Page images
PDF
EPUB

QUATRIÈME PARTIE.

Du quatrième Précepte du Decalogue.

[ocr errors]

579. Le quatrième commandement de Dieu nous oblige d'honorer nos pères et mères : Honora patrem tuum et matrem tuam, «< ut sis longævus super terram quam Dominus Deus tuus dabit « tibi (1). » Suivant le génie de la langue sacrée, le nom de pères comprend non-seulement ceux qui nous ont donné le jour, mais encore ceux qui, suivant l'ordre de la divine Providence, sont placés au-dessus de nous dans l'ordre spirituel et dans l'ordre temporel. Leur puissance est une émanation de la puissance, de l'autorité paternelle. Ainsi, le quatrième précepte renferme les devoirs des enfants à l'égard de leurs parents, et des inférieurs à l'égard de leurs supérieurs; comme, par une réciprocité naturelle, il renferme les devoirs des parents à l'égard de leurs enfants, et des supérieurs à l'égard de leurs inférieurs.

CHAPITRE PREMIER.

Des Devoirs des enfants à l'égard de leurs pères et mères, et des inférieurs à l'égard de leurs supérieurs.

580. Un enfant doit à ses parents l'amour, le respect et l'obéissance. Sous le nom de parents sont compris le père et la mère, l'aïeul et l'aïeule, et autres ascendants.

On pèche contre la piété filiale, lorsqu'on nourrit dans son cœur de l'aversion, de la haine pour ses parents; qu'on les maudit, qu'on leur souhaite du mal, ou qu'on se réjouit de celui qui leur arrive; qu'on désire leur mort pour en être débarrassé, ou pour vivre avec plus de liberté, ou hériter de leurs biens; lorsqu'on les contriste sans raisons légitimes; qu'on les empêche par

(1) Exod. c. 20. v. 12.

M. I.

17

des moyens injustes de faire leur testament. Que nos parents aient des défauts ou qu'ils n'en aient point, qu'ils soient bons ou mauvais, qu'ils soient parfaits ou vicieux, nous devons les aimer, ne haïssant dans leur personne que leurs vices, que leur inconduite.

La haine pour les parents devient facilement péché mortel; souvent une haine qui ne serait pas grave à l'égard d'un autre, peut l'être à l'égard de ceux à qui, après Dieu, nous devons tout ce que

nous sommes.

581. La piété filiale n'est point stérile; elle nous fait un devoir de secourir nos parents qui sont dans le besoin, eu égard à leur position, à leur état, à leur condition. Nous devons veiller surtout à ce qu'ils ne meurent point sans avoir reçu les secours de la religion. Ici, soit indifférence, soit négligence, les enfants se rendent souvent coupables de péché mortel. On est obligé aussi de prier pour ses parents pendant leur vie, et de faire prier pour eux après leur mort.

L'obligation d'assister nos parents dans leurs besoins, de les soulager dans leur vieillesse et dans les autres infirmités de la vie, est gravée dans tous les cœurs. Aussi, le droit civil, s'accordant avec le droit naturel, oblige les enfants à donner des aliments à leurs père et mère et aux autres ascendants qui sont dans le besoin; et cette obligation est solidaire entre les enfants. Chaque enfant serait condamné à les fournir en entier, sauf le droit de recours sur les frères et sœurs, chacun pour sa quote-part. Les gendres et les belles-filles doivent également des aliments à leurs beau-père et belle-mère; mais cette obligation cesse lorsque la belle-mère a convolé en secondes noces, ou lorsque celui des époux qui produisait l'affinité, et les enfants issus de son union avec l'autre époux, sont décédés. Les aliments sont accordés dans la proportion du besoin de celui quí les réclame et de la fortune de celui qui les doit. On entend par aliments la nourriture et les autres choses nécessaires à la vie, comme l'habillement et le logement : « Cibaria, et vestitus, et ha«< bitatio, debentur (1). »

་་

582. Quoique l'obligation de secourir ses frères et sœurs ne soit pas aussi rigoureuse que celle de secourir ses père et mère, néanmoins, à raison de la consanguinité, cette obligation est plus étroite que celle de secourir tout étranger. Suivant plusieurs théologiens (2),

(1) Code civ. art. 205, etc. Voyez aussi le Code civil, commenté dans ses rap. ports avec la Théologie morale, etc.; Toullier, Delvincourt, etc. - (2) Voyez S. Alphonse de Liguori, lib. m. no 304.

les frères sont tenus, non-seulement par la charité, mais encore par la piété fraternelle, d'alimenter leurs frères et leurs sœurs qui sont dans le besoin, et même de doter celles-ci, quand on peut le faire. Mais il ne nous paraît pas que l'obligation de les doter soit une obligation grave: la piété fraternelle le demande, mais elle ne le demande point impérieusement.

On pèche contre le respect dû aux parents, lorsqu'on les méprise; qu'on les regarde de travers; qu'on leur parle avec dureté, ou qu'on leur répond d'une manière insolente; qu'on se moque de leurs avis; qu'on les contrefait pour les rendre ridicules; qu'on se permet à leur égard des propos injurieux, des expressions grossières; qu'on s'emporte contre eux, qu'on les menace. Si ces sortes de fautes se commettent en leur présence, elles s'aggravent, quelquefois même notablement. Lever la main contre un père, une mère, même sans frapper, est un péché mortel. Les frapper, même légèrement, serait une faute plus grave encore. Toutefois, on excuse l'enfant qui, pour parer un coup mortel, frappe un père coupable, ne pouvant se défendre autrement, et demeurant dans les limites d'une juste défense.

583. C'est manquer gravement au respect qu'on doit à ses parents, que de leur intenter des procès, de les poursuivre devant les tribunaux. Cependant, comme les intérêts du pere et les intérêts du fils sont des intérêts distincts; si le père commettait une injustice envers son fils, celui-ci, après avoir tenté sans succès tous les moyens de conciliation, pourrait réclamer l'intervention du juge, sans manquer à son père. Mais il n'est pas permis de dénoncer un pere, une mere aux magistrats, pour quelque crime que ce soit, sauf le cas où il s'agirait du crime de lèse-majesté, si on ne pouvait l'empêcher autrement. Le crime une fois commis, nous pensons qu'un enfant ne peut accuser ses parents.

584. C'est encore manquer à ses parents que de s'entretenir avec complaisance de leurs défauts; de les faire connaître à ceux qui les ignorent; de les exagérer; en un mot, de porter atteinte à leur réputation. C'est un double péché péché contre la justice, et péché contre la piété filiale.

Enfin, celui-la est répréhensible, qui, étant devenu riche ou se trouvant élevé en dignité, refuse par orgueil ou par vanité de reconnaître publiquement ses parents, de les visiter ou de les recevoir chez lui, parce qu'ils sont pauvres ou sans éducation. Cependant 'il serait excusable, si, tout en conservant intérieurement le respect et l'amour qu'il doit à un père, il ne faisait difficulté de le re

[ocr errors]

connaitre que parce qu'il ne pourrait le faire sans de graves inconvénients, sans compromettre grandement son honneur ce qui aurait lieu, si ce père était diffamé par quelque grand crime ou quelque condamnation publique; ou par une vie dégradante, vraiment scandaleuse.

Pour bien juger de la nature du péché qu'on commet en manquant de respect envers les parents, il faut faire attention aux mœurs, aux usages du pays, à la condition des pères et mères, et à l'éducation des enfants. Une éducation grossière peut diminuer l'injure faite aux parents, et diminuer par conséquent la malice du péché.

585. Outre l'amour et le respect, les enfants doivent obéissance à leurs parents, particulièrement, comme le dit saint Thomas, en ce qui concerne les bonnes mœurs et leur éducation, et en ce qui regarde l'administration et le bien de la famille : « In his quæ pertinent ad disciplinam vitæ et curam domesticam. » Pour obéir chrétiennement, il faut obéir avec promptitude, persuadé que c'est Dieu qui commande dans la personne des parents. Le péché de désobéissance peut être mortel ou véniel, suivant qu'il y a plus ou moins de résistance ou d'opiniâtreté, et que l'ordre donné est plus ou moins important. Mais pour que le péché soit mortel, il faut 1o que les parents commandent sérieusement, avec l'intention au moins implicite d'obliger sous peine de péché mortel; 2° que la chose qu'ils commandent soit matière grave; 3° que la désobéissance soit pleinement volontaire, et que l'enfant connaisse ou puisse connaître l'importance de la chose commandée.

On pèche contre l'obéissance quand, malgré la défense des parents, on fréquente des personnes de mauvaises mœurs, les maisons suspectes, les cabarets, les danses, les bals, les spectacles, les jeux publics, les sorties nocturnes. On pèche contre la même vertu, lorsque, au mépris des ordres de ses parents, on omet d'entendre la messe les jours de fête, de s'approcher du sacrement de pénitence, d'assister aux instructions de la paroisse. On pèche encore contre l'obéissance, lorsqu'on refuse de faire ce qui est commandé par les parents dans l'intérêt de la famille; lorsqu'on quitte la maison paternelle contre le gré de ses père et mère. La quitter sans raison légitime, serait un péché mortel; mais on excuse un enfant qui la quitte parce qu'il est maltraité par ses parents, sans espérer de pouvoir les ramener à de meilleurs sentiments.

586. C'est manquer également à l'autorité paternelle que de former, à l'insu des parents, des liaisons particulières avec une

personne qu'on veut épouser; ou de l'entretenir dans le dessein de se marier avec elle malgré leur opposition, si toutefois cette opposition est fondée, légitime.

Désobéir à ses parents est un péché spécial qu'on doit déclarer en confession. Ainsi, par exemple, celui qui, malgré les ordres de son père ou de sa mère, omet d'entendre la messe le dimanche, doit s'accuser non-seulement de cette omission, mais encore d'avoir désobéi à son père ou à sa mère. Mais se refuser à exécuter un ordre contraire à la loi de Dieu, à la justice, aux bonnes mœurs, ce ne serait point désobéir à ses parents, mais bien obéir à Dieu : « Obedire oportet Deo magis quam hominibus (1). » Cependant, on excuse un enfant qui fait ce qui lui est commandé par ses père et mère contre une loi de l'Église, quand il ne peut s'y refuser sans de graves inconvénients.

Les parents abuseraient aussi de leur autorité, s'ils voulaient forcer un enfant à entrer dans l'état du mariage, ou dans l'état ecclésiastique, ou dans l'état religieux. Quand il s'agit pour un enfant, parvenu à un certain âge, de choisir un état de vie, et de se déterminer sur le parti à prendre ou du mariage, ou du célibat; comme ce choix est d'une très-grande importance pour le salut, il doit embrasser l'état dans lequel Dieu l'appelle, quelles que soient les dispositions de ses parents: «Non tenentur, dit saint Thomas, « nec servi dominis, nec filii parentibus, obedire de matrimonio « contrahendo, vel virginitate servanda, aut aliquo alio hujusmodi (2). » Toutefois, les enfants doivent, généralement, consulter leurs parents sur le choix d'un état de vie (3).

587. Les devoirs des pupilles envers les tuteurs sont à peu près les mêmes que ceux des enfants à l'égard de leurs parents, excepté l'assistance. Ils leur doivent l'amour, le respect et l'obéissance dans tout ce qui concerne la tutelle. Il en est de même des enfants à l'égard des précepteurs, de ceux qui sont chargés de leur éducation, du moins pour ce qui regarde le respect et l'obéissance.

Les serviteurs ou domestiques doivent à leurs maîtres le respect, l'obéissance, le service et la fidélité. Ces devoirs sont, à quelque chose près, les mêmes que les devoirs des enfants à l'égard de leurs pères et mères. Les domestiques se rendent grandement coupables en révélant certains secrets de famille qui peuvent compromettre l'honneur, la réputation ou les intérêts de leurs maîtres. La médi

(1) Act. c. 5. v. 29. — (2) Sum. part. 2. 2. quæst. 104. art. 5. Théologie morale de S. Alphonse, liv. m. no 335.

(3) Voyez la

« PreviousContinue »