem. (4) Ibidem. no 249. —(5) Ibidem. no 248.

ne l'est pas dans un simple fidèle. Ce que nous disons du religieux s'applique, proportion gardée, à toute personne qui, sans embrasser la vie religieuse, se consacre à Dieu d'une manière plus particulière pour se dévouer à l'instruction chrétienne, ou au soin des malades, au soulagement des pauvres. Quiconque appartient à une congrégation approuvée par le Pape, ou par l'évêque, doit se conformer en tout aux constitutions et aux règlements de cette congrégation, que cette congrégation soit ou qu'elle ne soit pas un ordre religieux. Les confesseurs doivent y faire attention, se rappelant que s'il y a des obligations spéciales pour les personnes consacrées à Dieu, il y a par là même des règles particulières à suivre pour leur direction.

530. L'essence de la profession religieuse consiste dans les vœux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance. Pour que la profession soit valable et lie celui qui l'a faite, il faut, 1° que le sujet de l'un ou de l'autre sexe ait seize ans accomplis; le concile de Trente est exprès (1); 2° qu'il ait passé une année entière et sans interruption avec l'habit de l'ordre dans lequel il veut s'engager, et qu'il ait suivi pendant ce temps les exercices de la communauté (2); ce temps d'épreuve s'appelle noviciat; 3° qu'il n'y ait aucun empêchement qui soit essentiellement contraire aux statuts de l'ordre; 4o que le sujet puisse disposer de sa personne; 5o que la profession soit libre; une erreur substantielle, une crainte grave et injuste, la rendraient nulle (3).

531. Toute personne qui veut quitter l'état religieux, alléguant ou qu'elle n'y est entrée que par un motif de crainte, ou qu'elle n'avait pas l'âge fixé par les canons, ou quelque autre cause de nullité, doit déduire ses motifs devant son supérieur et l'Ordinaire du lieu où est située la communauté, dans les cinq ans à compter du jour de la profession. Si elle ne le fait pas, sa réclamation ne sera pas admise; elle est censée avoir ratifié tacitement sa profession (4). Cette règle générale souffre quelques exceptions (5). La faiblesse du sexe a fait prendre des précautions particulières pour assurer la liberté de la profession religieuse dans les communautés de femmes. Suivant le concile de Trente, la supérieure d'une congrégation ne peut admettre personne à la profession qu'après que l'évêque ou son délégué aura examiné si celle qui veut s'engager

(1) Sess. xxv. Décret de Regularibus, cap. 15. — (2) Ibidem. - (3) Ibidem. cap. 18.- (4) Ibidem. cap. 19. (5) Voyez la Théol. moral. de S. Alphonse de Liguori, lib. 1v. no 8.

dans un état si saint en connait toutes les obligations; si elle n'est point contrainte par ses parents, ou séduite par quelque religieuse. La supérieuré qui manquerait d'avertir l'évêque un mois avant la profession devrait être punie par la suspense de ses fonctions (1).

532. Celui qui est moralement certain de sa vocation pour l'état religieux ne peut rester dans le monde sans danger pour son salut, sans aller contre la volonté de Dieu; c'est donc une obligation pour lui d'embrasser la profession religieuse. Mais péchera-t-il mortellement, s'il ne l'embrasse pas? Saint Alphonse n'ose prononcer (2); nous nous abstiendrons de prononcer nous-même, dans la crainte d'aller trop loin et de fausser les consciences.

C'est un devoir pour les parents de seconder la vocation d'un enfant que le Seigneur appelle à la vie religieuse. Ils peuvent, ils doivent même éprouver sa vocation; mais ils n'ont pas droit de s'y opposer, lorsqu'il est reconnu qu'elle vient d'en haut. Ils se rendraient coupables de péché mortel, de l'aveu de tous, si, sans avoir un juste motif, ils détournaient un fils, une fille de la profession religieuse, soit par de mauvais traitements, soit par des menaces, soit par la fraude. En serait-il de même s'ils n'avaient recours qu'aux prières, qu'aux promesses? Un grand nombre de docteurs, entre autres saint Alphonse de Liguort, pensent qu'ils pécheraient encore mortellement (3). Suarez est d'un avis contraire (4); et son opinion nous paraît assez probable pour pouvoir être suivie dans la pratique, soit parce que celui qui se laisse gagner par les prières ou par les promesses de ses parents ne nous parait pas suffisamment affermi dans sa vocation; soit parce que, malgré ces prières et ces promesses, il est encore libre de prendre son parti. D'ailleurs, il serait difficile, aujourd'hui surtout, du moins parmi nous, de persuader aux pères et mères, aux gens du monde, qu'ils ne peuvent sans péché mortel employer le moyen dont il s'agit.

533. Les enfants de famille qui, d'après certaines épreuves et sur l'avis d'un directeur sage et éclairé, se croient appelés à la vie religieuse, doivent généralement, au moins par déférence, demander à leurs parents la permission de répondre à leur vocation. Si les parents la refusent sans un juste motif, les enfants peuvent, surtout s'ils sont majeurs, suivre leurs pieux desseins, et se retirer

(1) Concil. de Trente. Sess. xxv. Décret de Regularibus, cap. 17. — (2) Lib. iv, no 78. — (3) Ibid. no 77. — (4) De Religione, lib. v. cap. 9.

dans une maison religieuse. Les docteurs de l'Église et les conciles ne nous laissent aucun doute sur ce point (1).

Mais si un enfant ne peut quitter la maison paternelle sans réduire ses parents à la misère, sans les jeter dans une nécessité grave, il doit différer l'exécution de son projet jusqu'à ce qu'il leur ait assuré les secours nécessaires; il ne peut les abandonner, à moins qu'il ne rencontre dans le monde de grands dangers pour son salut. Voici ce que dit saint Thomas : « Parentibus în necessi<«<tate existentibus, ita quod eis commode aliter quam per obse« quium filiorum subveniri non possit, non licet filiis, prætermisso « parentum obsequio, religionem intrare. Si vero non sint in tali « necessitate ut filiorum obsequio multum indigeant, possunt, præ«termisso parentum obsequio, religionem intrare; quia post annos " pubertatis quilibet ingenuus libertatem habet quantum ad ea quæ « pertinent ad dispositionem sui status, præsertim in his quæ sunt « divini obsequii (2). Si timet sibi periculum peccati mortalis, cum magis teneatur saluti animæ suæ providere, quam corporali necessitati parentum, non tenetur in sæculo remanere (3). »

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534. Il n'est pas permis à un père, à une mère qui a des enfants, d'entrer en religion, sans avoir pris les moyens nécessaires pour leur procurer une éducation convenable : « Non licet alicui « filios habenti religionem ingredi, omnino prætermissa cura filio«rum, id est non proviso qualiter educari possint (4). »

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535. Un évêque ne peut quitter son siége pour se faire religieux, sans y être autorisé par le Souverain Pontife: « Episcopi præsula

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tum non possunt deserere quacumque occasione, absque auctori<< tate romani Pontificis (5). » Il n'en est pas de même d'un archidiacre, d'un chanoine, d'un curé. Généralement, tout prêtre, celui même qui a charge d'âmes, peut, de son chef, quitter le poste qu'il occupe pour entrer en religion, après avoir averti l'Ordinaire, à temps, de sa résolution. Les papes, les conciles, les Pères et les docteurs de l'Église se sont constamment déclarés pour la liberté des clercs en faveur de la vie religieuse (6). Après avoir cité saint Grégoire le Grand, le concile de Tolède de l'an 633, le canon Duæ sunt leges, saint Thomas et saint Antonin, Benoit XIV s'exprime ainsi : « Quod pertinet ad episcopi permissum nemo du"bitat quin presbyter, Ecclesiæ regimen aut ministerium dimis

(1) Voyez S. Alphonse de Liguori, lib. IV. no 68. — (2) Sum. part. 2. 2. quæst 189. art. 6. - (3) Quodlibet. 10. art. 9. —(4) S. Thomas, part. 2. 2. quæst. 189. (5) Ibidem. art. 7; S. Alphonse de Liguori, lib. iv. no 76. — (6) Voyez S. Thomas, ibidem; et S. Alphonse, ibidem,

art. 6..

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