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sance et la calomnie de la part d'un serviteur envers son maître sont, toutes choses égales d'ailleurs, plus graves qu'à l'égard d'un autre; et il en est de même des vols, des infidélités, des injustices, dont nous parlerons en expliquant le septième commandement.

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588. Les serviteurs sont obligés d'obéir à leurs maîtres en tout ce qui est juste et raisonnable, particulièrement en ce qui regarde le service auquel ils sont engagés : « In his quæ pertinent ad servilia opera exequenda, » dit saint Thomas (1). Pour juger de l'étendue des obligations d'un domestique, on doit s'en tenir aux conventions qui ont été faites; et, à défaut de convention expresse, on doit consulter les usages ou la coutume du pays. L'obéissance doit être prompte, exacte, entière; et, pour la rendre chrétienne et méritoire, on doit obéir à un maître comme à Dieu lui-même, comme à Jésus-Christ. Voici ce que dit l'Apôtre : « Servi, obedite dominis carnalibus cum timore et tremore, in simplicitate cordis vestri, "sicut Christo; non ad oculum servientes, quasi hominibus placentes, sed ut servi Christi, facientes voluntatem Dei ex animo; «< cum bona yoluntate servientes, sicut Domino et non hominibus; scientes quoniam unusquisque, quodcumque fecerit bonum, hoc recipiet a Domino, sive servus, sive liber (2).

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Un domestique ne doit jamais exécuter les ordres d'un maître qui commande quelque chose de contraire à la loi de Dieu, à la justice, aux bonnes mœurs : « Obedire oportet Deo magis quam « hominibus (3). » Ici, l'obéissance deviendrait criminelle en matière grave. Il se rendrait également coupable, si, par l'appȧt d'une récompense ou par la crainte d'être renvoyé, il se laissait entrainer au libertinage, ou se prêtait aux intrigues qui entretiennent les désordres de son maître.

Quant aux lois de l'Église, pour ce qui regarde, par exemple, l'abstinence de la viande en certains jours, ou des œuvres serviles les jours de dimanche et de fête, un domestique peut faire ce qui lui est commandé contrairement à ces lois, s'il ne peut résister à la volonté de son maître sans de graves inconvénients, sans occasionner des emportements, des blasphèmes, des malédictions; où sans s'exposer au danger d'être renvoyé de la maison, ne pouvant d'ailleurs facilement trouver un maître qui lui permette de remplir ses devoirs. L'Église n'a pas l'intention d'obliger celui qui se trouve dans une semblable nécessité.

(1) Sum. part. 2. 3. quæst. 104. art. 5. — (2) Ephes. c. 6. v. 5, 6, 7, 8. (3) Act. c. 5. v. 29.

589. C'est un devoir pour tous les chrétiens d'honorer les ministres de la religion, les pasteurs, qui sont nos pères dans la foi, dans l'ordre spirituel. Mais nous devons honorer d'une manière plus spéciale le Souverain Pontife, qui est notre père commun, le pasteur des pasteurs, le vicaire de Jésus-Christ; l'évêque, qui est le pasteur de tout le diocèse; le curé, qui est comme le pasteur de la paroisse; le confesseur, qui est le père de tous ceux qu'il dirige dans la voie du salut.

On pèche contre le respect dû à un pasteur, lorsque, par des railleries, des médisances, des calomnies, on le dénigre au point de le rendre incapable de faire le bien qu'il pourrait faire; c'est un péché mortel contre la justice et contre la religion. Cependant il peut devenir véniel à raison de la légèreté de la matière. On pèche également en se permettant des injures à l'égard d'un supérieur ecclésiastique. Si l'injure est grave, il y a péché mortel; si elle est légère, le péché n'est que véniel. Mais une injure qui ne serait que légère à l'égard d'un simple particulier, peut être quelquefois grave envers un prêtre, un pasteur, à raison de son caractère et de son autorité.

590. La religion nous impose l'obligation d'obéir aux pasteurs de l'Église dans tout ce qu'ils ont droit de nous commander, dans les choses qui appartiennent à l'ordre spirituel, au salut. Leur désobéir, c'est désobéir à Jésus-Christ: « Qui vos audit, me audit; « et qui vos spernit, me spernit. Qui autem me spernit, spernit << eum qui misit me (1). »

Bien plus: Notre-Seigneur commande d'obéir même aux prêtres qui n'ont pas l'esprit de leur état, lorsque d'ailleurs ils ne commandent rien de contraire à l'Évangile, à l'enseignement de l'Église; voici ce qu'il dit en parlant des Scribes et des Pharisiens : Super cathedram Moysi sederunt Scribæ et Pharisæi. Omnia ergo « quæcumque dixerint vobis, servate et facite; secundum opera « vero eorum nolite facere; dicunt enim et non faciunt (2).

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591. Enfin, nous devons honorer les rois, les princes, les magistrats, et généralement tous ceux qui ont autorité sur nous. Il n'est pas de puissance qui ne vienne de Dieu, dit l'Apôtre. Aussi, résister au pouvoir, c'est résister à Dieu; c'est se rendre digne de damnation: « Omnis anima potestatibus sublimioribus subdita sit; non est enim « potestas nisi a Deo : quæ autem sunt, a Deo ordinatæ sunt. Itaque « qui resistit potestati, Dei ordinationi resistit. Qui autem resistunt,

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(1) Luc. c. 10. v. 16. (2) Matth. c. 23. v. 2, 3.

ipsi sibi damnationem acquirunt (1). » Il est donc nécessaire d'être soumis au pouvoir, non-seulement par la crainte du châtiment, mais encore par un motif de conscience : « Ideo necessitate subditi

estote, non solum propter iram, sed etiam propter conscien« tiam (2). » L'honneur que nous rendons aux princes se rapporte à Dieu, dit le catéchisme du concile de Trente: « Si quem eis « cultum tribuimus, is ad Deum refertur. »

La médisance, la calomnie, la malédiction, sont défendues à l'égard de qui que ce soit; mais elles le sont spécialement à l'égard des princes et des magistrats : « Diis non detrahes, et principi po"puli tui non maledices (3). "

CHAPITRE II.

Des Devoirs des parents envers leurs enfants, et des supérieurs envers leurs inférieurs.

592. Les pères et mères doivent aimer leurs enfants pour Dieu et selon Dieu, et leur procurer tout ce qui leur est nécessaire pour le temporel et pour le spirituel. Les enfants mêmes qui sont encore dans le sein de leur mère réclament de grands soins. La mère doit ménager soigneusement sa santé, pour conserver celle de son fruit, et lui donner, autant qu'il dépend d'elle, une bonne et une forte constitution. Elle serait bien coupable si, pendant sa grossesse, elle s'exposait au danger de perdre son enfant en courant, en sautant, en travaillant de force, en portant des fardeaux trop lourds, en faisant de longs ou de pénibles voyages, en se livrant à la coJère, à l'emportement, à des excès dans le boire ou dans le manger. Le père qui, par une cruauté également funeste à la mère et à l'enfant qu'elle porte, la chagrine, la contriste, la maltraite, la tourmente, la frappe, est également coupable, et grandement coupable: il met en danger la vie de son enfant pour le temps et pour l'éternité. Tout ce qui, de la part des parents, peut nuire notablement à la vie, à la santé, à la conformation de l'enfant, est péché mortel. Chercher à le faire périr par quelque breuvage, ou par tout autre moyen, c'est se rendre coupable d'homicide; tout avortement volontaire est un crime.

(1) Rom. c. 13. v. 1, 2. - (2) Sur le quatrième commandement § v. (3) Exod. c. 22. v. 20.

593. Quand les enfants sont venus au monde, les pères et mères sont obligés de veiller à ce qu'il ne leur arrive aucun accident qui puisse les faire périr, ou les rendre estropiés, difformes. Une négligence grave et volontaire en ce point est péché mortel; si elle n'est que légère, le péché est véniel. Les parents pèchent gravement, pour l'ordinaire, lorsque, par leur faute, ils laissent seuls leurs petits enfants, au péril de tomber dans le feu ou de faire d'autres chutes dangereuses; lorsque, par colère, par antipathie, ils les maltraitent rudement, leur donnent de mauvais coups, et leur font contracter par là des infirmités pour le reste de leurs jours. La prudence ne permet pas aux parents de faire coucher avec eux ou avec de grandes personnes les enfants qui sont encore dans un âge tendre. Les y faire coucher avant qu'ils aient un an accompli, c'est un cas réservé dans plusieurs diocèses de France; et la suffocation de l'enfant, lorsqu'elle est l'effet d'une grave négligence, est regardée comme une espèce d'homicide, dont on ne peut absoudre, suivant les statuts de presque tous les diocèses, sans une permission spéciale de l'évêque (1).

594. Le père et la mère sont tenus conjointement, chacun selon ses facultés, de contribuer à l'éducation de leurs enfants. Cette obligation leur est naturellement commune, et doit être acquittée solidairement, quand même il n'y aurait plus communauté de biens entre les époux (2). On ne peut excuser de cruauté les pères et mères qui refusent à leurs enfants les aliments, c'est-à-dire, la nourriture, les vêtements et le logement, en un mot les choses indispensablement nécessaires à la vie. La nature les réclame impérieusement des parents, et pour les enfants légitimes et pour les enfants naturels, même pour ceux qui sont incestueux ou adultérins. La loi civile elle-même accorde les aliments aux enfants illégitimes, quand ils sont légalement reconnus (3). Suivant le droit romain, la mère est tenue de nourrir l'enfant jusqu'à l'âge de trois ans; après quoi le père demeure chargé de son éducatiou. Cette jurisprudence se trouve modifiée par la législation française. Parmi nous, le père et la mère sont obligés conjointement et solidairement, chacun selon ses moyens, de contribuer à l'éducation de leur enfant, soit légitime, soit naturel, jusqu'à ce qu'il puisse se suffire à lui-même. La distinction du triennium que nos anciens théologiens mettent entre le père et la mère, relativement à cette

(1) Voyez le Canon Consuluisti. — (2) Cod. civ. art. 302 et 303. dem. art. 756 et 764.

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obligation, n'existe plus; nos jurisconsultes ne la reconnaissent point (1).

595. C'est une cruauté de la part des parents, d'abandonner ou d'exposer un enfant dans un lieu public; c'est une espèce d'homicide, péché très-grave contre toutes les lois. Ce serait encore une faute grave d'exposer un enfant légitime à la porte d'un hospice, afin d'en être débarrassé; ce serait lui imprimer la tache d'illégitimité. Si l'enfant est illégitime, il est probable que les parents ne pèchent point en l'exposant; mais alors ils doivent désigner l'enfant par quelque signe ou par quelque indication, afin de pouvoir le reconnaitre plus tard, lui procurer un établissement, et veiller à son salut. Mais sont-ils obligés de dédommager l'hôpital qui a reçu l'enfant? C'est une question controversée. Plusieurs théologiens pensent que si les parents sont riches, ils sont obligés de l'indemniser des dépenses qu'on fait pour l'éducation de leur enfant. D'autres, dont le sentiment paraît plus probable à saint Alphonse de Liguori, soutiennent qu'ils n'y sont point obligés, soit que l'hôpital soit riche, soit qu'il ne le soit pas. La raison qu'ils en donnent, c'est que les hôpitaux où l'on reçoit les enfants trouvés sont établis non-seulement en faveur des pauvres, mais encore en faveur des riches, qui pourraient se laisser aller au crime, s'ils n'espéraient sauver leur honneur, en se déchargeant entièrement de l'éducation d'un enfant illégitime sur l'hôpital qui le reçoit (2). Quoi qu'il en soit, nous pensons qu'un confesseur doit exhorter les parents qui sont dans l'aisance, à faire quelque chose pour l'hôpital qui nourrit et entretient leur enfant; il conviendrait même, si d'ailleurs on n'y voyait pas d'inconvénient, de leur imposer une aumône, à titre de pénitence, en faveur de cet établissement.

596. Une mère doit allaiter et nourrir elle-même son enfant; elle ne peut se décharger de cette obligation sur une nourrice étrangère sans se rendre coupable d'un péché véniel, à moins qu'elle n'ait pour excuse ou la faiblesse de son tempérament, ou la volonté absolue de son mari, ou l'avis de son médecin.

C'est une obligation pour les parents de s'occuper de l'avenir de leurs enfants: « Non debent filii parentibus thezaurizare, sed pa<< rentes filiis, » dit l'Apôtre (3). Ils doivent travailler à leur procurer un état, un établissement, une profession, un métier convenable,

(1) Voyez le Code civil, commenté dans ses rapports avec la Théologie morale, art. 205. - (2) S. Alphonse, Theol. moral. lib, m. no 656. — (3) II. Co

rinth. c. 12. v. 14.

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