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la mer. Cependant l'occupation n'a lieu parmi nous que pour les choses mobilières; les immeubles inoccupés ou abandonnés sont, dans le droit français, mis au nombre des biens vacants et sans maître, et appartiennent à l'État (1).

700. Pour ce qui regarde les animaux dont on peut se rendre maitre, il est important de distinguer les animaux domestiques des animaux sauvages et des animaux apprivoisés. Les animaux domestiques, tels que le cheval, le mulet, l'âne, le bœuf, les moutons, la volaille de basse cour, etc., appartiennent à celui qui les possède : il ne cesse point d'en être le propriétaire, quoiqu'ils aient pris la fuite.

Les animaux sauvages sont ceux qui jouissent d'une pleine liberté, qui ne cessent d'être libres que lorsqu'ils sont enchaînés, emprisonnés, retenus dans une cage, dans une ménagerie : ils s'échappent dès qu'ils peuvent briser leurs fers ou forcer leur barrière, sans annoncer le dessein de retourner à leur premier maître. Ces animaux deviennent la propriété de celui qui s'en empare, ils appartiennent au premier occupant; mais il faut qu'il y ait une occupation réelle. Cependant un quadrupède, un poisson, un oiseau, pris dans un piége, dans un filet, de manière à ne pouvoir s'en dégager, appartient à celui qui a tendu le piége ou le filet, quoiqu'il n'y ait pas de sa part une occupation immédiate. Il en est de même d'une bête qui a reçu une blessure mortelle : elle appartient à celui qui l'a blessée. Mais il y a un bien grand nombre de fidèles, dans la campagne surtout, qui se font facilement illusion sur ce point: ils s'approprient sans scrupule le gibier ou le poisson dont un autre n'a pas encore pris immédiatement possession. Nous pensons que les confesseurs ne doivent point les inquiéter à cet égard: il est prudent, à notre avis, de les laisser dans leur bonne foi.

Le droit de propriété sur les animaux sauvages ne dure pas plus que l'occupation. La bête que j'ai prise est à moi tant qu'elle est en mon pouvoir, dans ma ménagerie, dans ma volière ou dans mon vivier; mais elle cesse de m'appartenir dès l'instant qu'elle s'est échappée ayant recouvré sa liberté, elle devient de nouveau la proie du premier occupant.

701. On doit se conformer aux lois et aux règlements du pays concernant la pêche et la chasse. Ceux qui les transgressent pèchent; mais ils peuvent conserver comme siens les poissons qu'ils ont pris et le gibier qu'ils ont tué (2). Seulement ils peuvent être

(1) Voyez le Code civil commenté dans ses rapports avec la théologie morale, art. 714. - (2) Voyez le Répert. de jurisp., etc.

tenus, même avant la sentence du juge, à des dommages envers ceux qui ont l'adjudication de la chasse ou de la pêche.

Les animaux apprivoisés ou sédentaires sont ceux qui, quoique d'une nature sauvage, ont contracté l'habitude de revenir dans la retraite qu'on leur a préparée: tels sont les pigeons, les lapins, les abeilles. Suivant le Code civil, les pigeons, les lapins, les poissons, qui passent dans un autre colombier, garenne ou étang, appartiennent au propriétaire de ces objets, pourvu qu'ils n'y aient point été attirés par fraude et artifice (1). Les pigeons doivent être renfermés pendant la semaille et la moisson; et, durant ce temps, ils sont regardés comme gibier: chacun à le droit de les tuer sur son terrain (2). Cette disposition est fondée sur ce que, généralement parlant, il est impossible, au propriétaire du champ que les pigeons d'autrui ont dévasté, de découvrir le propriétaire de ces pigeons; d'où résulte l'impossibilité de le dédommager du tort ou du dégât causé par les pigeons, autrement qu'en usant du droit de les tuer et de s'en emparer lorsqu'on les surprend dans ses propriétés.

702. En France, le propriétaire d'un essaim a droit de le réclamer et de s'en ressaísir, tant qu'il n'a point cessé de le poursuivre; autrement, l'essaim appartient au propriétaire du terrain sur lequel il s'est fixé (3). Selon le droit romain, il faut, pour acquérir la propriété d'un essaim, qu'il y ait prise de possession en l'enfermant dans une ruche : « Si alius apes incluserit, is earum dominus « erit (4) ; » ce qui paraît plus conforme à l'occupation des animaux qui ont recouvré leur liberté naturelle. Aussi, nous pensons qu'on n'est point tenu, avant la sentence du juge, de rendre l'essaim dont on a pris possession à celui sur le terrain duquel il s'était arrêté.

C'est ici le lieu de parler de l'invention des trésors et des choses perdues, dont le maître ne se présente pás. Le trésor est toute chose cachée ou enfouie, sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété, et qui est découverte par le pur effet du hasard (5).

Nous disons: 1° toute chose : les monnaies, les médailles, un vase, une urne, une statue, un buste, et autres choses de ce genre, peuvent être la matière d'un trésor. 2o Cachée ou enfouie : un objet qui ne serait ni caché ni enfoui ne serait pas un trésor, mais une épave, une chose perdue dont le maître n'est pas connu. Cependant une médaille, une pièce antique d'or ou d'argent, qu'on - (3) Loi de 1791. — (4) Instit, de

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(1) Cod. civ. art. 564. (2) Loi de 1789. Divisione rerum. - (5) Cod. civ. art. 716.

découvrirait sur la superficie de la terre, où elle aurait été ramenée par le travail d'un autre qui ne s'en serait point aperçu, serait encore regardée comme un trésor. 3o Sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété : ce qui répond à cette notion que nous en donne le droit romain: « Vetus depositio cujus non extat memoria, << ut jam dominum non habeat. » Si on pouvait connaître la personne qui a caché les choses ou l'argent qu'on découvre, ce ne serait plus un trésor; ce seraient des choses égarées qu'il faudrait rendre au propriétaire. 4° Qui est découvert par le pur effet du hasard: celui qui aurait trouvé un trésor dans le terrain d'autrui, en y faisant des fouilles sans le consentement du propriétaire, serait condamné à rendre à celui-ci le trésor en entier. Mais comme cette disposition de la loi civile n'a pour objet que de punir le délit qu'on a commis en fouillant un fonds sans la permission du maître, on n'est pas obligé de s'y conformer avant la sentence du juge.

703. La propriété du trésor appartient à celui qui le trouve dans son propre fonds. S'il est trouvé dans le fonds d'autrui, il appartient par moitié à celui qui l'a découvert, et pour l'autre moitié au propriétaire du fonds (1). Par conséquent, si le trésor est découvert dans un fonds qui appartient à une église, ou à une commune, ou à l'État, cette église, ou cette commune, ou l'État, a réellement droit à la moitié. Mais, à moins que le trésor ne soit d'une grande valeur, on ne doit point inquiéter l'inventeur qui se l'approprie en entier, surtout quand il s'agit de certaines médailles ou statues dont la valeur extrinsèque l'emporte de beaucoup sur la valeur matérielle.

Il faut remarquer que l'usufruitier n'a aucun droit sur le trésor découvert dans le fonds dont il n'a que l'usufruit, à moins qu'il ne l'ait trouvé lui-même : dans ce cas, il devrait en avoir la moitié.

704. Quant aux choses perdues dont le maître ne se présente pas, doit-on les laisser à l'inventeur? 1° Tous les théologiens conviennent que celui qui a trouvé une chose égarée qui mérite d'être regrettée par celui qui l'a perdue, doit la faire publier dans les lieux où elle a été recueillie, afin qu'on puisse la réclamer. L'inventeur ne peut se l'approprier, sans avoir fait préalablement les publications accoutumées. 2o Celui qui a trouvé une chose quelconque, de quelque peu de valeur qu'elle soit, doit la rendre à celui qui la réclame, si celui-ci prouve qu'elle lui appartient. 3o Si le maître ne se présente pas, on ne peut s'opposer au régisseur des domaines, qui, en vertu de quelque loi, réclamerait une épave au profit de

(1) Cod. civ. art. 716.

l'État. Le gouvernement a le droit de s'approprier les choses perdues dont on ne peut découvrir le maître. 4° Enfin, si, après avoir fait les publications prescrites, l'épave n'est point réclamée, ni par le propriétaire ni par l'État, le parti le plus sûr, conformément au sentiment le plus commun parmi les auteurs ecclésiastiques, serait d'en disposer en faveur des pauvres ou en œuvres pies. Il en est de même pour les choses qui sont trop peu considérables pour mériter d'être publiées. Si l'inventeur est pauvre lui-même, quoique moins pauvre que d'autres, il pourra, de l'aveu de tous, se les approprier, et en disposer à volonté.

705. Mais si l'inventeur ne peut se regarder comme pauvre, commettra-t-il une injustice en gardant pour lui-même les choses perdues dont il n'a pu découvrir le maître? La plupart des théologiens pensent qu'il se rendrait coupable d'injustice, parce que, disent-ils, l'inventeur ne peut se les approprier sans aller contre l'intention du maître, qui est alors présumé vouloir que les choses égarées, qu'il ne peut recouvrer, soient employées en bonnes œuvres. Cependant, plusieurs docteurs de réputation (1), dont le sentiment est probable (2), dispensent l'inventeur de l'obligation d'employer en bonnes œuvres les objets qu'il a trouvés. Ils se fondent et sur l'enseignement des jurisconsultes, et sur la condonation mutuelle, générale et tacite qu'invoquent les fidèles euxmêmes, qui s'attribuent assez communément les choses dont il s'agit, les regardant comme une compensation des choses qu'ils ont perdues, ou qu'ils sont exposés à perdre tous les jours.

Quoi qu'il en soit, pour ne pas confondre l'incertain avec le certain, il est prudent de ne pas insister, dans les instructions qu'on fait au peuple, sur l'obligation de donner aux pauvres les choses trouvées dont le maître ne se présente pas. On y exhortera les fidèles comme à un acte de charité, évitant ce qui pourrait leur faire croire qu'ils y sont tenus comme à un acte de justice.

Quand il s'agit de rendre au maître les choses qu'on a trouvées, on n'en doit rien exiger. On peut seulement recevoir ce qu'il offre librement: cependant on est en droit de réclamer le remboursement des dépenses qu'on a été obligé de faire, soit pour découvrir le maitre, soit pour la conservation de la chose qu'on lui rend.

(1) Soto, Navarre, Ledesma, Sa, Monschein, Haunold, Illsung, Babenstuber, Mezger, etc. (2) Les théologiens de Salamanque, de Lugo, Lessius, Lacroix, Vasquez, Medina, Malder, Reiffenstuel, Herinx, Reuter, Mazotta, etc., regardent ce sentiment comme probable; il est même très-probable, au jugement de Leymann, valde probabilis.

Nous ferons remarquer, tant pour le for intérieur que pour le for extérieur, que si le possesseur actuel de la chose perdue l'a achetée dans une foire, ou dans un marché, ou dans une vente publique, ou d'un marchand vendant des choses pareilles, le propriétaire originaire ne peut la réclamer qu'en remboursant au possesseur le prix qu'elle lui a coûté (1).

CHAPITRE V.

De l'Accession.

706. L'accession est une manière d'acquérir, par laquelle une chose accessoire appartient au propriétaire de la chose principale. Suivant le Code civil, la propriété d'une chose, soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu'elle produit, et sur ce qui s'y unit accessoirement, soit naturellement, soit artificiellement; et ce droit s'appelle droit d'accession (2).

Les fruits naturels ou industriels de la terre, les fruits civils appartiennent, par droit d'accession, au propriétaire de la chose même, ou à ceux à qui il a cédé le droit de les percevoir, à la charge toutefois de tenir compte des frais de labour, travaux et semences faits par des tiers (3).

On entend par fruits les différentes espèces de revenus qu'on peut tirer d'une chose, de quelque nature qu'ils puissent être. Les fruits naturels sont ceux que la terre produit spontanément, comme le bois, le foin, les fruits de certains arbres, le croît des animaux, etc. Les fruits industriels d'un fonds sont ceux qu'on obtient par la culture, comme les moissons, la récolte de la vigne. Les fruits civils sont les loyers des maisons, les intérêts des sommes exigibles, les arrérages des rentes. Les prix des baux à terme sont aussi rangés dans la classe des fruits civils (4).

707. La propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous le propriétaire peut donc faire, et au-dessus et au-dessous, toutes les constructions et tous les travaux qu'il juge à propos, sauf les exceptions et modifications résultant des lois et règlements du

(1) Cod. civ. art. 2280. — (2) Ibid. art. 546. art. 583.

(3) Ibid. art. 547. — (4) Ibid.

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