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« possessionem. Si vero ad possessionem bonæ fidei dubium super« venit, præscriptio non interrumpitur; modo interim diligentia « adhibeatur ad veritatem inquirendam (1). »

717. 4o Un titre translatif de propriété. Pour prescrire, il faut que la possession procède d'un juste titre, c'est-à-dire, d'un titre qui soit de nature à transférer la propriété tel serait, par exemple, un contrat de vente, un échange, une donation, un legs, une hérédité. Un titre précaire, comme le titre de l'engagiste, du dépositaire, du fermier, de l'usufruitier, ne peut servir pour la prescription. Ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais, par quelque laps de temps que ce soit. Ainsi, comme le déclare expressément le Code civil, le fermier, le dépositaire, l'usufruitier, et tous autres qui détiennent précairement la chose du propriétaire, ne peuvent la prescrire (2). Il en est de même de leurs héritiers, tant qu'ils n'ont pas d'autre titre qu'un titre précaire. Ce titre est un obstacle perpétuel à ce que le possesseur puisse se regarder comme propriétaire de là cet axiome : « Melius est non habere titulum quam habere vitiosum. » Mais ceux à qui les fermiers, les dépositaires et autres détenteurs précaires ont transmis la chose par un titre translatif de propriété, peuvent la prescrire (3).

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En fait de meubles, la possession vaut titre : on peut donc les prescrire par une simple possession de bonne foi. Il n'est pas nécessaire non plus d'avoir un titre pour la prescription des immeubles, qui s'opère par une possession de trente ans. Mais on ne peut prescrire par dix et vingt ans qu'au moyen d'un titre valable et translatif de propriété. Le titre nul par défaut de forme ne peut servir pour la prescription de dix à vingt ans; mais il n'empêche pas la prescription trentenaire.

718. 5o Le temps requis pour prescrire. La prescription se compte par jours et non par heures; elle est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli.

Toutes les actions, tant réelles que personnelles, se prescrivent par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre (4). Par conséquent celui qui, de bonne foi, a possédé comme sien un immeuble pendant trente ans, peut le conserver, lors même qu'il découvrirait, le lendemain du jour où la prescription s'est accomplie, qu'il avait possédé cet immeuble

(1) Lib. ш. no 504. — (2) Cod. civ. art. 2236 ef ?237, etc. — (3) Ibidem. art. 2269, etc. (4) Ibidem. art. 2262.

au préjudice d'un tiers. Il en est de même pour toute autre prescription.

Celui qui acquiert de bonne foi et avec titre un immeuble, en prescrit la propriété par dix ans, si le véritable propriétaire habite dans le ressort de la cour royale, dans l'étendue de laquelle l'immeuble est situé; par vingt ans, s'il est domicilié hors dudit ressort. Si le véritable propriétaire a eu son domicile, en différents temps, dans le ressort et hors du ressort, il faut ajouter à ce qui manque aux dix ans de présence un nombre d'années d'absence double de celui qui manque pour compléter la prescription de dix ans. Ainsi, par exemple, si celui contre lequel je prescris habite six ans dans le ressort et huit ans hors du ressort, ces huit dernières années forment les quatre années que j'ajoute aux six premières, et complètent le temps requis pour la prescription de dix ans (1).

Les meubles se prescrivent par trois ans ; mais il est nécessaire, pour cette prescription, comme pour celle des immeubles, que la possession soit fondée sur la bonne foi.

719. Quant aux prescriptions à l'effet de se libérer, qui s'opèrent par six mois, un an, deux ans, cinq ans, elles n'ont lieu, généralement, que pour le for extérieur : le débiteur qui n'a pas réellement satisfait à une obligation ne peut, en conscience, opposer la prescription. Nous avons dit généralement; car il y a quelques cas d'exception. Ces cas sont: 1o ceux où l'action est dirigée contre l'héritier du débiteur, quand on a lieu de croire que la dette a été acquittée par le défunt, et on la présume acquittée jusqu'à preuve contraire; 2o quand il se trouve que, par le fait du créancier, le débiteur ne tire aucun avantage du non-payement de la dette. Exemple: Une femme qui avait des dettes s'est mariée sous le régime de la communauté légale. Un des créanciers qui aurait pu se faire payer pendant le mariage a laissé prescrire sa créance. La communauté se dissout, et la femme y renonce : elle peut en sûreté de conscience opposer la prescription au créancier, en lui objectant que, s'il eût fait valoir son action pendant la communauté, il eût pu être payé; qu'elle ne tire aucun avantage de ce qu'il ne l'a pas été, puisqu'elle est obligée de renoncer à la communauté; qu'elle souffrirait, au contraire, du préjudice de ce qu'il a tardé si longtemps à poursuivre; de sorte que l'indemnité qu'il lui doit, à raison de ce préjudice, se compense par le montant de la dette dont il réclame le payement.

(1) Cod. civ. art. 2265, etc.

720. Pour compléter le temps nécessaire pour la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu'on lui ait succédé, soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux (1). Si donc, par exemple, je suis héritier d'une personne qui a possédé pendant vingt ans, il me suffit de continuer cette possession pendant dix ans, pour arriver à une prescription trentenaire. Il en serait de même dans le cas où je posséderais la chose à titre d'achat, de legs ou de donation, etc. Celui duquel je tiens la chose, à titre lucratif ou onéreux, me l'a livrée avec tous les droits qu'il avait à l'égard de cette chose, avec le droit par conséquent de la prescrire.

On ne peut invoquer la possession de son auteur qu'autant qu'elle est légitime : une possession vicieuse, violente, clandestine, de mauvaise foi, ne peut servir, ni à celui qui possède, ni à celui qui lui succède, s'il connaît les vices de cette possession; mais elle n'empêchera pas de prescrire le tiers acquéreur qui est de bonne foi seulement, la prescription ne commencera qu'à partir du moment où ce tiers entre en possession, en vertu d'un titre translatif de propriété, dans l'ignorance des vices qui accompagnaient la possession de son auteur. Dans ce cas, si le tiers acquéreur tient la chose à titre particulier, onéreux où lucratif, il peut prescrire par trois, dix ou vingt ans. En est-il de même de l'héritier d'un homme de mauvaise foi? Il en est certainement de mème de celui qui hérite ou succède à titre particulier : il a une possession qui lui est propre, une possession qui ne peut être regardée comme une continuation de celle du défunt; car il ne le représente pas: il pourra done prescrire, comme tout autre acquéreur, à titre particulier. Mais il en est autrement pour le successeur universel ou à titre universel. Si l'auteur était possesseur de mauvaise foi, si sa possession était une possession violente, clandestine, frauduleuse; si, par exemple, la chose qu'il possède était une chose volée, le successeur universel, fût-il de bonne foi, ne pourrait la prescrire : Succedit enim in vitia defuncti. » Ce qui toutefois doit s'entendre de la prescription de trois, dix ou vingt ans, et non de la prescription trentenaire. Ainsi l'héritier d'une personne qui était de mauvaise foi peut prescrire par le laps de trente ans; et nous pensons que cette prescription a lieu, même au for intérieur, dans le cas où cet héritier est de bonne foi pendant les trente années.

(1) Cod. civ. art. 2235,

721. Ici se présente une question: Pierre est possesseur de bonne foi d'une chose qui ne lui appartient pas; il la possède comme sienne tout le temps requis pour prescrire. Paul, son fils et son héritier présomptif, connaissant parfaitement que cette chose n'appartient point à Pierre, ne l'a point averti, de crainte d'interrompre une prescription dont il espérait profiter un jour. Pierre meurt, et Paul, en sa qualité d'héritier universel, recueille avec la succession le fonds que le père avait prescrit. Peut-il le conserver sans injustice? Nul doute, à notre avis, qu'il ne puisse le conserver, non en vertu de la prescription, car ce n'est pas lui qui a prescrit; mais en vertu de son titre d'héritier, qui lui donne un droit réel sur tous les biens de son père légitimement acquis. Il a péché contre la charité en n'avertissant ni son père ni celui contre qui courait la prescription; mais il n'a point péché contre la justice. Et le père, étant devenu maitre et propriétaire du fonds qu'il a prescrit, a pu le transmettre à son fils, comme il aurait pu le transmettre à un étranger, soit à titre lucratif, soit à titre onéreux. Qu'on n'objecte point la mauvaise foi du fils; elle n'a pu vicier la possession du père, qui était de bonne foi; elle n'a pu par conséquent empêcher la prescription.

722. Une autre question: Un enfant mineur peut-il prescrire par une possession de bonne foi? Il le peut, car la prescription court au profit de tous ceux qui, de bonne foi, possèdent civilement, avec un titre translatif de propriété, réel ou présumé. Mais pourra-t-il, étant devenu majeur, conserver les biens qu'il a prescrits de bonne foi, dans le cas où le tuteur eût été de mauvaise foi? Nous pensons qu'il peut les conserver, puisqu'il a pour lui le titre d'une prescription légitime: la mauvaise foi du tuteur ne peut nuire aux droits que le mineur tient de la loi. Si, durant son administration, le tuteur a fait tort à un tiers, lui seul doit en être responsable.

723. La prescription peut être interrompue ou suspendue. Quand elle est interrompue, les années de possession écoulées avant l'interruption ne se comptent pas; il faut recommencer à prescrire de nouveau. L'interruption se fait naturellement ou civilement. Il y a interruption naturelle, lorsque le possesseur est privé, pendant plus d'un an, de la jouissance de la chose, soit par l'ancien propriétaire, soit même par un tiers. Une citation en justice, un commandement, une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, forment l'interruption civile. La prescription est encore

interrompue par la reconnaissance que le débiteur ou le possesseur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait (1).

Lorsque la prescription est suspendue, les années de possession antérieures à sa suspension se comptent; et, la suspension une fois levée, elles servent, conjointement avec les années qui suivent, à compléter le temps requis pour prescrire.

La prescription court contre toutes sortes de personnes, à moins qu'elles ne soient dans quelque exception établie par la loi. Généralement, elle ne court pas contre les mineurs et les interdits; elle ne court pas non plus entre les époux (2). Quant aux calamités publiques, elles ne suspendent pas la prescription. Ni la guerre ni la peste, ni toute autre calamité, ne peuvent, en France, suspendre la prescription; car elles ne sont point mises par la loi au nombre des causes qui en suspendent le cours (3).

Comme c'est aux lois civiles à régler et à déterminer les conditions requises pour la prescription; comme c'est d'elles que ce moyen d'acquérir ou de se libérer tire principalement sa force et son énergie, nous admettons comme règle générale que, toutes les fois qu'on peut prescrire au for extérieur, on peut également prescrire au for intérieur, pourvu qu'il y ait bonne foi pendant tout le temps requis pour la prescription.

CHAPITRE VII.

Des Successions.

724. On entend par succession, le droit de recueillir les biens qu'une personne laisse en mourant; et on donne le nom d'héritier à celui auquel ce droit est dévolu. On distingue deux sortes de successions, la succession légitime et la succession testamentaire: la première est déférée par la loi; et la seconde, par la volonté de l'homme et par la loi. Nous parlerons de la succession testamentaire au chapitre des donations.

Les successions s'ouvrent par la mort naturelle ou civile. La

(1) Cod. civ. art. 2242, etc. — (2) Ibid. art. 2251, etc. — (3) Voyez Dunod, Merlin, etc.

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