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que le payement de l'une doive l'acquitter de toutes. Je promets de vous donner tel cheval, tel bœuf, ou 500 francs; c'est une obligation alternative. Si je vous donne l'une de ces trois choses, je me libère de toute obligation.

Le débiteur peut se libérer en délivrant l'une des choses promises: le choix lui appartient, à moins qu'il n'ait été expressément accordé au créancier; mais alors il ne peut forcer le créancier à recevoir une partie de l'une et une partie de l'autre. L'obligation alternative devient pure et simple, si l'une des deux choses promises périt et ne peut plus être livrée, même par la faute du débiteur. Le prix de cette chose ne peut pas être offert à sa place. Si toutes deux sont péries, et que le débiteur soit en faute à l'égard de l'une d'elles, il doit payer le prix de celle qui a péri la dernière, lors même que celle-ci eût péri sans la faute du débiteur. Mais si les deux choses sont péries sans la faute du débiteur, l'obligation est éteinte (1).

765. Obligation facultative. C'est celle qui a pour objet une chose déterminée, mais avec la faculté pour le débiteur d'en payer une autre à la place. Exemple: Paul a légué à Titus sa maison de campagne, si mieux n'aimait son héritier donner à Titus la somme de 10,000 francs. Dans ce cas, le légataire ne peut demander que la maison, quoique l'héritier puisse se dispenser de la livrer, en payant les 10,000 francs; et si la maison vient à périr entièrement par un tremblement de terre, ou par un autre accident, l'obligation serait éteinte et ne subsisterait point pour ladite somme. C'est en cela que l'obligation facultative diffère de l'obligation alternative.

766. Obligation solidaire. L'obligation est solidaire, lorsque le total de la dette peut être demandé par chaque créancier, ou lorsqu'il peut être exigé de chaque débiteur. Ainsi, il peut y avoir solidarité entre les créanciers et entre les débiteurs. Cette première espèce de solidarité donne à chacun des créanciers le droit de demander le payement du total de la créance; mais le débiteur peut se libérer entièrement envers tous les créanciers, en faisant le payement de la somme totale à l'un d'entre eux. Néanmoins, la remise qui ne serait faite que par l'un des créanciers solidaires ne libérerait le débiteur que pour la part de ce créancier (2).

Pour ce qui regarde la solidarité entre les débiteurs, le créancier

(1) Voyez le Cod. civ. art. 1188. — (2) Ibidem. art. 1197.

peut indifféremment s'adresser à celui d'entre eux qu'il veut choisir, pour se faire payer le total de la créance. Mais l'obligation solidaire envers le créancier se divise de plein droit entre les débiteurs, qui ne sont tenus entre eux que chacun pour sa part et portion. Aussi, le codébiteur d'une dette solidaire, qui l'a payée en entier, ne peut répéter contre les autres que la part et portion de chacun d'eux. Si l'un des codébiteurs se trouve insolvable, la perte qu'occasionne son insolvabilité se répartit, par contribution, entre tous les autres débiteurs solvables et celui qui a fait le payement (1).

Il ne s'agit ici que de la solidarité qui résulte d'une convention; nous parlerons ailleurs de celle qu'on contracte comme complice de quelque délit.

767. Obligation divisible. L'obligation est divisible ou indivisible, selon qu'elle a pour objet, ou une chose qui, dans sa livraison, ou un fait qui, dans l'exécution, est ou n'est pas susceptible de division, soit matérielle, soit intellectuelle (2). La division matérielle est celle qui peut se faire en parties réellement et effectivement divisées : telle est l'obligation de livrer dix mesures de blé. La division intellectuelle est celle qui n'existe que dans l'entendement elle a lieu lorsque la chose, quoique non susceptible de division réelle, peut cependant être possédée par plusieurs personnes, par parties indivises. Un cheval, par exemple, est susceptible de cette dernière espèce de division: on peut en être propriétaire pour une moitié, un tiers, un quart, etc. Une chose qui fait l'objet d'une obligation peut être indivisible de sa nature, comme, par exemple, un droit de vue, de passage; ou par le rapport sous lequel elle a été considérée dans le contrat : telle est, par exemple, l'obligation de bâtir une maison.

L'obligation qui est susceptible de division doit être exécutée entre le créancier et le débiteur, comme si elle était indivisible. La divisibilité n'a d'application qu'à l'égard de leurs héritiers, qui ne peuvent demander la dette, ou qui ne sont tenus de la payer que pour les parts dont ils sont saisis, ou dont ils sont tenus, comme représentant le créancier ou le débiteur (3).

768. Ce principe reçoit exception à l'égard des héritiers du débiteur: 1° dans le cas où la dette est hypothécaire; 2o lorsqu'elle est d'un corps certain; 3o lorsqu'il s'agit de la dette alternative de

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choses au choix du créancier, dont l'une est indivisible; 4o lorsque l'un des héritiers est chargé seul, par le titre, de l'exécution de l'obligation; 5o lorsqu'il résulte, soit de la nature de l'engagement, soit de la chose qui en fait l'objet, soit de la fin qu'on s'est proposée dans le contrat, que l'intention des contractants a été que la dette ne pût s'acquitter partiellement (1).

Chacun de ceux qui ont contracté conjointement une dette indivisible en est tenu pour le total, encore que l'obligation n'ait pas été contractée solidairement. Il en est de même à l'égard des héritiers de celui qui a contracté une pareille obligation, comme aussi chaque héritier du créancier peut exiger en totalité l'exécution de l'obligation indivisible (2).

769. Obligation avec clause pénale. La clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose, en cas d'inexécution. La nullité de l'obligation principale entraîne celle de la clause pénale, mais la nullité de celle-ci n'entraine point celle de l'obligation principale. On regarde la clause pénale comme une compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l'inexécution de l'obligation principale (3).

ARTICLE VII.

De l'Extinction des Obligations conventionnelles.

770. Les obligations s'éteignent par le payement, par la novation, par la remise volontaire, par la compensation, par la confusion, par la perte de la chose, par la nullité ou la rescision, par l'effet de la condition résolutoire, ou par la prescription. Nous avons parlé, plus haut, de la condition résolutoire et de la prescription.

1° Par le payement. Le payement est l'acquittement d'une obligation. Tout payement suppose une dette; on peut par conséquent répéter ce qui a été payé sans ètre dû. Mais la répétition n'est point admise, même au for extérieur, à l'égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées (4).

Une obligation peut être acquittée par toute personne qui y est intéressée, telle qu'un coobligé ou une caution; et même par un

(1) Cod. civ. art. 1221, etc. · - (2) Ibidem. art. 122, etc. 1226 et suiv. – (4) Ibidem. art. 1235.

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tiers qui n'y est point intéressé, pourvu que ce tiers agisse au nom et en l'acquit du débiteur. Mais l'obligation de faire ne peut être acquittée par un tiers contre le gré du créancier, lorsque ce dernier a intérêt qu'elle soit remplie par le débiteur (1).

Pour payer valablement, il faut être propriétaire de la chose donnée en payement, et capable de l'aliéner. Néanmoins, le payement d'une somme en argent, ou autre chose qui se consomme par l'usage, ne peut être répété contre le créancier qui l'a consommée de bonne foi, quoique le payement en ait été fait par celui qui n'était pas propriétaire, ou qui n'était pas capable de l'aliéner: ce qui doit s'entendre, au for de la conscience comme au for extérieur, dans le sens que le créancier n'est pas tenu d'en rendre l'équivalent.

Le payement doit être fait au créancier, ou à quelqu'un ayant pouvoir de lui, ou qui soit autorisé par la justice ou par la loi à recevoir pour lui. S'il était fait à celui qui n'aurait pas pouvoir de recevoir pour le créancier, il ne serait valable qu'autant que celui-ci le ratifierait ou qu'il en aurait profité. Le créancier ne peut être contraint de recevoir une chose autre que celle qui lui est due, quoique la valeur de la chose offerte soit égale ou même plus grande; et le débiteur ne peut forcer le créancier à recevoir en partie le payement d'une dette, même divisible.

771. Le débiteur d'un corps certain et déterminé est libéré par la remise de la chose en l'état où elle se trouve lors de la livraison, pourvu que les détériorations qui y sont survenues ne viennent point de son fait ou de sa faute, ni de celle des personnes dont il est responsable, ou qu'avant ces détériorations il ne fût pas en demeure. Si la dette est d'une chose qui ne soit déterminée que par son espèce, le débiteur n'est pas tenu de la donner de la meilleure espèce, mais il ne peut l'offrir de la plus mauvaise.

Le payement doit se faire dans le lieu désigné par la convention. Si le lieu n'est pas désigné, le payement, lorsqu'il s'agit d'un corps certain et déterminé, doit être fait dans le lieu où était, au temps de l'obligation, la chose qui en fait l'objet. Hors ces deux cas, le payement doit être fait au domicile du débiteur; les frais qu'il peut occasionner sont à sa charge (2).

772. Un débiteur est-il déchargé de l'obligation de payer ses dettes par la cession de ses biens? La cession des biens est l'abandon qu'un débiteur fait de tous ses biens à ses créanciers, lorsqu'il

(1) Cod. civ. art. 1235 et suiv. — (2) Ibidem. art. 1238 et suiv.

se trouve hors d'état de payer ses dettes. On distingue la cession volontaire et la cession judiciaire. La cession volontaire est celle que les créanciers acceptent volontairement. La cession judiciaire est un bénéfice que la loi accorde au débiteur malheureux et de bonne de foi, auquel il est permis, pour avoir la liberté de sa personne, faire en justice l'abandon de tous ses biens à ses créanciers, nonobstant toute stipulation contraire. La cession judiciaire ne confere point la propriété aux créanciers; elle leur donne seulement le droit de faire vendre les biens à leur profit, et d'en percevoir les revenus jusqu'à la vente. Elle opère la décharge de la contrainte par corps, mais elle ne libère le débiteur que jusqu'à concurrence de la valeur des biens abandonnés; et, dans le cas où ils auraient été insuffisants, s'il lui en survient d'autres, il est obligé de les aban donner jusqu'au parfait payement (1). Il en est de même, pour ce qui regarde le for intérieur, de la cession volontaire : quelles que soient les stipulations du contrat passé entre le débiteur et les créanciers, elles ne dispensent du payement intégral qu'autant que le débiteur serait dans l'impossibilité de se procurer les moyens de le faire à l'avenir, ou qu'autant que les créanciers auraient déclaré librement et formellement qu'ils le déchargent de toute obligation. «Si tamen postea redeat ad pinguiorem fortunam, tenetur << adhuc restituere (2). » Mais le débiteur qui fait cession de ses biens peut, au for de la conscience, se retenir ce qui lui est absolument nécessaire pour vivre dans son état, en se réduisant à un entretien fort modique (3).

773. Nous pensons qu'on ne doit point inquiéter ceux qui, pendant la révolution, ont payé leurs dettes en assignats, soit que les assignats aient été reçus en payement, soit qu'ils aient été achetés: les assignats, app lés papier-monnaie, étaient devenus une monnaie courante en France, dont chacun pouvait se servir pour l'acquittement de ses obligations, Funeste ou non, la loi qui donnait cours au papier-monnaie, pouvant être invoquée par tous, cessait d'être injuste à l'égard de ceux envers lesquels elle recevait son application.

774. 2° Par la novation. La novation est la substitution d'une nouvelle dette à l'ancienne, qui se trouve en conséquence éteinte; elle ne peut avoir lieu qu'entre personnes capables de contracter. La novation s'opère de trois manières: 1° lorsque le débiteur

(1) Cod. civ. art. 1265, etc. — (2) S. Alphonse de Liguori, lib. 111. no 699, et alii. (3) Conférences d'Angers, sur les Restitutions, conf. v. quest. 2.

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