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« avaient un usage suffisant de leur raison; et pourvu que celui qui leur a prêté l'argent ait fait le prêt de bonne foi, sans prévoir qu'ils emploieraient en folles dépenses l'argent qu'il leur prêtait (1).

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748. 3o Les femmes mariées. Ce que nous avons dit des mineurs s'applique aux femmes mariées, non autorisées, pour tous les actes qui excèdent leur capacité.

749. 4° Ceux qui sont morts civilement. Le condamné à la mort civile est privé de tous les droits qui ne sont pas rigoureusement nécessaires au soutien de la vie naturelle. Il ne peut plus disposer en aucune manière de ses immeubles, ni recevoir aucune donation, si ce n'est pour cause d'aliments. Il est incapable de contracter un mariage qui produise aucun effet civil (2).

ARTICLE III.

De l'Objet et de la Matière des Contrats.

750. Tout contrat a pour objet une chose que les deux parties, ou l'une d'elles, s'obligent à donner, à faire ou à ne pas faire. Mais pour qu'une chose puisse être l'objet ou la matière d'un contrat, il faut : 1° qu'elle existe, ou du moins qu'elle puisse exister un jour. Les choses futures, une simple espérance même, peuvent être l'objet d'une obligation. Cependant, on regarde comme contraires à l'honnêteté publique les stipulations relatives à la succession d'une personne vivante, quand même elles seraient faites de son consentement. Aussi toute convention de ce genre est expressément prohibée (3).

Il faut, 2o que la chose soit dans le commerce. Ce qui n'est point propriété privée, ni susceptible de le devenir, ne peut être l'objet d'un contrat.

Il faut, 3o que l'obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce. Lorsqu'une promesse est tellement indéterminée, tellement générale, qu'on ne peut en connaitre l'objet précis, il n'y a pas d'obligation. Tel est le cas de ces protestations vagues par lesquelles une personne déclare que tous ses

(1) Traité des Obligations, no 52. — Voyez aussi les conférences d'Angers, sur les Contrats, conf. 1. quest. vi, etc. — (2) Cod. civ. art. 25. — (3) Ibidem.

art. 1130.

biens, tout ce qu'elle possède, appartient à une autre, que celle-ci peut en disposer comme de ses biens propres : de pareilles protestations ne caractérisent point l'intention de s'obliger, parce que l'objet n'en est pas déterminé.

Si la chose est déterminée quant à son espèce, l'obligation est valable. Ainsi, par exemple, si je m'oblige à vous donner un cheval, je vous dois réellement un cheval, d'une valeur ordinaire. « Si la dette est d'une chose qui ne soit déterminée que par son « espèce, le débiteur ne sera pas tenu, pour être libéré, de la « donner de la meilleure espèce; mais il ne pourra l'offrir de la plus mauvaise (1). » Si la chose était seulement déterminée quant au genre, la convention serait nulle: telle serait, par exemple, la promesse par laquelle je m'engagerais à vous donner un animal, sans désigner l'espèce. Cet engagement est nul, puisque je puis le rendre illusoire.

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751. Il faut, 4° que la chose ou le fait, qui est la matière du contrat, soit physiquement et moralement possible. Une chose est physiquement impossible, quand les lois de la nature s'opposent à son exécution. Elle est moralement impossible, quand elle ne peut s'exécuter sans que les lois ou les bonnes mœurs soient violées.

Il faut, 5o que la chose concerne les parties contractantes. On ne peut, en général, promettre ou stipuler en son propre nom que pour soi-même. Cependant il est plusieurs cas où nous stipulons effectivement pour nous-mêmes, quoique la convention fasse mention d'un tiers. Ainsi, ce n'est pas stipuler pour un autre, que de stipuler que telle chose ou telle somme sera livrée à un tiers désigné dans la convention. Exemple: Je vous vends un héritage pour la somme de 1,000 fr.: si je stipule que vous payerez cette somme à Pierre, je ne stipule point pour un autre, mais bien pour moi-même. Ce n'est pas non plus stipuler pour un autre, lorsqu'on stipule qu'on fera quelque chose pour un tiers, si on a un intérêt personnel à ce que la chose se fasse. Exemple: Si, m'étant obligé envers Paul de rebâtir sa maison dans l'espace d'un certain temps, je stipule avec vous que vous ferez cet ouvrage en ma place, la convention est valable. De même, nous stipulons et nous promettons pour nous-mêmes et non pour autrui, lorsque nous stipulons ou promettons pour nos héritiers, parce qu'ils sont en quelque sorte la continuation de nous-mêmes (2).

(1) Cod. civ. art. 1246. — (2) 1bidem, art. 1119, etc.

M. I.

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ARTICLE IV.

De la Cause des Contrats.

752. Par la cause d'une obligation, d'un contrat, on entend la raison ou le motif qui détermine à faire une convention. Dans les contrats commutatifs, la cause de l'obligation que je m'impose est la volonté d'acquérir un droit, en échange de ce que je donne ou promets de donner. Dans les contrats de bienfaisance, la cause de l'obligation est la satisfaction de faire du bien à la personne envers laquelle on s'oblige. Or, une obligation sans cause, ou fondée sur une cause fausse, est une obligation nulle, et ne peut avoir aucun effet (1). Par conséquent, si, croyant faussement vous devoir une somme de 1,000 francs qui avait été léguée par le testament de mon père, mais qui a été révoquée par un second testament dont je n'avais pas connaissance, je me suis obligé à vous donner un héritage en payement de cette somme, ce contrat est nul, parce que la cause de mon engagement, qui était l'acquittement de cette dette, est une cause qui s'est trouvée fausse. D'après le même principe, tout engagement contracté par suite d'une erreur principale et déterminante demeure sans effet.

753. Il en est d'une obligation illicite dans sa cause ou dans son objet, comme d'une obligation sans cause; elle est frappée de nullité. Une cause est illicite, quand elle est contraire aux bonnes mœurs, ou prohibée par les lois, soit divines, soit ecclésiastiques, soit civiles. Ainsi, on doit regarder comme nul l'engagement de commettre un crime, une action contraire à la morale évangélique. « Quæ contra jus fiunt, debent utique pro infectis haberi (2). » « Pactum turpe vel rei turpis aut impossibilis de jure vel de facto « nullam obligationem induxit (3). »

Est-on obligé d'accomplir la promesse par laquelle on s'est engagé à donner une certaine somme d'argent pour faire faire une chose immorale, illicite? Non, évidemment, tandis que la chose n'est pas encore faite : « Certum est quod ante patrationem peccati « nullus est contractus, et nullam parit obligationem, quoniam « justitia nullo modo potest obligare ad illicitum (4). » En est-il de

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(1) Cod. civ. art. 1131.—(2) Regul. Juris in Sexto. (3) Greg. IX, cɛ§. Pactiones, de Pactis (4) S. Alphonse de Liguori, lib. nt, no 712.

même lorsque le crime a été commis? C'est une question controversée parmi les moralistes. Les uns pensent que celui qui a fait la promesse dont il s'agit n'a contracté ni devant Dieu ni devant les hommes, ni avant ni après le crime commis, aucune obligation d'exécuter sa promesse. Les autres, au contraire, croient que, le crime étant une fois commis, on est obligé de donner ce qu'on a promis pour le faire commettre. Saint Alphonse de Liguori regarde cette opinion comme plus probable, sententia probabilior (1). Néanmoins, nous préférons le premier sentiment. Il répugne, ce nous semble, aux bonnes mœurs, que l'on soit admis à répéter la récompense de son crime. Ce serait enhardir le libertinage, et autoriser le désordre, que de reconnaître qu'on peut compter sur l'exécution d'une promesse immorale, et acquérir, en commettant le crime, le droit de réclamer un salaire, de quelque manière qu'on l'envisage (2).

754. Peut-on répéter ce qu'on a payé pour une action contraire à la morale? Si l'action n'est pas encore commise, celui qui a reçu de l'argent pour la commettre doit le rendre le plus tôt possible à celui duquel il le tient : « Pecunia tua tecum sit in perditionem.... « Pœnitentiam itaque age ab hac nequitia tua (3). » Si l'action a été commise, il faut distinguer ou les deux parties étaient en cause honteuse, ou l'une d'elles seulement y était. Dans le premier cas, ce qui a été payé ne peut être répété; le mal est fait, et la faute commise par le corrupteur, qui a payé pour faire faire une chose immorale, ne doit pas être un titre pour répéter ce qu'il a donné. Si l'un ne mérite pas de retenir le salaire de son crime, le corrupteur ou complice ne mérite pas plus de recouvrer ce qu'il a payé : il y a faute de part et d'autre, et la loi donne la préférence au possesseur : « Ubi dantis et accipientis turpitudo versatur, non « posse repeti dicimus (4). » Dans le second cas, c'est-à-dire, si celui qui a reçu était seul coupable, veluti si tibi dedero pecu« niam, ne mihi injuriam facias,» il n'est pas douteux que la partie innocente ne puisse répéter ce qu'elle a été forcée de payer : « Quod « si turpis causa accipientis fuerit, etiam si res secuta sit, repeti « potest (5). »

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Cependant, lorsque les deux parties sont en cause honteuse,

(1) S. Alphonse de Liguori, lib. m. no 712. · (2) Les Conférences d'Angers, sur les Contrats, conf. 1. quest. 5; Pothier, Traité des Obligations, no 41, etc. - (2) Act. c. 8. v. 20 et 22. (4) L. 8. ff. de Condict. ob turp. caus, — (5) L. 1. Ibidem.

nous pensons que si l'une ne mérite pas de recouvrer ce qu'elle a payé, il n'est pas moins odieux pour l'autre de retenir ce qu'elle a reçu comme une récompense de son crime; et qu'il est au moins décent que ce salaire tourne au profit des pauvres. Le confesseur peut l'exiger, s'il le juge convenable, comme une pénitence salutaire au coupable.

ARTICLE V.

De l'Effet, de l'Exécution et de l'Interprétation des Contrats.

755. Les contrats ou conventions sont une des principales causes de nos obligations. Les conventions qui réunissent toutes les conditions requises pour la validité des contrats tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, et doivent être exécutées de bonne foi. Elles obligent non-seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi, donnent à l'obligation d'après sa nature (1).

L'obligation de donner une chose emporte l'obligation de la livrer; et quand elle s'applique à un corps certain et désigné, elle renferme de plus l'obligation de le conserver jusqu'à la livraison. Dans ce dernier cas, le débiteur est tenu d'apporter à la conservation de la chose tous les soins d'un bon père de famille, soit que la convention n'ait pour objet que l'utilité d'une des parties, soit qu'elle ait pour objet leur utilité commune; sauf cependant le plus ou moins d'étendue de cette obligation, relativement à certains contrats (2). Dans les contrats translatifs de propriété, l'obligation de livrer la chose est parfaite par le seul consentement des parties; elle rend par conséquent le créancier propriétaire, et met la chose à ses risques dès l'instant que l'obligation a pris naissance, encore que la tradition n'en ait point été faite, à moins que le débiteur ne soit en demeure de la livrer; auquel cas la chose reste aux risques de ce dernier (3). Exemple: Je vous vends un cheval avec l'obligation de vous le livrer dans un mois; quelques jours après, ce cheval périt chez moi, sans qu'il y ait de ma faute; vous en étiez propriétaire, il a par conséquent péri pour vous: Res perit domino. Mais il n'en serait pas de même, si j'étais en demeure de le livrer; dans

(1) Cod. civ. art. 1134 et 1135.—(2) Ibidem. art. 1136 et 1137. —(3) Ibidem. art. 1138.

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